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POLITIQUE Rien ne sert de minimiser les faits par des formules diplomatiques convenues, en espérant un retour rapide à la normale. Le Maroc est en train de subir un vrai blocus espagnol. Il faut se le dire et le dire. Un simple arrêt sur l'image de nos relations actuelles avec l'Espagne et les mesures prises par ce pays à notre encontre, le prouve. Le Maroc n'est pas Cuba et l'Espagne n'est pas les Etats-Unis d'Amérique. Et pourtant, l'Espagne entend nous assigner à résidence sur notre propre territoire. L’Espagne avait besoin d’appoint politique pour mener sa stratégie de blocus contre le Maroc. Cet appoint, le pouvoir de droite à Madrid est allé le chercher dans le Nord Ouest africain, au Maghreb, plus précisément à Alger. Aznar a frappé à une porte toute indiquée. L’ennemi de mon ennemi est mon ami, dit l’adage. Exit le Maghreb Depuis que nos relations se compliquent avec l’Espagne, c’est le grand amour, le coup de foudre entre Madrid et Alger.Va et vient incessant des officiels et signature d’accords multiformes. Abdellatif Mansour Depuis que nos relations se compliquent avec l’Espagne, c’est le grand amour, le coup de foudre entre Madrid et Alger. Un axe de coopération tous azimuts est en train de prendre forme entre les deux alliés. Va et vient incessant des officiels et signature d’accords multiformes. L’Espagne d’Aznar et l’Algérie de Bouteflika viennent de passer un accord pour l’institution de consultations politiques annuelles au niveau des ministres des Affaires étrangères, ainsi que des consultations périodiques entre les hauts fonctionnaires chargés des différents volets de coopération. Ce beau fixe politique sera couronné par un «traité d’amitié et de bon voisinage» que Bouteflika paraphera lors de la visite officielle qu’il effectuera pro- Un axe Madrid-Alger est en train de prendre forme. 12- Maroc Hebdo International - N° 488 - Du 30 nov. au 6 déc. 2001 Objectif : Isoler le Maroc Telle la plus belle fille qui ne peut donner que ce qu’elle a, l’Algérie ne peut offrir que son gaz. Bauteflika le revenant juge le moment venu pour faire sortir l’Algérie de sa camisole gazière. Pourquoi pas la pêche? • José Maria Aznar et Abdelaziz Bouteflika. chainement à Madrid. Les échanges économiques et financiers –autrement dit, le nerf de la guerre, car c’est de cela qu’il s’agit– accompagnent et soutiennent ce brusque élan politique. Il est vrai que l’Espagne figure parmi les premiers importateurs de gaz algérien, pour l’équivalent de 1.5 milliard de dollars par an. Mais cette dépendance énergétique de l’Espagne vis à vis de l’Algérie s’est approfondie, ces derniers temps, pour s’installer dans la © Ph. AFP durée. La Sonatrach et la société espagnole «Cepsa» ont signé un accord pour la réalisation d’un gazoduc entre Arzew (près d’Oran et de la frontière marocaine) et Almeria. Le gazoduc pourrait drainer un conduit pour le transport de l’énergie électrique, ainsi qu’un câble de télécommunication. L’étude de faisabilité du projet est d’ores et déjà entamée. Quant au projet de gazoduc transmaghrébin, qui devrait partir de l’Algérie et traverser le Maroc pour acheminer le gaz algérien vers l’Europe, il faut le considérer comme mort et enterré. Et que vive l’Union du Maghreb arabe! La même Sonatrach et le groupe espagnol “Gaz natural”, ont établi un partenariat, en avril 2001, portant sur la révision des contrats d’achat et de vente de gaz qui datent de 1975 et 1992. Le pain des Algériens Comme pour atténuer leur dépendance, les Espagnols ne se contentent pas d’importer, ils font aussi de la prospection et de l’exploitation, par le biais de la société “Repsol”. Telle la plus belle fille qui ne peut donner que ce qu’elle a, l’Algérie ne peut offrir que son gaz. Bauteflika le revenant juge le moment venu pour faire sortir l’Algérie de sa camisole gazière. Pourquoi pas la pêche? Les Espagnols ne se font pas prier. Après tout, rien ne ressemble plus à un poisson marocain qu’un poisson algérien. Et c’est bien fait pour les Marocains qui ne veulent plus mettre leur capital halieutique à la disposition de l’Espagne et à ses conditions. Les Algériens ne savent pas pêcher, les Espagnols sont volontaires pour le faire pour eux. Quitte à faire semblant de leur faire rentrer le métier. Effectivement, les négociations sont en
