07.11.2014 Views

lire - Free

lire - Free

lire - Free

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

L’Académie royale de Soissons<br />

ches et cela tout spontanément » 32 . Heinsius avait déjà parcouru l’Europe et<br />

notamment les grandes villes italiennes. Il séjournait alors à Hambourg, à la cour<br />

du Danemark, avant de partir à Stockholm comme ambassadeur des Provinces-<br />

Unies auprès du roi de Suède. Pendant cette période, les deux intellectuels entretinrent<br />

une correspondance qui révèle comment Heinsius fut séduit par l’idée de<br />

création académique provinciale et envisagea même de se rendre à Soissons. On<br />

ne sait pas s’il mit son projet à exécution.<br />

Les protections mondaines étaient recherchées par Héricourt qui était en<br />

relation étroite avec Antoinette de Salvan de Salies, femme d’esprit connue pour<br />

le charme de sa conversation, la pureté et l’élégance de son style ainsi que son<br />

talent pour la poésie légère, facile et spirituelle. Ordinairement appelée la<br />

Viguière d’Alby, elle portait honorablement le nom de Sapho qui lui avait été<br />

donné par la voie de tous et accueillait autour d’elle nombre d’intellectuels de<br />

l’époque, préfigurant les salons mondains du XVIII e siècle. Mme de Saliès avait<br />

admis dans son amitié Héricourt qui ne cachait pas son admiration pour cette<br />

« femme supérieure ». Par la suite, elle crééra une petite académie appelée « Les<br />

chevaliers de bonne foi » qui répandra en Albigeois le goût des lettres, et le succès<br />

de ses écrits (romans historiques et pièces en vers) lui ouvriront les portes de<br />

l’Académie des Ricovrati de Padoue qui, en 1689, l’inscrira parmi ses membres.<br />

Parmi les correspondants de Héricourt on trouve plusieurs représentants de<br />

la compagnie de Jésus, ce qui n’a rien d’étonnant puisque les jésuites furent de<br />

tous temps les intellectuels de l’église : François Rodil – qui avait demandé à<br />

Julien de Héricourt de traduire un livre de méditation écrit en espagnol –, Michel<br />

de Morgues et le révérend père Jacques de Billy.<br />

Le réseau que cherchait à constituer Héricourt croisait le politique. Il écrivait,<br />

par exemple, sous le prétexte de leur homonymie, à M. du Trousset Héricourt,<br />

apparenté à l’illustre Le Pelletier, contrôleur général des finances, dont il<br />

espérait l’appui. Héricourt ne manquait pas de rappeler dans ses lettres qu’il avait<br />

été le disciple de Le Pelletier au collège.<br />

Quittant Soissons 33 , Héricourt emportait le projet académique à ses semelles,<br />

et dans chaque ville où il résida par la suite il fréquenta d’autres passionnés<br />

prêts comme lui à se lancer dans la création académique. La mouvance académique<br />

provinciale en France au XVII e siècle rayonne autour de tous ces personnages.<br />

Leur personnalité et leur rôle dans la naissance du phénomène académique<br />

en France demanderaient à être précisés, mais dans un cadre plus large que cet article<br />

34 . Héricourt travaillait à la création académique, quitte à concurrencer Sois-<br />

32. « Lettre de Nicolas Heinsius à Julien de Héricourt », 1659, n° 16, in ibid.<br />

33. Lorsque Héricourt quitta Soissons, sa première femme venait de mourir et il dut y laisser ses<br />

enfants à contrecœur. Il se remaria à Montauban, où il finira ses jours, avec une femme qui joignait<br />

« à l’illustration de sa naissance une fortune considérable » et appartenait à l’ancienne maison de<br />

Cruzy-Marcillac.<br />

34. Parmi eux citons : Jean-Antoine Dodin d’Hauteserre, procureur général à la cour des aides de la<br />

Haute-Guyenne (fils d’Antoine Dodin d’Hauteserre, éminent jurisconsulte), l’intendant Foucault,<br />

Jean-Baptiste Michel Colbert, évêque du diocèse de Montauban, tous personnages importants autour<br />

41

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!