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Dynamiques chinoises - Etudes économiques du Crédit Agricole

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D I R E C T I O N D E S É T U D E S É C O N O M I Q U E S<br />

N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

REVUE ÉDITÉE PAR CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />

DIRECTION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES<br />

HORIZONS BANCAIRES – N U M É R O 3 2 3 - D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

C R É D I T A G R I C O L E S . A .<br />

<strong>Dynamiques</strong> <strong>chinoises</strong><br />

La Chine aujourd’hui<br />

Banques <strong>chinoises</strong> :<br />

des ambitions de titans<br />

La naissance d’un marché de l’assurance<br />

La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />

Les déséquilibres monétaires<br />

Chine/États-Unis<br />

Essilor :<br />

l’exemple d’un succès en Chine<br />

Le Groupe Crédit <strong>Agricole</strong> en Chine


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4


R<br />

E<br />

HORIZONS<br />

I<br />

A<br />

M<br />

<strong>Dynamiques</strong><br />

M<br />

Edito .................................................................................................................................................................................... 5<br />

RENÉ CARRON, PRÉSIDENT DE CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />

O<br />

S<br />

La Chine aujourd’hui ........................................................................................................... 7<br />

FRANCIS NICOLLAS, ÉCONOMISTE, CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />

Vingt cinq ans après le début <strong>du</strong> processus de réformes,<br />

la Chine est devenue l’un des pays les plus dynamiques au monde.<br />

Mais elle n’est pas à l’abri de difficultés majeures...<br />

FINANCES EN CHINE<br />

Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans ................ 13<br />

SERGE OPPENCHAIM ET DANIELLE MONSIMIER,<br />

ÉCONOMISTES, CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />

En un quart de siècle, le secteur bancaire chinois a connu d’importantes<br />

transformations. Pour autant, les quatre grandes banques d’Etat en<br />

constituent toujours la clef de voûte. Elles sont aussi à l’origine <strong>du</strong><br />

gigantesque stock de créances douteuses que la Chine tente de résorber.<br />

Pour moderniser les banques, le gouvernement chinois doit mobiliser de<br />

colossales ressources financières et humaines. Il bénéficiera vraisemblablement<br />

<strong>du</strong> soutien de la communauté internationale en cas de nouveaux chocs,<br />

internes ou externes : en effet, tout risque de défaillance bancaire chinoise<br />

peut dorénavant se transformer en menace systémique.<br />

L’assurance renaît en Chine............................................................................. 31<br />

SERGE OPPENCHAIM, ÉCONOMISTE, CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />

Assiste-t-on à la naissance d’un marché de l’assurance en Chine ? La réponse<br />

est « oui » au regard de la progression exceptionnelle et continue des primes<br />

collectées, de l’évolution de la réglementation ou encore des promesses<br />

d’ouverture <strong>du</strong> secteur souscrites lors de l’entrée de la Chine dans l’OMC.<br />

La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan .............................................................................. 39<br />

AMINA LAHRÈCHE-RÉVIL, CENTRE D’ÉTUDES PROSPECTIVES ET<br />

D’INFORMATIONS INTERNATIONALES (CEPII)<br />

La question <strong>du</strong> yuan doit être analysée à la fois dans son aspect institutionnel<br />

– quel est l’avenir de la fixité <strong>du</strong> yuan ? – et dans son aspect quantitatif<br />

– le taux de change <strong>du</strong> yuan est-il sous-évalué ? Et de combien ?


BANCAIRES – NUMÉRO 323 – DÉCEMBRE 2004<br />

<strong>chinoises</strong><br />

Les déséquilibres monétaires Chine / États-Unis .................................. 51<br />

ISABELLE JOB ET RÉMY CONTAMIN, ÉCONOMISTES, CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />

Paradoxalement, les déséquilibres monétaires entre les États-Unis et certains pays asiatiques<br />

présentent une certaine cohérence. Le rattrapage de la Chine s’en trouve notamment accéléré.<br />

La question est de savoir si cette situation sera longtemps soutenable.<br />

AGIR EN CHINE<br />

Essilor : l’exemple d’un succès en Chine ..................................................................... 67<br />

INTERVIEW DE XAVIER FONTANET, PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL, ESSILOR INTERNATIONAL<br />

LE GROUPE CRÉDIT AGRICOLE EN CHINE<br />

Calyon en Chine ................................................................................................................................................................ 71<br />

