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Au château de Corinne - E-monsite

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dans la cour. Benjamin Franklin lui apprit que la dame se trouvait au jardin. Il lui dit<br />

cela, un bonnet <strong>de</strong> laine enfoncé jusqu’aux oreilles, et vêtu d’un long manteau épais qui<br />

lui <strong>de</strong>scendait aux chevilles. Il <strong>de</strong>vait sans aucun doute s’étonner <strong>de</strong>s goûts <strong>de</strong> la dame.<br />

La dame se tenait à l’extrémité <strong>de</strong> la longue allée, comme la fois précé<strong>de</strong>nte. Mais ce<br />

jour-là, la longue allée était l’image <strong>de</strong> la désolation : toutes les feuilles <strong>de</strong> couleurs vives,<br />

désormais jaunies ou brunies, jonchaient le sol en tas tellement détrempés que le vent, si<br />

fort qu’il fût, ne parvenait pas à les soulever. D’un côté, le mur nu <strong>de</strong> pierre barrait la<br />

perspective, <strong>de</strong>s stries d’humidité sur sa couleur grisaille ; <strong>de</strong> l’autre, le vieux <strong>château</strong><br />

apparaissait entre les arbres dépossédés <strong>de</strong> leurs feuilles, froid, nu et jaune, et un hiver<br />

promis à être long semblait déjà le faire frissonner. Mais les hommes ne sont pas aussi<br />

sensibles à ce genre <strong>de</strong> choses que les femmes. Un ciel triste et un pan <strong>de</strong> mur nu ne leur<br />

semblent pas la fin du mon<strong>de</strong>, alors qu’à ce moment-là, c’était l’impression <strong>de</strong> Katharine<br />

Winthrop. Cette fois-ci, elle entendit son pas. Peut-être qu’il s’était arrangé pour qu’elle<br />

l’enten<strong>de</strong>. Elle se retourna.<br />

Son visage était pâle ; ses yeux, cernés <strong>de</strong> noir, paraissaient plus grands que d’habitu<strong>de</strong>.<br />

Elle lui rendit son salut avec calme. Quels que soient ses problèmes, ils ne semblaient pas<br />

tenir à lui.<br />

– Vous ne <strong>de</strong>vriez pas vous promener ici, Madame Winthrop, dit-il en la rejoignant, c’est<br />

trop mouillé.<br />

– C’est mouillé, en effet. Mais je repars à l’instant. Êtes-vous passé à Miolans ?<br />

– Oui, j’y ai vu ma tante. Elle m’a dit que vous étiez sortie à cheval. J’ai pensé que vous<br />

pouviez être ici.<br />

– Est-ce tout ce qu’elle vous a dit ?<br />

– Oui, je pense. Non, elle a ajouté que vous aimiez beaucoup la campagne à l’automne.<br />

Moi aussi. Ne serait-il pas plus sage qu’on fasse une halte dans la maisonnette du vieil<br />

homme, avant <strong>de</strong> remonter à cheval, afin <strong>de</strong> faire sécher un peu vos chaussures ?<br />

– Je ne prends jamais froid.<br />

– Peut-être que nous pourrions en trouver une paire à votre taille au village.<br />

– Ce n’est pas nécessaire. Je vais galoper. Faire <strong>de</strong> l’exercice est la meilleure <strong>de</strong>s<br />

protections.<br />

– Savez-vous pourquoi je suis revenu ? <strong>de</strong>manda-t-il, laissant <strong>de</strong> côté le sujet <strong>de</strong>s<br />

chaussures.<br />

– Non, répondit la dame.<br />

Elle semblait très triste et lasse.<br />

– Je suis revenu, Katharine, pour vous dire, simplement et humblement, que je vous<br />

aime. Cette fois-ci, je ne pose aucune condition. Je n’en ai aucune à poser. Conduisezvous<br />

avec moi comme vous l’enten<strong>de</strong>z. Je supporterai tout. Mais croyez que je vous aime<br />

<strong>de</strong> tout mon cœur. C’est arrivé malgré moi. D’abord, je n’ai pas voulu l’admettre. Mais<br />

récemment, cette certitu<strong>de</strong> s’est imposée à moi <strong>de</strong> façon si prégnante que j’ai été contraint<br />

<strong>de</strong> venir vous trouver. Je suis très fautif ; mais je vous aime. J’ai dit beaucoup <strong>de</strong> choses<br />

qui vous ont profondément déplu ; mais je vous aime. Ne réfléchissez pas. Renvoyezmoi.<br />

Si je dois m’en aller, c’est maintenant. Mais retenez-moi tout <strong>de</strong> suite, si vous avez<br />

l’intention <strong>de</strong> me retenir. Vous pourrez me punir plus tard.<br />

Jusque-là, ils avaient marché. Mais à ce moment, il s’arrêta. Elle s’arrêta également, sans<br />

rien dire. Elle gardait les yeux baissés.<br />

– C’est un véritable amour que je vous offre, dit-il à voix basse.<br />

Puis, comme elle ne parlait toujours pas, il ajouta :<br />

– Je vous rendrai très heureuse, Katharine.<br />

Son visage était <strong>de</strong>meuré pâle, mais après cette déclaration, elle prit quelques couleurs et<br />

elle sourit faiblement.<br />

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