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Michelle Sapori<br />
à seul lorsque, en 1673, après avoir pris d’assaut Utrecht, le roi revenant dans son<br />
palais dut passer une nuit à Soissons. La ville, située aux portes des frontières<br />
avec les ennemis, était souvent une étape obligée pour les troupes royales en<br />
temps de guerre. Sa route, moins chaotique que d’autres, était celle qu’empruntaient<br />
régulièrement les Bourbons pour se faire couronner à Reims. Point essentiel,<br />
Louis XIV, comme l’avait fait avant lui Saint Louis, avait eu recours pour se<br />
faire sacrer à l’évêque de Soissons, suffragant de l’archevêque de Reims dont la<br />
fidélité était douteuse. Soissons était encore célèbre pour avoir été autrefois la<br />
demeure de grands rois, Clovis et autres. Par ailleurs, le comté de Soissons,<br />
depuis que Louis d’Orléans, comte de Soissons devenu roi sous le nom de Louis<br />
XII, l’avait réuni à la couronne en 1498, relevait traditionnellement de membres<br />
ou proches de la famille royale 14 . Pour toutes ces raisons Soissons était la ville<br />
royale par excellence 15 .<br />
Les bonnes dispositions du roi envers les Soissonnais étaient anciennes. En<br />
1650, Soissons avait été touchée par la Fronde pendant la minorité de Louis XIV<br />
en la personne du duc de Montbazon accusé de rébellion et réfugié à Soissons<br />
dont il était gouverneur. La ville avait accepté de protéger dans ses faubourgs les<br />
troupes royales du lieutenant général d’Hoquincourt battant en retraite devant<br />
l’armée de l’archiduc Léopold, gouverneur des Pays-Bas, venue secourir les princes.<br />
Mais lorsque à leur tour les régiments du marquis de Vuilquiers demandèrent<br />
l’entrée dans la ville pour soutenir Hoquincourt, les Soissonnais la lui refusèrent<br />
en raison de leur réputation d’indiscipline. Inquiets que cette opposition ne les fît<br />
soupçonner à la cour d’infidélité, ils députèrent au roi un envoyé spécial chargé<br />
de lui assurer leur attachement ; il « y fut très bien reçu et la conduite des habitants<br />
de Soissons louée 16 ». Ce messager des Soissonnais était Charles Bertrand,<br />
bailli du comté, un des quatre fondateurs de l’Académie de Soissons. La sympathie<br />
du roi, celle de Colbert à qui de Froidour avait adressé une lettre : la période<br />
probatoire imposée aux Soissonnais pouvait prendre fin.<br />
Au mois de juin 1674 les lettres patentes furent signées par le roi « désirant<br />
traiter favorablement notre ville de Soissons 17 ». Louis XIV était alors au<br />
siège de Dôle cherchant à soumettre à sa domination la Franche-Comté, ce qui<br />
faisait dire à Guérin rendant gloire au roi : « il assiège les villes, il force les<br />
citadelles, il soumet des provinces et c’est au milieu des périls où l’expose sa<br />
14. C’est aussi non loin de Soissons, à Villers-Cotterêts, résidence royale, que François I er prit en<br />
1539 sa célèbre ordonnance sur l’emploi de la langue française lors de la rédaction des actes administratifs,<br />
anticipant le goût de son perfectionnement dans la région.<br />
15. De la même façon, la société informelle de beaux esprits de la ville d’Arles obtint ses lettres<br />
patentes l’érigeant en académie après l’arrêt qu’y fit Louis XIV sur le chemin de son voyage dans<br />
les Pyrénées pour épouser Marie-Thérèse. Dans leur rédaction il est d’ailleurs précisé que le roi « a<br />
voulu donner une haute preuve de son estime à ces gentilshommes qu’il a pu apprécier pendant son<br />
voyage en Provence ».<br />
16. Antoine Pierre Cabaret, Mémoires manuscrits pour servir à l’histoire de Soissons et du Soissonnais,<br />
s.l.n.d., p. 301.<br />
17. Bibl. mun. Soissons, fonds Périn, 4291, Lettres patentes pour la fondation d’une Académie dans<br />
la ville de Soissons, juin 1674, 2 folios.<br />
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