INTERVIEW D’HERVÉ DE FRESCHEVILLE, RESPONSABLE DE LA BANQUE CALYON EN CHINE<br />

Crédit <strong>Agricole</strong> Asset Management<br />

se tourne vers la Chine ........................................................................................................................................ 79<br />

INTERVIEW DE JEAN-YVES COLIN, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT,<br />

CRÉDIT AGRICOLE ASSET MANAGEMENT<br />

Sofinco se prépare au marché chinois ............................................................................... 85<br />

INTERVIEW DE PATRICK MAMOU MANI, DIRECTEUR ADJOINT,<br />

DIRECTION DES AFFAIRES INTERNATIONALES, SOFINCO<br />

Service aux lecteurs ...................................................................................................................................................... 89


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION<br />

Gilles Guitton<br />

DIRECTEUR DE LA RÉDACTION<br />

Pascal Blanqué<br />

RÉDACTEUR EN CHEF<br />

Danielle Monsimier<br />

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION<br />

Véronique Champion-Faure<br />

SUIVI DU FICHIER<br />

Élisabeth Nicolas<br />

CONTACTS<br />

Crédit <strong>Agricole</strong> S.A.<br />

75710 Paris Cedex 15<br />

Tél. : 01 43 23 69 02 - Fax : 01 43 23 58 60<br />

Internet : http://www.credit-agricole.fr/ca/kiosque-eco/index.html<br />

CONCEPTION - MISE EN PAGES<br />

Bleu comme une Orange<br />

RÉALISATION<br />

CAG<br />

IMPRESSION<br />

Crédit <strong>Agricole</strong> S.A.<br />

COMMISSION PARITAIRE<br />

N° en cours<br />

« Cette publication reflète l’opinion <strong>du</strong> Crédit <strong>Agricole</strong>. Toutefois, les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de<br />

vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient donc engager la responsabilité <strong>du</strong> Crédit <strong>Agricole</strong> ou de l’une de ses filiales. Toute repro<strong>du</strong>ction<br />

totale ou partielle sans autorisation préalable ou expresse <strong>du</strong> Crédit <strong>Agricole</strong> en est expressément interdite. »<br />

“All rights reserved. This publication has been prepared by and reflects the current views of Crédit <strong>Agricole</strong>. It is provided for your information<br />

purposes only and it is not intented as an offer or solicitation for the purchase or sale of any financial instrument. The views, opinions,<br />

estimates reflected therein constitue our judgement. Neither Crédit <strong>Agricole</strong> or its affiliates nor any officer or employee thereof<br />

accepts any liability whatsoever for any direct or indirect loss arising from the use of this publication or its contents which may not be<br />

repro<strong>du</strong>ced or circulated without our prior written consent. Crédit <strong>Agricole</strong>, its affiliates and their respective officers, directors and<br />

employees including persons involved in the preparation of this document may from time to time, deal in, hold or act as market makers or<br />

advisors, brokers or investment or commercial bankers in relation to securities, derivatives, issuers or any persons mentioned herein.”<br />

4


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

E D I T O R I A L<br />

RENÉ CARRON<br />

PRÉSIDENT DE CRÉDIT AGRICOLE S.A (1) /...<br />

Au cœur de l’actualité internationale, la Chine constitue une force d’attraction<br />

considérable pour de nombreux acteurs économiques étrangers. Par sa taille – et<br />

donc l’ampleur de ses besoins –, mais aussi par son rythme de croissance. Performances<br />

économiques, exportations, infrastructures, dans ce pays-continent, tout<br />

croît plus rapidement et dans des proportions plus gigantesques que n’importe<br />

où ailleurs dans le monde.<br />

Cette attraction, née il y a une vingtaine d’années avec l’ouverture progressive<br />

<strong>du</strong> pays à l’économie de marché, s’est renforcée depuis 2001 avec l’adhésion à<br />

l’OMC. Pour autant, la Chine n’en demeure pas moins un pays en transition,<br />

confronté à des défis difficiles.<br />

L’adaptation <strong>du</strong> système bancaire et financier aux besoins d’une économie<br />

moderne reste ainsi l’un des chantiers majeurs. Réformes des structures, adaptation<br />

aux normes comptables internationales, formation à l’analyse financière,<br />

transparence des marchés financiers sont autant de projets à concrétiser pour<br />

apporter les garanties nécessaires au développement des entreprises et honorer le<br />

rendez-vous de la libéralisation promis pour fin 2006.<br />

En l’absence de marchés financiers étoffés, le système bancaire est toujours le<br />

seul outil de financement des activités et la clé de voûte de l’économie chinoise.<br />

