iOO MANUEL GÉNÉRAL DE L'INSTRUCTION PRIMAIRE. <strong>de</strong> soulever dans le pays les mêmes difficultés, sinon <strong>de</strong>s difficultés plus considérables encore, et d'ajouter uii nouvel aliment à la division <strong>de</strong>s esprits. (Très bien ! très bien ! à droite.) a II est vrai qu'après avoir énoncé le principe <strong>de</strong> la laïcisation complète <strong>de</strong>s écoles publiques, on renoncé à en poursuivre l'application immédiate, d'après l'article 17, c'est dans un délai <strong>de</strong> cinq ans pour les .écoles publiques <strong>de</strong> garçons et dans un délai plus considérable encore pour les écoles publiques <strong>de</strong> jeunes filles, que <strong>de</strong>vra s'effectuer la laïcisation proclamée dans l'article 16.
PARTIE GÉNÉRALE. 6,5 « Ma conviction n'a fait que se fortifier sur ces trois points, et j'espère bien que le temps n'est pas éloigné, où, <strong>de</strong> concert, nous abrogerons dans cette enceinte une loi dont l'expérience aura démontré les vices et l'inanité. (Très bien! très bien! et applaudissements à droite. ~ Inlçrruptions ironiques sur plusieurs bancs à gauche.) a Mon Dieu, mèssieurs, si l'espérance est restée au fond <strong>de</strong> la boîte <strong>de</strong> Pandore, elle n'est pras non plus sortie, que je sache, <strong>de</strong>s urnes <strong>de</strong> la Chambré <strong>de</strong>s députés. (Rires à drbite). Il s'est passé dans cette enceinte, <strong>de</strong>puis cent ans, <strong>de</strong>s choses tellement contradictoires, que je ne désespère pas <strong>de</strong> voir' niôn désir se réaliser cômpléteniient. (Rires et applaudissements à droite.) « Mais enfin quoi qu'il faille penser <strong>de</strong> la loi du 28 mars 1882, je la prends telle qu'elle est et je soutiens qu'il n'est pas exact <strong>de</strong> dire avec M. le rapporteur qu'elle a pour conséquence nécessaire d'interdire les écoles publiques aux instituteurs et aux institutrices congréganistes. Permettez-moi, en effet, <strong>de</strong> vous faire remarquer tout d'abord que les membres <strong>de</strong>s congrégations religieuses sont les meilleurs juges <strong>de</strong> ce qu'ils se doivent à eux-mômes, <strong>de</strong> leur honneur et <strong>de</strong> leur dignité ; s'ils avaient pensé que l'observation <strong>de</strong> la loi du 28 mars 1882 fût incompatible avec leur caractère religieux, ils auraient abandonné vos écoles au len<strong>de</strong>main même <strong>de</strong> la promulgation <strong>de</strong> cette loi; s'il né l'ont pas fait, c'est qu'ils ont estimé que la loi du 28 mars 1882 n'avait pas pour résultat nécessaire <strong>de</strong> leur interdire les écoles publiques. Né soyez donc pas plus congréganistes que les eongréganistes eux-mêmes. (Rires approbatifs à droite). Quittez ce souci, laissez aux intéressés le soin <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r si leur situation est <strong>de</strong>venue ou non impossible.. «A cette première observation j'en ajouterai une autre. « Le conseil supérieur <strong>de</strong> l'instruction publique, agissant dans la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>- son mandat légal, a placé, parmi les matières obligatoires <strong>de</strong> l'enseignement primaire, les <strong>de</strong>voirs envers Dieu, tels que les dicte la raison naturelle. Or, messieurs, c'est là un point fort important et que pour ma part, je suis loin <strong>de</strong> dédaigner, car la religion révélée a son fon<strong>de</strong>ment dans la raison et dans la. , conscience' humaine. (Très bien 1 très bieml èt droite. — Intenruptlons à gauche.) « Je^ sais très blêii qUe le^ instituteurs et institutrices côngféganistes ont le <strong>de</strong>voir d'aller plus loin- et <strong>de</strong> donner à leurs élèves <strong>l'éducation</strong> et l'instruction chrétienne. M. le ïapporteur a eu