L'importance de la lutte anti-sous-marine au 21e siècle - CESM

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2. Les marines d’Asie : un garde-fou ou de l’huile sur le feu? a. Le Japon en renfort Disposant derrière les Américains de la meilleure capacité sous-marine et anti-sous-marine en Asie, le Japon peut faire figure de « premier agent américain » dans la région. C’est sans compter les restrictions imposées par l’Article 9 de la Constitution du Japon : « Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l’ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux (…) ». La marine japonaise apparaît ainsi cantonnée à la surveillance le long de ses côtes et au contrôle des passages chinois, relativement fréquents aux abords d’Okinawa et des îles Senkaku 17, ces dernières cristallisant une inimitié historique entre Pékin et Tokyo. Le Japon s’inquiète de la montée en puissance et de l’opacité chinoises et dimensionne sa flotte en conséquence, renforçant peu à peu ses garde-côtes avec des bâtiments plus imposants et endurants. Loin d’une simple flotte de défense côtière, les forces maritimes d’autodéfense ont en fait la capacité d’intervenir loin et longtemps pour protéger les lignes de communication du pays, ce qu’elles font dans le Nord de l’océan Indien. La flotte sous-marine japonaise est très moderne, avec des admissions au service actif entre 1990 et 2006 pour les 7 Harushio et les 11 Oyashio. Jusqu’alors restreinte à un volume maximal de 16 unités, la flotte sous-marine japonaise compte désormais 22 unités, une première en 36 ans, et un signal fort dans le contexte crisogène de l’Asie orientale. La construction de sousmarins de type Soryu laisse augurer un renouvellement prometteur et de la flotte. Selon les Américains, le savoir-faire nippon est déjà remarquable. La lutte anti-sous-marine mobilise au Japon un éventail de moyens tout aussi impressionnant : outre les nombreux destroyers et frégates à capacités anti-sous-marines, polyvalents et très bien armés, la marine japonaise compte 83 hélicoptères SeaHawk, 15 SH-60K, 10 MH-53E Sea Dragon gréés en ASM, et pas moins de 92 aéronefs de patrouille maritime dérivés des P3C Orion américains. Moyens, savoir-faire, doctrine, complexe militaro-industriel, tout y est : le Japon se présente comme un expert anti-sous-marin et un allié précieux dans la région. b. Une déception australienne ? L’Australie cherche elle aussi à se positionner comme un acteur majeur en Asie du Sud Est. La deuxième mise à jour de son livre blanc « Defending Australia in the Asia Pacific Century : Force 2030 » met l’accent sur une stratégie en cercles concentriques, il s’agit notamment d’affirmer la présence australienne en Asie du Sud-Est. Le parrainage américain est très prégnant en Australie, et les Etats-Unis ne désespèrent pas d’en faire un gendarme de l’océan Indien à leurs côtés. Qui plus est, Canberra a pris conscience de ses vulnérabilités face à la montée en puissance chinoise et revient vers son allié traditionnel : elle a renouvelé les accords de défense et ouvert Darwin aux Américains. Mais les Australiens doivent procéder à une refonte de leur flotte sous-marine, le cœur de leur stratégie offensive et défensive. En remplacement des six sous-marins Collins australiens, qui 17 En septembre 2010, un patrouilleur des gardes côtes japonais entrait en confrontation avec un pêcheur chinois dans les eaux adjacentes. 15
essuient depuis leur mise en service (1996 à 2003) des difficultés multiples 18, le programme Sea 1000 prévoit la réalisation de 12 sous-marins classiques (Future Submarines FSM) d’environ 3000t à l’échéance 2025. Ils devront surmonter les difficultés techniques, logistiques et humaines rencontrées sur les Collins. Washington veille. L’essentiel des équipements australiens provient naturellement des Etats-Unis (torpilles Mark 48, missiles Sub-Harpoon) mais la France figure également parmi les collaborateurs australiens, notamment en matière de bouées acoustiques, mais aussi sur le programme de torpilles MU90 adopté par Canberra. Les moyens anti-sous-marins australiens sont significatifs : l’Australie possède 16 bâtiments de surface équipés d’hélicoptères à capacités anti-sous-marines, mais également une flotte de 18 avions de patrouille maritime. Le programme Sea 4000 prévoit le renforcement de ces outils. Les capacités australiennes sont donc réelles, sous réserve que Canberra améliore sa composante sous-marine. c. Guerre en Corée Le 23 mars 2010, la frégate sud-coréenne Cheonan est torpillée par un sous-marin nordcoréen 19. Cet événement souligne l’affrontement naval entre les deux Corées, et fait ré-émerger des abysses le spectre sous-marin. Il s’agit en effet d’un instrument privilégié par Pyongyang qui possède en plus de ses 23 unités de type Romeo fournies par Pékin toute une flottille de sous-marins de poche particulièrement adaptés aux eaux peu profondes : 33 Yugo et 32 Sang-0 se partagent les missions d’espionnage et d’infiltration menées au Japon et en Corée du Sud. En effet la Corée du Sud possède de son coté neuf sous-marins classiques de classe Chang Bogo (type U209-1200) et trois de classe Sohn Won-Il (type U-214 dotés d’AIP). Séoul prévoit l’acquisition de six U-214 supplémentaires et la construction locale d’une nouvelle génération de sous-marins (projet KSS-3) à partir de 2018. La technologie, le complexe militaro-industriel et le savoir-faire sud-coréens en la matière sont reconnus. De l’autre côté du dioptre, les capacités sud-coréennes de lutte anti-sous-marine rassemblent onze destroyers modernes et neuf frégates de type Ulsan, ces dernières bientôt remplacées par vingt frégates FFX type Incheon (2300 tonnes). Huit aéronefs de patrouille maritime de type P-3C Orion et huit S-2E Tracker complètent ces moyens. Le torpillage du Cheonan a piqué au vif la marine sud-coréenne. Les deux Corées sont des acteurs sous-marins significatifs en Asie. La Corée du Sud possède de réelles capacités sous-marines et anti-sous-marines et bénéficie de l’appui américain, tandis que son voisin du nord, soutenu par la Chine et la Russie, présente des moyens plus modestes mais aux potentiels de nuisance et de harcèlement conséquents. Cependant, l’état de guerre qui prévaut aux frontières de ces deux pays ne les incite guère a éloigner leurs capacités loin de la péninsule. La République de Corée a ainsi réduit sa participation a la lutte contre la piraterie en océan Indien. d. Des acteurs périphériques : l’Inde et la Russie La présence indienne est actuellement marginale, elle n’influence que très peu les jeux sousmarins en Asie du Sud-Est et représente une menace lointaine pour la Chine même si un récent rapprochement entre le Vietnam et l’Inde complique les choses en mer de Chine. En revanche, c’est à l’aune de la montée en puissance chinoise que se mesurent les développements doctrinaux de la marine indienne, prenant le pas sur les préoccupations pakistanaises historiques de Bombay. L’Inde se sent encerclée et vulnérable sur le plan maritime : sa priorité 18 Un seul des six Collins est en mesure de naviguer en permanence à l’heure actuelle. En juin dernier, une avarie technique avait immobilisé le seul bâtiment opérationnel : l’ensemble de la flotte était donc à quai, en maintenance ou en réparation, entamant ardemment la crédibilité de la puissance sous-marine australienne (PITTAWAY Nigel, Six of Australia’s Subs unavailable at once, Defense News, 20 juin 2011). 19 Selon un rapport américano-sud-coréen. 16
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