Indépendamment des dispositions visant à la ré<strong>du</strong>ction drastique des stocks de<br />

crédits non performants, les autorités misent principalement sur les banques <strong>du</strong><br />

pays pour diffuser les meilleures pratiques d’allocation <strong>du</strong> capital à l’ensemble<br />

des acteurs de l’économie. Elles sollicitent aussi, officiellement, de grands acteurs<br />

bancaires mondiaux dûment sélectionnés pour devenir des « investisseurs stratégiques<br />

» ; leurs prises de participations minoritaires dans les principales banques<br />

<strong>chinoises</strong> devant contribuer à l’accélération de la convergence vers les standards<br />

internationaux de gestion.<br />

Le groupe Crédit <strong>Agricole</strong> est doublement concerné par la Chine : au titre de sa<br />

stratégie internationale tout d’abord, par sa vocation naturelle à accompagner les<br />

relations d’affaires de ses clients dans ce pays ensuite.<br />

Notre groupe a déjà en Chine une présence ancienne et significative (2) . Aujourd’hui,<br />

Calyon y compte cinq succursales et exerce, pour l’essentiel, ses activités<br />

sur la Chine en « off shore », à partir de Hong Kong, dans les métiers des marchés<br />

de capitaux, des financements structurés et de la banque commerciale.<br />

5


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

Sa filiale, CLSA, l’un des leaders en Asie <strong>du</strong> courtage actions, est également<br />

implantée en Chine. Par ailleurs, une approche prospective en asset management<br />

est en cours, CA-AM s’étant fixé comme objectif, d’aboutir à un partenariat en<br />

Chine continentale.<br />

L’enjeu stratégique chinois apparaît indéniable et le Crédit <strong>Agricole</strong> entend y<br />

prendre sa part. Car au-delà des activités de banque de gros, la question est aussi<br />

de voir comment une banque étrangère pourrait un jour capter une part plus<br />

importante de la chaîne de valeur qui passe inévitablement par la banque de<br />

proximité. D’autant plus qu’une classe moyenne de près de 250 millions d’indivi<strong>du</strong>s<br />

émerge en Chine.<br />

Outre sa solidité et sa notoriété, notre groupe possède deux formidables atouts à<br />

faire valoir en Chine : sa structure et son expérience. L’originalité de notre<br />

modèle, notre capacité démontrée à construire un grand groupe bancaire diversifié,<br />

décentralisé, proche de ses clients, notre respect des identités nationales et<br />

d’entreprise, constituent de notre point de vue, des facteurs clefs dans un pays<br />

où la gestion de la ruralité et les besoins des provinces intérieures sont des missions<br />

prioritaires, où les banques peuvent jouer un rôle fédérateur.<br />

Pour l’heure, les incertitudes auxquelles est confrontée la Chine rendent toute<br />

nouvelle approche longue et complexe. En Chine, chaque démarche s’inscrit<br />

nécessairement dans la <strong>du</strong>rée et requiert, au-delà des strictes considérations d’opportunité,<br />

la mise en place d’un dispositif spécifique de veille stratégique et une<br />

anticipation dans la gestion globale des ressources humaines.<br />

Il se trouve qu’au Crédit <strong>Agricole</strong>, nous avons pour pratique ancienne, d’agir<br />

dans la <strong>du</strong>rée. C’est une constante, caractéristique des grandes évolutions de notre<br />

groupe. Aussi, je ne doute pas que, s’agissant de notre approche de la Chine, nous<br />

saurons la con<strong>du</strong>ire avec détermination, volonté et sans précipitation.<br />

Cette démarche, pour être menée sérieusement, suppose également l’entretien<br />

régulier d’échanges au plus haut niveau. Mon récent déplacement en Chine<br />

vient d’ores et déjà, et à ma grande satisfaction, de nous permettre de les approfondir<br />

et de les consolider.<br />

(1) Ndlr : René Carron, président de Crédit <strong>Agricole</strong> S.A., a effectué un déplacement en Chine, fin<br />

octobre 2004. Ce voyage, qui l’a con<strong>du</strong>it à Pékin et Shanghai, lui a permis de prendre toute la<br />

mesure de la présence <strong>du</strong> groupe Crédit <strong>Agricole</strong> dans ce pays et de rencontrer quelques-uns des<br />

principaux responsables politiques, économiques et bancaires chinois.<br />

(2) Voir page 71 et suivantes : « Le groupe Crédit <strong>Agricole</strong> en Chine ».<br />