cours pour la conclusion d’un accord de pêche qui prévoit la libre exploitation des ressources poissonnières algériennes par les chalutiers espagnols. En contrepartie, Madrid devrait, au conditionnel, “participer au développement de ce secteur naissant en Algérie”. Exit le Maroc. En mettant l'agriculture dans le package, la coopération hispano-algérienne relancée sur les chapeaux de roue et dans tous les sens, devient un peu trop optimiste. Les Algériens n'ont jamais su, non plus, travailler la terre. Les immigrés marocains faisaient le pain des Algériens; ils en mangeaient un peu; Boumediene les a expulsés. Là aussi, les Espagnols répondent présents. Il s'engagent à faire de l'Algérie une puissance agricole qui s'auto-suffit et exporte. Rien que ça. Revoilà la révolution agraire de Boumediene ramenée par la droite espagnole. Tout y passe, l'irrigation, les engrais, la santé du cheptel; bref, la mobilisation des sols et de l'eau. Le terrorisme en partage Il faudra peut-être, pour que cette coopération-là réussisse, que l'Espagne envoie aussi des agriculteurs résidents à plein temps et.. à leur risque et péril. Quant à l'expérience marocaine, reconnue, en matière de gestion de l'eau et de bien d'autres métiers agricoles, elle n'est pas bonne à prendre. Et que vive l'Union du Maghreb Arabe! Malgré sa manne gazière, l'Algérie est endettée, comme chacun sait. Sur quarante années, bientôt révolues, d'indépendance, les milliers de milliards de gazo-dollars sont passés dans la proche des généraux et d'une poignée de leurs obligés civils. Qu'à cela ne tienne. L'Espagne ne lésine pas sur les moyens financiers. Une partie de la dette algérienne, évaluée à 1,7 milliard de dollars, fera l'objet d'une reconversion en investissement ainsi qu'en prise de participation dans des entreprises privatisables. L'Algérie bénéficiera, par ailleurs, de lignes de crédits espagnols d'une valeur totale de 900 millions de dollars. Pour que l'Espagne mette sa finance et sa technologie à la disposition de l'Algérie, et que celle-ci ouvre ses vannes de gaz, ses côtes et ses terres, il fallait que les deux pays se rencontrent quelque part. Ils ont, en effet, deux choses en commun: un. L'inimitié partagée vis-à-vis du Maroc, agrémentée d'un appui déclaré aux séparatistes du Polisario. Deux. Le terrorisme qui sévit en Espagne comme en Algérie. Concernant le Sahara marocain, Alger et Madrid sont en symbiose diplomatique. Les services consulaires d'Espagne délivrent volontiers des visas aux officieux et officiels algériens qui prennent part aux activités anti-marocaines organisées par les ONG ou par les groupes politiques espagnols. L'Algérie fait de même, en rendant la politesse aux pro- Polisario hispaniques qui, histoire de ne pas arriver les mains vides, comblent de cadeaux en devise les gardechiourmes des camps de Tindouf. Un vrai partage des tâches: l'Algérie héberge, l'Espagne finance. En matière de lutte contre le terrorisme, Madrid risque de se faire berner et sur le client et sur la marchandise. La guerre civile en Algérie n'est pas de la même nature que le terrorisme basque. Islamo-basques José Maria Aznar, Josep Piqué et leurs limiers des services spécialisés semblent être certains que leurs interlocuteurs algériens sont des anti-terroristes aux mains propres immaculées, et pas l'inverse. Soit ils le pensent vraiment, soit ils font semblant. Ce serait plutôt la deuxième hypothèse, vu les révélations fracassantes et les suspicions persistantes qui pèsent sur la POLITIQUE junte militaire d'Alger et son