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Déjà avec des Français, ce n’est pas toujours facile d’expliquer la pratique de l’anthropologie
et ses aboutissements. Et là, vis-à-vis des aboutissements et du cadre de l’étude, j’étais en
porte à faux : oui l’étude était pour l’université, mais elle se destinait aussi à être lue par les
équipes du CADA et les professionnels de Samdarra, avec ensuite un destin qui m’échappera.
Et je comprenais tellement bien l’enjeu de cette parole qu’ils acceptaient de me livrer, alors
qu’ils étaient en attente d’avoir peut-être des papiers et que tout faux-pas (sur les choses que
l’on a oubliées de dire à l’OFPRA, ou que l’on a volontairement tues, etc.) donne l’impression
de remettre leur avenir en jeu. Je leur répétais : « ne me dites que ce que vous voulez », « vous
n’êtes pas obligés de dire ce que vous ne voulez pas dire », « vous n’êtes pas obligés de me
répondre », etc.
A plusieurs reprises, j’ai tenté de les renseigner quand je le pouvais, c’était en quelque sorte
mon contre-don 26 : si je suis refusé à la CNDA, quelles associations peuvent m’aider ? Où est
la discothèque Le Loft à Lyon ? Comment faut-il faire pour aller en Angleterre (visas etc.) ?
La voisine frappe mon fils et elle ne veut rien entendre, qu’est-ce que je dois faire ? Où est-ce
que je peux faire une formation en soins à la personne âgée ? On me posait des questions très
variées, de celles qu’on ne pouvait ou voulait pas poser à l’équipe, de peur de déranger
inutilement, de peur de ne pas avoir le droit de faire ce qu’ils voulaient ou simplement par
peur de donner une mauvaise image.
26 La théorie du don-contre don vient de Marcel Mauss. Il évoque un cycle en trois temps : donner-recevoirrendre.
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