6


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

La Chine aujourd’hui<br />

FRANCIS NICOLLAS<br />

ÉCONOMISTE, CRÉDIT AGRICOLE S.A.<br />

Vingt-cinq ans après le début <strong>du</strong> processus de réformes, la<br />

Chine est devenu un des pays les plus dynamiques, sinon le<br />

pays le plus dynamique <strong>du</strong> monde. Reste qu’elle n’est pas à<br />

l’abri de difficultés majeures.<br />

La croissance annuelle des dix dernières années dépasse 8 %<br />

l’an. Toutefois, les signes de surchauffe, la spéculation<br />

con<strong>du</strong>isent le gouvernement à ralentir quelque peu la<br />

machine. L’objectif des autorités est de ramener désormais la<br />

croissance annuelle à 7 %. Elles n’y arriveront pas cette<br />

année, la croissance étant atten<strong>du</strong>e à 9,3 %. Ni l’année prochaine,<br />

la plupart des analystes attendant un chiffre voisin de<br />

8 %, ce qui apparaît comme une victoire sur la surchauffe.<br />

Reste des données trimestrielles particulièrement élogieuses<br />

ces dernières années, avec un point bas atteint au cours <strong>du</strong><br />

deuxième trimestre 2003, lorsqu’à la suite <strong>du</strong> SRAS, la croissance<br />

est redescen<strong>du</strong>e en dessous de 8 % l’an. /...<br />

12<br />

10<br />

8<br />

6<br />

4<br />

2<br />

en % par an<br />

CROISSANCE EN RYTHME ANNUEL<br />

0<br />

T1 2000<br />

T1 2001<br />

T1 2002<br />

T1 2003<br />

T1 2004<br />

Source : IIF, CA sa<br />

7


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

Les derniers chiffres disponibles indiquent toutefois une atténuation<br />

des chiffres les plus problématiques : investissements<br />

et crédit intérieur. Les investissements ont progressé de<br />

29,5 % en rythme annuel de janvier à octobre 2004, alors<br />

qu’ils se trouvaient en début d’année sur une pente supérieure<br />

à 40 % l’an. Par ailleurs, le crédit intérieur, mesuré par la<br />

masse monétaire M2, progresse en octobre sur une base<br />

annuelle de 13,2 %, revenant ainsi d’une pente de 20 % l’an<br />

en début d’année. Pour autant, les autorités n’ont pas baissé<br />

la garde. Au contraire, elles ont relevé récemment les taux<br />

d’intérêt de 27 points de base (sur les dépôts et les crédits), ce<br />

qui n’était pas arrivé depuis neuf ans. Elles avaient par<br />

ailleurs relevé à plusieurs reprises, depuis le 2 e semestre 2003,<br />

le coefficient des réserves obligatoires, pensant que cette décision<br />

suffirait à ré<strong>du</strong>ire la demande de crédit. D’autres hausses<br />

de taux devraient suivre. Encore qu’il n’est pas évident que les<br />

hausses de taux calment les mécanismes spéculatifs qui se sont<br />

mis en place, en particulier dans l’immobilier. On peut imaginer<br />

que le niveau des taux soit au moins à trois points au-delà<br />

de l’inflation pour réellement calmer les mécanismes. On en<br />

est encore loin.<br />

La forte activité enregistrée ces derniers mois s’est accompagnée<br />

d’une résurgence de l’inflation, qui mesurée par les prix<br />

de détail, atteint aujourd’hui 5 % l’an, alors qu’elle était<br />

négative ces dernières années.<br />

Le commerce extérieur reste le point le plus positif de la trajectoire<br />

chinoise. Les exportations atteignent 552 milliards de<br />

dollars sur les douze derniers mois, en hausse de 37 % sur un<br />

an. L’excédent commercial atteint 35 milliards de dollars sur<br />

les douze derniers mois, malgré le renchérissement de la facture<br />

pétrolière (la Chine est le 3 e importateur mondial de<br />

brut). On observe malgré tout, en cette fin d’année, une trajectoire<br />

descendante avec un point haut qui semble avoir été<br />

touché <strong>du</strong>rant l’été. Quant à la politique de change suivie,<br />

elle reste marquée par la fixité <strong>du</strong> yuan contre dollar, malgré<br />

les pressions à la hausse subies depuis plusieurs trimestres. Le<br />

gouvernement a, jusqu’à présent, refusé d’envisager une rééva-<br />

8


La Chine aujourd’hui<br />

F R A N C I S N I C O L L A S<br />

luation <strong>du</strong> yuan. Mais il pourrait bientôt envisager d’en élargir<br />

