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JEAN-DANIEL LALLEMAND L'éthique cartésienne de la ... - Thèses

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L'être <strong>de</strong> <strong>la</strong> pensée Qu'est-ce que "penser" ?<br />

aujourd'hui d'un "<strong>la</strong>ngage informatique"). Mais dans le cas <strong>de</strong> l'homme, cette joie du<br />

corps agit sur l'âme. Ce n'est qu'alors que l'on peut dire qu'il y a réellement un<br />

sentiment <strong>de</strong> joie. Et l'homme va exprimer ce sentiment au moyen cette fois-ci d'un<br />

véritable <strong>la</strong>ngage, que nous qualifierons ici <strong>de</strong> "<strong>la</strong>ngage articulé" pour le distinguer<br />

du mot <strong>la</strong>ngage au sens général, qui recouvre aussi, dans l'usage courant, les<br />

manifestations corporelles comme le sourire par exemple (cf. les expressions<br />

communes <strong>de</strong> : <strong>la</strong>ngage du corps, <strong>la</strong>ngage <strong>de</strong>s gestes etc.). Le <strong>la</strong>ngage articulé est très<br />

généralement parlé ou écrit (mais il peut être également gestuel, comme dans le cas<br />

<strong>de</strong>s sourds-muets). Et nous ne prêtons pas suffisamment attention au fait que les<br />

réactions <strong>de</strong> notre corps qui expriment <strong>la</strong> joie ou <strong>la</strong> douleur du corps lui-même<br />

relèvent d'un tout autre processus que les mots que nous prononçons,<br />

concomitamment, pour exprimer les sentiments <strong>de</strong> joie ou <strong>de</strong> douleur dont notre âme<br />

est affectée, le cas échéant (c'est-à-dire quand elle n'en est pas elle-même <strong>la</strong> source)<br />

par ce qui se passe dans notre corps. L'erreur commune est alors <strong>de</strong> confondre ces<br />

<strong>de</strong>ux mo<strong>de</strong>s d'expression <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux choses pourtant distinctes, et <strong>de</strong> qualifier tout ce<strong>la</strong><br />

<strong>de</strong> "<strong>la</strong>ngage". Du coup, il paraît naturel <strong>de</strong> penser que les animaux disposent eux aussi<br />

<strong>de</strong> ce "<strong>la</strong>ngage" (au sens é<strong>la</strong>rgi), car on retrouve en eux certains traits communs — les<br />

manifestations corporelles.<br />

La question <strong>de</strong> <strong>la</strong> reconnaissance d'une pensée chez d'autres êtres animés que moimême<br />

revient donc à celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> reconnaissance d'un <strong>la</strong>ngage — que nous avons<br />

qualifié d'"articulé" :<br />

« Enfin il n'y a aucune <strong>de</strong> nos actions extérieures, qui puisse assurer ceux<br />

qui les examinent, que notre corps n'est pas seulement une machine qui se<br />

remue <strong>de</strong> soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une âme qui a <strong>de</strong>s pensées,<br />

excepté les paroles, ou autres signes faits à propos <strong>de</strong> sujets qui se<br />

présentent, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles ou<br />

autres signes, pource que les muets se servent <strong>de</strong> signes en même façon<br />

que nous <strong>de</strong> <strong>la</strong> voix ; & que ces signes soient à propos, pour exclure le<br />

parler <strong>de</strong>s perroquets, sans exclure celui <strong>de</strong>s fous, qui ne <strong>la</strong>isse pas d'être à<br />

propos <strong>de</strong>s sujets qui se présentent, bien qu'il ne suive pas <strong>la</strong> raison ; &<br />

j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune<br />

passion, pour exclure non seulement les cris <strong>de</strong> joie ou <strong>de</strong> tristesse, &<br />

semb<strong>la</strong>bles, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux<br />

animaux ; […] » Lettre au Marquis <strong>de</strong> Newcastle du 23 novembre 1646.<br />

Adam et Tannery, Vol. IV - pages 574-575<br />

Il faut noter dans ce texte un point tout à fait essentiel : les fous ne sont absolument<br />

pas exclus <strong>de</strong> l'humanité ; tout au contraire, Descartes affirme ici très nettement qu'ils<br />

sont doués d'une pensée, même si celle-ci n'est pas raisonnable. Pour ce philosophe si<br />

généralement présenté comme rationaliste, l'homme ne se définit donc pas comme<br />

<strong>L'éthique</strong> <strong>cartésienne</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> pensée 39

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