raison-<strong>de</strong>'citer dans son travail' Ifes Statuts <strong>de</strong>s'frères <strong>de</strong>s écoles chrélîennes qui' sont fbrmelsà cet égard; mais ces statuts né-disent pas'â quelle heure, ni dans quel local l'instruction chrétiemlB <strong>de</strong>vra être donnée» La loi du 28 mars 1882, — j'en appelle à M. le ministre <strong>de</strong> l'instruction publique, — est également muette à cet égard : elle n'interdit ni à l'instituteur laïque ni à Vinstituteur congréganiste <strong>de</strong> donner à' ses élèves, sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s parents, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l'heure et du local <strong>de</strong>s classes, l'instruction religieuse. « Donc; tant que vous ii'aurpz pas fait une autre loi leur défendant <strong>de</strong> donner l'instruction chrétienne dans les conditions que je viens d'indiquer, la loi du 28 mars 1882 restera, pour les congréganistes, une gran<strong>de</strong> gêne, une gran<strong>de</strong> entrave, un grand' obstacle, une gran<strong>de</strong> difllcuHé; mais elle n'aura pas pour conséquence né<strong>de</strong>'ssaire <strong>de</strong> leur fermer les écoles publiques; et, par conséquent, le premier motif allégué par M. le rapporteur, son motif le plus important et le plus spécieux, n'a aucune éspèce <strong>de</strong> valeur. Très bien ! très bien ! à droite.) « J'arrive au second motif invoqué par M. le rapporteur pour exclure <strong>de</strong>s écoles publiques les instituteurs et les institutrices congréganistes. « A l'entendre, l'obéissance qui les lie envers leurs supérieurs conventuels serait inconciliable avec la sou*- mission qu'ils doivent à leurs chefs universitaires. Messieurs, je ne vois aucune espèce <strong>de</strong> raison à cette prétendue incompatibilité, car les supérieurs religieux et les chefs universitaires opèrent sur <strong>de</strong>ux terrains tout à-lait différents, et dans doux sphères qui ne se touchent par aucun côté. « Les supérieurs conventuels ont pour mission <strong>de</strong> tracer aux membres <strong>de</strong> leurs communautés les <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong> lu vie spirituelle, <strong>de</strong> veiller à l'observation <strong>de</strong> la règle en ce qui regar<strong>de</strong> la conduite morale et les exercices religieux; mais quant aux programmes, quant aux métho<strong>de</strong>s. à_la direction <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s, à la distribution du travail, ils n'ont rien à y voir dans les écoles publiques; tout cela est du ressort du chef universitaire. « M. le rapporteur a cité, dans son travail, un passage <strong>de</strong>s statuts <strong>de</strong>s frères <strong>de</strong> la doctrine chrétienne; mais ce passage s'applique aux écoles libres, aux écoles indopendantes <strong>de</strong> l'Etat, aux écoles où les frères peuvent se mouvoir à leur gré en toute liberté, mais nullement aux-écoles <strong>de</strong> l'Etat qui, en 1810, n'existaient pasmême dans le sens où-nous l'entendons aujourd'hui. « Oui,.j'ose l'affirmer sans- crainte, en ce qui regar<strong>de</strong> la, matière pédagogique, la seule en question, les inspecteurs' d'académie et les inspecteurs primaires rencontrent chez les instituteurs et les institutrices congréganistes autant <strong>de</strong> docilité que chez les instituteurs et institutrices laïques; et même peut-être un peu plus, à cause du secrétariat <strong>de</strong> mairie qùe vous enlèverez, je l'espère du moins, aux instituteurs laïques, ou, pour mieux dire, dont vous les délivrerez, parce que c'est une source incessante <strong>de</strong> conflits, l'instituteur étant porté tout naturellement à s'appuyer sur le maire, sur le conseil municipal, dont il esfc le délégué, contre l'inspecteur d'académie et contre l'inspecteur primaire. « Eh bien, y a-t-il rien <strong>de</strong> pareil chez les instituteurs congréganistes ? J'ai l'honneur, si ce n'est pas plutôt une charge, d'être le supérieur <strong>de</strong> six congrégations religieuses, et mon mot d'ordre a été invariablement celui-ci. Quant aux programmes, aux métho<strong>de</strong>s, à la direction <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s, et à la distribution du travail, vous n'avez d'ordi-es à recevoir que <strong>de</strong> l'inspecteur d'académie et <strong>de</strong> l'inspecteur primaire. Ah I si l'on vous ordonnait <strong>de</strong>s choses contraires à votre conscience, la question changerait <strong>de</strong> face. (Interruptions ironiques à gauche.) « Mais, messieurs, est-ce que par hasard l'instituteur laïque-n'a pas non plus sa conscience... (Très bien! très bien ! a droite), contre laquelle viendraient échouer également <strong>de</strong>s ord'res injustes? « Donc le <strong>de</strong>uxième motif invoqué par M. le rapporteur n'a pas plus <strong>de</strong> valeur que le premier. ([Nouvelle approbation à droite,) « Le troisième motif tiré <strong>de</strong>s gra<strong>de</strong>s et<strong>de</strong>s diplômes tombe <strong>de</strong> lui-même. C'est une argumentation surannée en présence <strong>de</strong>là loi du 17 juillet 1881, qui impose les mêmes brevets <strong>de</strong> capacité aux laïques- et aux congréganistes. Il ne faut plus en>parler, et la comparaison <strong>de</strong>s succès dans les examens et dans les- concours prouve- que la parité n'existe pas moins pour la force <strong>de</strong> l'enseignement que pour l'exigence <strong>de</strong>s gra<strong>de</strong>s. (Trè bien ! très bien à droite.) « Je voudrais également n'avoir pas à discuter les raisons d'ordre moral alléguées par M. le rapporteur pour interdir les écoles publiques aux instituteurs et institutrices congréganistes; mais du moment que ces objections se produisent dans un document aussi considérable qu'im rapport présenté à la Chambre,-je dois y répondre. « Pour justifier l'exclusion qu'il <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, M. le rappoiV teur prétend que les instituteurs et lés'institutrices congréganistes sont peu propres à former les enfants à la vie <strong>de</strong> ramilie et à l'activité sociale parce- qu'ils ne sont pas engagés dans l'état <strong>de</strong> mariage: Je lui ferai remarquai' d'abord, que si, afin <strong>de</strong> préparer les enfants à la vie dt famille, il était nécessaire <strong>de</strong> s'engager dans l'état <strong>de</strong> mariage, pour être conséquent avec lui-même, il <strong>de</strong>vrait commencer par fermer les écoles publiques à bon nombre d'instituteurs et aux tois' quarts <strong>de</strong>s institutrices laïques, qui sont célibataires. (C'est évi<strong>de</strong>nt! à droite.) Et, si l'on me répond que ceux-là du moins peuvent se marier, je répliquerai : Toujours est-il qu'ils ne le sont pas. Vous <strong>de</strong>vriez donc attendre qu'ils fussent mariés avant <strong>de</strong> leur ouvrir vos écoles; Voilà ce qu'exige la logique. (Très bien très bien ! à droite.) « Mais, franchement, messieurs, qu'est-ce qu'on entend par préparer les enfants à la vie <strong>de</strong> famille? S'agirait-il par hasard d'enseigner gravement à <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> dix à douze ans le co<strong>de</strong> domestique, le co<strong>de</strong> familial, le co<strong>de</strong> conjugal avec tous ses articles? (On rit.) Est-ce que par hasard, vous allez prétendre, comme je le lisais tout à l'heure dans un déplorable i manuel d'instruction civique, que, pour préparer les- enfants à la vie <strong>de</strong>- tamillei il faut leur expliquer le rôle <strong>de</strong> l'époux et celui dé l'épouse? « Un pareil procédé serait grotesque s'il n'était odieux-! , (Très bien ! très bien ! à droite. — Interruptions à gauche.)