les bandes de fluctuation (disons de + ou – 2 %) et sans<br />

doute de définir le yuan par rapport à un panier de monnaies<br />

comprenant outre le dollar, l’euro et le yen.<br />

55<br />

50<br />

45<br />

40<br />

35<br />

30<br />

25<br />

20<br />

Exportations<br />

Importations<br />

jan. 03<br />

mars 03<br />

mai 03<br />

juil. 03<br />

CROISSANCE DU COMMERCE EXTÉRIEUR<br />

sep. 03<br />

nov. 03<br />

jan. 04<br />

mars 04<br />

mai 04<br />

juil. 04<br />

sep 04<br />

Fort de cet excédent commercial et des flux toujours croissants<br />

d’investissements étrangers (60 milliards de dollars<br />

atten<strong>du</strong>s cette année), le pays empile des réserves de change.<br />

Celles-ci atteignaient, en septembre 2004, 519 milliards de<br />

dollars, soit le montant le plus élevé au monde après le Japon.<br />

Compte tenu de ces éléments, la situation financière extérieure<br />

de la Chine peut être considérée comme florissante. La dette<br />

extérieure atteint 206 milliards de dollars, dont 79 milliards à<br />

court terme. D’ailleurs, le pays peut lever s’il en éprouve le<br />

besoin, des capitaux à des marges inférieures à 50 centimes par<br />

rapport à l’emprunt de référence le moins cher.<br />

Il reste que la Chine n’est pas à l’abri de difficultés majeures<br />

pour le cas où elle perdrait le contrôle de la politique économique<br />

poursuivie, sur son système bancaire, sa politique de<br />

change, sur le contrôle des mécanismes spéculatifs. Car une spéculation<br />

existe, en outre attisée par la fixité <strong>du</strong> taux de change<br />

contre le dollar américain. En particulier sur l’immobilier et sur<br />

la bourse. C’est le défi majeur des années qui viennent.<br />

Source : IIF, CA sa<br />

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N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

10


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

Finances<br />

en Chine<br />

De nombreux signes marquent la volonté<br />

des dirigeants chinois de placer la réforme<br />

<strong>du</strong> système bancaire en tête de leurs priorités.<br />

Pour la Chine, cette réforme n’est pas le seul défi à relever.<br />

Les autorités auront un jour à statuer<br />

sur la question <strong>du</strong> niveau de change <strong>du</strong> renminbi.<br />

Le débat autour de la politique monétaire chinoise se poursuit...<br />

11


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

12


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

Banques <strong>chinoises</strong> :<br />

des ambitions de titans<br />

SERGE OPPENCHAIM ET DANIELLE MONSIMIER<br />

ÉCONOMISTES, CRÉDIT AGRICOLE SA<br />

En un quart de siècle, le secteur financier chinois a connu une<br />

croissance exceptionnelle. Il est passé d’un état monolithique<br />

à un système comprenant plusieurs catégories d’acteurs,<br />

dont des étrangers, où les rôles sont plus clairement identifiés.<br />

Pour autant, les quatre grandes banques d’Etat en<br />

constituent toujours la clef de voûte. Elles sont à l’origine <strong>du</strong><br />

gigantesque stock de créances douteuses que la Chine tente<br />

de résorber. Elles écrasent la concurrence entre établissements,<br />

elle-même encore régie par des taux administrés et<br />

une réglementation contraignant l’innovation financière.<br />

Pour relever les défis auxquels le système financier chinois<br />

reste ainsi confronté, le gouvernement chinois doit mobiliser<br />

de colossales ressources financières et humaines. Il bénéficiera<br />

vraisemblablement <strong>du</strong> soutien de la communauté internationale<br />

en cas de nouveaux chocs, internes ou externes :<br />

tout risque de défaillance bancaire chinoise peut en effet se<br />

transformer, dorénavant, en menace systémique.<br />

L ’avenir de la banque chinoise constitue l’un des enjeux<br />

majeurs de la planète financière. Pour trois raisons : la taille<br />

<strong>du</strong> pays naturellement, à nulle autre pareille si ce n’est celle<br />

de l’Inde, les flux internationaux de financement et de trésorerie<br />

que son in<strong>du</strong>strie génère, les conséquences enfin de sa<br />

folle jeunesse économique. Parmi celles-ci figure le problème<br />

des créances douteuses et litigieuses : le montant à résorber<br />

s’élève officiellement à 374 mds USD et au double officieusement,<br />

ce qui en fait le stock le plus élevé <strong>du</strong> monde après<br />

celui <strong>du</strong> Japon (1) . /...<br />

(1) Des éléments d’information repris dans différentes parties de cet article sont issus des<br />

travaux réalisés par la Mission économique auprès de l’ambassade de France en République<br />

