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1. S’exiler
1.1.Contextes de départ
1.1.1. Multiples causes de départ
a- Dire ou ne pas dire
Je ne leur ai jamais demandé pourquoi ils étaient venus en France. Cela n’était pas à
proprement dit mon sujet, et entrer dans l’entretien par ce biais aurait jeté des confusions sur
l’objet de l’étude. Et surtout, la parole a chez les demandeurs d’asile un statut particulier : elle
est la clé de leur avenir, elle est ce par quoi ils tentent de fonder leur légitimité sur le territoire
français. Ainsi leur demander les raisons du départ, c’est m’exposer à être assimilée à une
employée de l’OFPRA, à une « espionne » de la Préfecture. Chez plusieurs personnes, j’ai
senti la peur de se contredire dans les dates quand ils m’expliquaient leur fuite. On redoute
l’infiltration et ses conséquences funestes. Infiltration liée à l’asile ou liée à ceux qui les
persécutaient au pays et dont la menace plane jusqu’ici. Deux hommes m’ont évoqué les
« agents », des hommes qui, hors du pays d’origine, pistent les dissidents du pouvoir et les
éliminent.
Et d’autre part, le départ est souvent lié à des événements très douloureux : destruction des
biens, viol, prison… Et à l’arrachement à sa terre, sa famille, son passé. Une douleur à la fois
physique, psychique et symbolique.
S’ensuit la route jusqu’à la France, chaotique et pleine de peurs.
Comment raconter ça ? Comment le raconter à quelqu’un qu’on ne connaît pas et qui ne parle
pas notre langue, ne connaît pas notre pays, ni notre histoire ? La limite entre le dicible et l’indicible
leur appartient : il en va de leur dignité et, pour certains, de leur santé psychique.
Tout le monde ne m’a pas parlé des raisons et conditions de départ. D’autres me les ont
détaillées, avec ce besoin d’être entendu, de pouvoir sortir une souffrance qui jusque là a été
tue parce qu’il n’y a personne pour la dire et qu’elle n’a pas sa place dans le récit à l’OFPRA.
Je n’exposerai ici que les situations concernant les personnes que j’ai rencontrées : l’Irak et le
Kosovo seront abordés, tandis que l’Afghanistan et les Sri Lanka seront laissés de côté. Il y a
pourtant une Sri Lankaise au CADA, et des Afghans, mais je n’ai pas pu conduire d’entretiens
avec eux. Les conflits traités ici ne représentent donc pas toutes les situations que l’on peut
rencontrer.
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