implication présumée dans le massacre des civils algériens. Si c'est le cas, l'Espagne prend, donc, des risques en connaissance de cause et pour un objectif précis, presque annoncé. L'objectif étant l'encerclement, l'isolement puis l'étouffement du Maroc. Et surtout, surtout que le Maghreb arabe ne se fasse pas. Telle est la volonté commune d'Alger et de Madrid. Gageons que le Maroc saura faire avec. Il en a vu d'autres; ce qui n'a pas empêché plusieurs siècles de continuité nationale. Contrairement à d'autres. ❏ La liberté de la presse, c’est pas bon pour les maures Par-delà le voisinage pour cause de fatalité géographique, l'Espagne nous impose une promiscuité coloniale par l'occupation de Sebta et Mellilia, deux villes marocaines, arabes, musulmanes et africaines. Pour ceux qui auraient des difficultés à les situer, ces deux villes se trouvent de ce côté-ci de la Méditerranée, alors que l'Europe se termine sur l'autre rive. Envers et contre toute logique, les autorités espagnoles ont décidé d'organiser, le 20 décembre 2001, une manifestation orchestrée pour “affirmer l'hispanité des deux présides". Mieux, Madrid, en parfaite coordination avec les “gouvernements” locaux de Sebta et Mellilia a entrepris de limiter l'accès des Marocains à ces deux villes. C'est fort de café, comme dirait l'autre. Sequestration Et ce n'est pas fini, la dernière provocation en date a été la séquestration et l'expulsion d'une délégation marocaine, journalistes compris, après que tous aient été soumis à la question. Cela s'est passé le 25 novembre 2001. Avec la bénédiction du pouvoir madrilène, les séparatistes du Polisario, organisaient, à Séville, une conférence de leurs antennes Promiscuit coloniale • Robert Ménard, secrétaire général de “Reporters sans frontières.” d'Europe. Une ONG marocaine, “l'Association du Sahara marocain", s'est présentée pour y assister, après avoir sacrifié à la procédure régulière et obtenu tous les documents requis. Elle fut chassée et de la ville et du territoire espagnol. Le tout agrémenté de confiscation des passeports et de vexations. Quant au bureau de l’agence MAP à Madrid, il n’a pas pu obtenir d'accréditation pour couvrir la conférence du Polisario, malgré son insistance. La liberté de la presse, c’est © Ph. AFP pas bon pour les maures, sauf s’ils sont choisis par des parrains du Nord. Effectivement, l’Espagne d’Aznar a, délibérément et ostensiblement, misé sur les ennemis de l’intégrité territoriale du Maroc, avec facilitation d’activités et encouragements de toutes sortes. Le même 25 novembre 2001, la municipalité de Séville autorisait une manifestation polisarienne. Sur ce sujet-là, il n’y a plus de doute, la messe est dite, le choix de l'Espagne est fait. L'association Reporters sans frontières (RSF) a demandé des explications au gouvernement espagnol sur l'expulsion des quatre journalistes marocains. “Nous nous inquiétons que des journalistes aient été empêchés d'exercer leur métier et contraints de quitter le territoire espagnol du simple fait de leur nationalité", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF, selon un communiqué de cette organisation, reçu mardi à Madrid. Expulsion “Nous vous demandons de justifier le traitement qu'ils ont subi", a-t-il ajouté dans une lettre envoyée au chef de la diplomatie espagnole josep piqué et au ministre de l'Intérieur, Mariano Rajoy. Au fait, que sont-ils donc allés faire dans une conférence du Polisario, les membres du “Sahara marocains”? Réponse: soulever le cas des 1400 militaires marocains détenus à Tindouf depuis plus de vingt ans; des 1000 enfants sahraouis déportés et retenus à Cuba; ainsi que des 5000 Sahraouis qui vivent sur le territoire espagnol dans des conditions déplorables, même si beaucoup d’entre eux ont des qualifications professionnelles et des diplômes.❏ A. Mansour Maroc Hebdo International - N° 488 - Du 30 nov. au 6 déc. 2001- 13
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