Populaire de Chine. Nous la remercions de nous avoir autorisé leur utilisation.<br />

13


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

Aucun doute ne peut cependant planer sur la volonté <strong>du</strong> gouvernement<br />

chinois de nettoyer les scories <strong>du</strong> passé et de<br />

construire un système bancaire moderne : il en va de sa survie.<br />

Sa politique de développement régional homogène ne peut en<br />

effet réussir que si les réseaux bancaires se déploient et fonctionnent<br />

bien sur l’ensemble <strong>du</strong> pays. De même, sa crédibilité<br />

internationale ne peut souffrir la moindre perturbation des<br />

Jeux olympiques de 2008 et de l’Exposition universelle de<br />

2010, événements dont il a tant revendiqué l’organisation. Il<br />

fera donc tout pour éviter une crise. Bien plus, il essaiera de<br />

doter le pays d’un ou plusieurs établissements à vocation<br />

mondiale afin d’affirmer son statut de grande puissance.<br />

La stratégie employée tient à la fois <strong>du</strong> registre libéral et <strong>du</strong><br />

registre administratif. Ainsi, en interne, les banques domestiques<br />

sont mises en concurrence par le biais de leur cotation<br />

ou par l’élargissement de leur périmètre d’activités. Pourtant,<br />

les taux d’intérêt pratiqués demeurent encadrés et ne permettent<br />

pas une réelle tarification <strong>du</strong> risque. De même, la liberté<br />

d’établissement des banques étrangères, objet d’accords dans<br />

le cadre de l’OMC, a été contre-balancée par l’imposition de<br />

seuils de capital jugés dissuasifs.<br />

Les acteurs étrangers sont ainsi confrontés à une situation<br />

inédite. Il leur faut affronter un marché incomparablement<br />

plus grand que le leur, voire que leur zone d’action naturelle<br />

comme peut l’être l’Europe pour les banques françaises, et<br />

imaginer des voies de pénétration dans un pays où tout est à<br />

construire.<br />

LA LONGUE MARCHE DE LA BANQUE CHINOISE<br />

T rois étapes essentielles ont rythmé la marche <strong>du</strong> système<br />

bancaire chinois : la mise en mouvement pendant la décennie<br />

1980-1990, le début de clarification des structures mais aussi<br />

l’apparition des prêts non performants pendant les années<br />

1991-2000, l’insertion enfin dans le système financier international<br />

à la faveur de l’adhésion à l’OMC en 2001, avec en<br />

toile de fond le bon déroulement des Jeux olympiques de<br />

Pékin en 2008 et de l’exposition universelle de Shanghai en<br />

2010.<br />

• 1980-1990 : la mise en mouvement<br />

Avant les réformes des années 1980, le système bancaire chinois<br />

se résumait à une seule entité, la Banque populaire de<br />

Chine (People’s Bank of China - PBOC) qui assumait à la fois<br />

le rôle de Banque centrale et d’intermédiaire financier pour<br />

les entreprises. Son activité bancaire était pilotée par la Commission<br />

d’Etat au Plan.<br />

En 1984, la Chine a séparé les activités de Banque centrale,<br />

14


Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />

S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />

laissées à la PBOC, des activités de crédit confiées à quatre<br />

nouvelles banques d’Etat, chacune étant spécialisée dans un<br />

secteur économique particulier. Agricultural Bank of China<br />

(ABC), People’s Construction Bank of China (PCBC ou CCB),<br />

In<strong>du</strong>strial and Commercial Bank of China (ICBC) et Bank of<br />

China (BOC) restèrent ainsi sur leur pré carré pendant<br />

quelques années, avant d’être autorisées à se livrer une<br />

concurrence restreinte.<br />

Des sociétés de fi<strong>du</strong>cie et d’investissement, dont la principale<br />

fonction est de mobiliser des capitaux étrangers pour les autorités<br />

locales sous forme d’investissements directs, de prêts ou<br />

d’autres instruments financiers, ont également été créées. Leur<br />

nombre a rapidement augmenté et l’une d’entre elles, la GITIC,<br />

illustrera quelques années plus tard les dérives <strong>du</strong> système.<br />

