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Michelle Sapori<br />
au nom de l’académie. Hébert prononça au long de sa vie quarante-quatre discours<br />
et harangues : trois au nom de l’académie, deux au nom du bureau des finances et<br />
tous les autres au nom de la ville, marquant par là sa fonction première. Pour l’académie,<br />
les harangues furent adressées l’une au roi « passant à Soissons pour le<br />
mariage de monseigneur le Dauphin » et les deux autres à Colbert en « remerciement<br />
pour l’établissement de l’Académie de Soissons » 68 .<br />
La culture académique soissonnaise imitait celle des beaux esprits nationaux.<br />
Le but et les activités des néo-immortels provinciaux consistaient à perfectionner<br />
leur langage, épurer leur style, combattre le « mauvais goût », travailler<br />
leur éloquence… Le discours académique s’exerçait selon un ordre révélateur de<br />
la mentalité académique. L’académicien soissonnais exaltait le Roi guerrier.<br />
Hébert, parlant des Provinces-Unies accusées de s’être opposées à la toute-puissance<br />
du royaume de France, s’écriait : « Elle périra, sire, cette nation insolente,<br />
elle périra sans doute et sa ruine sera le juste salaire de sa témérité », et il s’extasiait<br />
quand « Au plus fort de l’hyver, l’Eté revenoit dès que Vôtre Majesté se<br />
mettoit en Campagne » 69 . On peut s’interroger sur la sincérité de ce discours écrit<br />
dans un contexte guerrier et dans une ville si souvent ravagée par faits de guerre,<br />
car dès que la situation extérieure le lui permit Hébert s’empressa d’écrire une<br />
Idylle sur la paix 70 .<br />
Il est à noter que si le contexte général et les évènements historiques<br />
influençaient certainement les activités de l’Académie de Soissons, la relation<br />
n’est pas aussi directe qu’on pourrait le penser au premier abord. De l’irruption<br />
des « Impériaux » dans la ville en 1650 à celle des Espagnols en 1652, en passant<br />
par la peste de 1668 ou la menace de famine en 1698, les Soissonnais eurent bien<br />
d’autres soucis, ce qui n’empêchait pas leurs académiciens de s’adonner à leurs<br />
préoccupations culturelles 71 .<br />
68. Bibl. mun. Soissons, fonds Périn, 4363, « Note sur la publication de discours et harangues de M.<br />
Hébert » d’après le Mercure Galant, déc. 1699, 1 p.<br />
69. Bibl. mun. Soissons, fonds Périn, 4362, op. cit.<br />
70. Parlant de la « jeune Lisette » s’adressant à « ma fidèle musette » :<br />
« Elle veut aujourd’hui que vous changiez de ton...<br />
Aidez à le (le Grand Louis) placer au Temple de mémoire...<br />
Laissez à Polymnie entonner la trompette,<br />
Célébrez ses hauts faits et ses exploits guerriers...<br />
Vous qui n’êtes qu’une musette,<br />
Chantez nous sa bonté, la douceur et la paix<br />
Qu’il va donner à ses sujets.<br />
Malgré vos faibles sons, ne soyez point muette...<br />
Chantez, Louis est bon, et Lisette le veut. »<br />
Bibl. mun. Soissons, fonds Périn, 4305, Hébert, Idylle.<br />
71. En 1679, deux académiciens de Soissons ayant fait lecture devant l’Académie française du tribut<br />
de celle de Soissons portant sur le sujet de la guerre et de la paix, M. Besons, directeur de l’Académie,<br />
leur dit que « puisque pendant la guerre leurs muses n’étoient pas oisives, il y avait lieu d’espérer<br />
qu’elles n’auroient pas moins d’ardeur pendant la paix ». Bibl. mun. Soissons, fonds Périn, 4306,<br />
« Lecture faite à l’Académie françoise par deux académiciens de Soissons », note du Mercure<br />
Galant, sept. 1679, 1 f.<br />
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