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Claude Carême<br />
généralement, les chirurgiens faisant actuellement la plus grande partie de ses<br />
fonctions ».<br />
Les femmes leur préfèrent des matrones ineptes. Ainsi, à Bichancourt,<br />
subdélégation de Coucy, Marie-Françoise Gobaud, « qui est très instruite […]<br />
n’exerce pas car les anciennes prétendues sages-femmes lui sont préférées » ; de<br />
même, à Bailly, subdélégation de Noyon, Barbe Marais « n’a pas gagné la<br />
confiance, [car] les femmes lui préfèrent deux vieilles sages-femmes sans expérience<br />
qui continuent contre les ordres du subdélégué » ; à Beaumont, subdélégation<br />
de Ham, « les femmes ne veulent pas employer » Marie-Jeanne Chevreux,<br />
35 ans, et « on en ignore la raison » : en fait, on s’en méfie.<br />
C’est bien la confiance qu’a la parturiente en telle ou telle personne qui<br />
prime. Elle demande l’aide d’une sage-femme instruite s’il y en a une et si celleci<br />
est sûre d’elle : il ne suffit pas d’avoir suivi un mois de cours pour être apte et<br />
sûre de soi lors d’un accouchement, surtout s’il est « contre nature ». C’est pourquoi<br />
la femme en couches préfère parfois appeler une « non instruite » ou un<br />
chirurgien. L’étonnant est de constater la fréquente intervention de celui-ci. À<br />
Laon, ce sont les quatre chirurgiens qui procèdent aux accouchements ; à Liesse,<br />
le chirurgien s’active aux dépens de la sage-femme qui a pourtant suivi les cours<br />
de Deberge ; à Lassigny, subdélégation de Noyon, le chirurgien est « très<br />
utilisé » ; de même à Plomion, Saint-Gobert, subdélégation de Vervins ; à Nesle,<br />
« les femmes se servent des chirurgiens à proximité ». Très souvent les sagesfemmes,<br />
instruites ou non, et « prudentes » – elles sont nombreuses –, demandent<br />
le secours du chirurgien en cas de difficulté.<br />
Ainsi, bien que l’on affirme que traditionnellement l’accouchement est<br />
affaire de femmes, que le toucher de l’homme est refusé, il apparaît nettement que<br />
ce n’est pas ou que ce n’est plus le cas dans cette deuxième moitié du XVIII e<br />
siècle. L’homme est souvent présent. Il est préféré tant à la ville qu’à la campagne,<br />
ce qui laisse supposer une attitude relativement ancienne. Comment expliquer<br />
autrement la réalité de Mesbrecourt, subdélégation de Ribemont, sans<br />
sage-femme, où « c’est un berger qui délivre toutes les femmes et qui réussit au<br />
mieux même dans les couches les plus difficiles » ?<br />
Enfin, globalement, l’opposition ville-campagne, que les subdélégués<br />
mettent souvent en avant dans leurs commentaires de 1760 comme de 1786, est<br />
une réalité. Les 19 « villes » comptent, outre les chirurgiens, 36 sages-femmes –<br />
2 par « ville » en moyenne – dont 22 instruites (61%). 16 (45%) ont suivi les<br />
cours des démonstrateurs et 6 ont été instruites à l’hôtel-Dieu ou à Saint-Côme.<br />
Il n’y en a que 7, soit un cinquième, qui n’ont pas été reçues. Une seule est jugée<br />
inapte, une « téméraire, condamnée », une « non instruite », une agissant « par<br />
routine ». La grande majorité donne satisfaction, même si trois sont peu<br />
employées, concurrencées par des… hommes, chirurgiens.<br />
Après une lacune d’archives pour l’année 1787, le cours se déroule en<br />
1788 à Laon. Mais l’organisation est modifiée par la réforme administrative de<br />
1787. Le rôle de l’intendant est réduit : à partir d’août 1787 il a à ses côtés une<br />
assemblée provinciale et des assemblées d’élections. L’assemblée d’élection de<br />
Laon annonce un stage à Laon pour le 2 juin 1788. Elle confirme la volonté de<br />
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