• 1991-2000 : clarification des structures, génération des<br />

prêts non performants<br />

Jusqu’en 1994, la Banque centrale satisfait les besoins des<br />

banques et des entreprises publiques par de la création monétaire.<br />

L’inflation devenant de moins en moins maîtrisable, les<br />

autorités doivent réagir en <strong>du</strong>rcissant la contrainte budgétaire<br />

des entreprises d’Etat et le schéma d’allocation <strong>du</strong> crédit bancaire<br />

: la politique de défense de l’emploi public est mise au<br />

second plan, le refinancement des banques auprès de la PBOC<br />

est recentralisé, l’application <strong>du</strong> plan d’allocation <strong>du</strong> crédit<br />

perd son caractère indicatif pour redevenir obligatoire (2) .<br />

Enfin, la responsabilité des dirigeants de banques est engagée<br />

en matière de distribution <strong>du</strong> crédit.<br />

Une page importante sera tournée en 1995 avec deux nouvelles<br />

lois. La première fait de la PBOC une véritable Banque<br />

centrale, officiellement responsable de la politique monétaire<br />

et de la supervision <strong>du</strong> système financier. Son gouverneur,<br />

choisi par le Congrès national <strong>du</strong> Peuple sur proposition <strong>du</strong><br />

Premier ministre, est nommé par le Président et a rang de<br />

ministre. Le premier ayant occupé ce poste fut Zhu Rongji<br />

qui devint ensuite Premier ministre.<br />

La seconde loi concerne les banques commerciales. Elle crée<br />

trois banques de développement (policy banks) chargées des<br />

financements jugés prioritaires par l’Etat. Il s’agit de State<br />

Development Bank, d’Export-Import Bank of China et d’Agricultural<br />

Development Bank of China. Leur activité est censée<br />

être stratégique et non pas liée à des impératifs de rentabilité.<br />

On laisse donc aux quatre institutions préexistantes, renommées<br />

« banques commerciales d’Etat », le soin de s’exercer aux<br />

règles <strong>du</strong> marché et d’octroyer, officiellement <strong>du</strong> moins, les<br />

/...<br />

(2) Le plan central de crédit sera supprimé en 1998.<br />

15


E<br />

N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

N<br />

R<br />

É<br />

S<br />

U<br />

M<br />

É<br />

/...<br />

Le système bancaire<br />

chinois comprend :<br />

1 banque centrale,<br />

People’s Bank of China<br />

(PBOC) ;<br />

4 grandes banques<br />

d’État : ICBC, BOC, CCB<br />

et ABC (part de marché :<br />

60 %) ;<br />

3 banques de<br />

développement<br />

spécialisées (part de<br />

marché : 8 %) ;<br />

123 banques<br />

commerciales :<br />

11 nationales et<br />

112 banques urbaines<br />

(part de marché : 14 %).<br />

4 500 coopératives de<br />

crédit rurales (part de<br />

marché : 9 %) et<br />

urbaines (part de<br />

marché : 5 %) ;<br />

62 banques étrangères,<br />

dont celles issues de<br />

Hong Kong, possédant<br />

191 structures locales,<br />

et 211 bureaux de<br />

représentation (part de<br />

marché : 1,3 %).<br />

S’y ajoutent des<br />

institutions financières<br />

non bancaires : sociétés<br />

de crédit-bail,<br />

d’investissement...<br />

crédits sur une base commerciale. Pour autant, leur statut<br />

juridique reste flou. Au nombre de 11, des « banques commerciales<br />

nationales » se développent également. Leur capital est<br />

détenu par la PBOC, les gouvernements provinciaux et des<br />

entreprises d’Etat.<br />

Devant l’accumulation des créances douteuses, les autorités<br />

interviennent directement en 1998 en recapitalisant les quatre<br />

grandes banques commerciales d’Etat pour 33 mds USD. En<br />

1999-2000, elles transfèrent à quatre structures de défaisance<br />

spécifiques (Asset Management Corporations ou AMC) 170 mds<br />

USD de créances douteuses nées avant 1995.<br />

2000 voit également la libéralisation des taux sur les dépôts et<br />

sur les emprunts en devises, tandis que les taux de crédit<br />

deviennent négociables dans une fourchette de 10 %. Les<br />

banques jugées les plus performantes sont autorisées à entrer<br />

en Bourse.<br />

• 2001-2010 : l’insertion dans le système bancaire international<br />

?<br />

La Chine entre à l’OMC en novembre 2001. Les banques<br />

étrangères auront progressivement accès aux opérations en<br />

monnaie locale. Cette ouverture se fera sur cinq ans et concernera<br />

tout le territoire. Le marché des entreprises <strong>chinoises</strong> leur<br />

sera accessible en 2004 et celui des particuliers en 2007 (3) .<br />

Une Commission de régulation des banques, China Banking<br />

Regulatory Commission (CBRC) est créée au printemps 2003.<br />

Elle prend le relais de la PBOC en matière de supervision et<br />

de réforme des banques <strong>chinoises</strong>. Officiellement, la PBOC<br />

ne s’occupe donc plus que de politique monétaire : fixation<br />

des taux d’intérêt, contrôle <strong>du</strong> marché interbancaire et des<br />

changes.<br />

La CBRC est dirigée par un fervent partisan de la transformation<br />

des banques en entités commerciales, et sa création<br />

illustre le souhait politique fort d’assainir le secteur, d’améliorer<br />

la corporate governance et le contrôle des risques. Cette<br />

volonté s’exprime en prévision de la libéralisation totale <strong>du</strong><br />

marché en 2007 et de l’ouverture à terme <strong>du</strong> compte de capital.<br />

Dès l’automne 2003, la CBRC a lancé des contrôles sur<br />

place. Ils ont pour objet de vérifier l’application des nouvelles<br />

normes comptables et des nouveaux objectifs de ré<strong>du</strong>ction des<br />

créances douteuses, qui sont désormais fixés en niveau et non<br />

plus en pourcentage de l’ensemble des prêts.<br />

Un second plan d’aide publique au système bancaire est mis<br />

(3) Néanmoins, l’application en parallèle de nouveaux critères prudentiels spécifiques<br />

(notamment des seuils de capitalisation exigés pour chaque filiale) amoindrit<br />

considérablement la portée pratique de ces engagements.<br />

16


Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />

S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />

en œuvre en janvier 2004. S’appuyant sur les 415,7 mds USD<br />

de réserves de change, les autorités recapitalisent la BOC et la<br />

CCB à hauteur de 45 mds USD. Elles renforcent simultanément<br />

le contrôle et les obligations des banques d’Etat : fin des<br />

contrats d’emploi à vie, obligations de résultat, intéressement<br />

au résultat, observation des ratios de solvabilité, fermeture des<br />

branches non rentables.<br />

UN MARCHÉ TYPÉ<br />

P arvenue à un stade intermédiaire de son développement,<br />

l’in<strong>du</strong>strie bancaire chinoise présente quatre caractéristiques<br />

essentielles.<br />

Un marché géographiquement fragmenté<br />

L’organisation de la banque chinoise réplique les fortes disparités<br />

régionales <strong>du</strong> pays. Elle s’est essentiellement développée<br />

dans les zones où la croissance économique a été la plus marquée,<br />

à savoir les provinces côtières de l’Est et <strong>du</strong> Sud. Sept<br />

de ces provinces, qui n’occupent que 14 % <strong>du</strong> territoire,<br />

regroupent 41 % de la population, reçoivent quelque 85 % des<br />

investissements directs étrangers, fournissent 89 % des exportations,<br />

sont responsables de 92 % des importations et comptent<br />

pour 58 % <strong>du</strong> PNB.<br />

Tournées vers les marchés mondiaux, ces régions sont dopées<br />

par les investissements étrangers et les capitaux locaux. Leur<br />

prospérité contraste avec les blocages socio-économiques et<br />

démographiques des régions intérieures et avec la marginalisation<br />

de l’Ouest qui garde cependant un intérêt stratégique<br />

majeur pour le pouvoir central. L’intérieur et l’Ouest, autrefois<br />

privilégiés grâce à de puissants transferts financiers et<br />

in<strong>du</strong>striels, subissent de plein fouet la refonte des in<strong>du</strong>stries<br />

d’Etat qui en constituent l’ossature. Les autorités ont affirmé<br />

leur volonté d’amoindrir ces disparités. L’un des enjeux<br />

majeurs de la banque sera d’accompagner cette politique économique<br />

en rééquilibrant la localisation de ses propres<br />

implantations.<br />

Un taux d’intermédiation élevé<br />

La Chine présente l’un des taux faciaux d’intermédiation les<br />

plus élevés <strong>du</strong> monde, puisque 90 % <strong>du</strong> financement se fait par<br />

les banques. En 2004, l’ensemble des crédits bancaires, hors<br />

ceux distribués depuis Hong Kong s’élevait à 2 068 mds USD.<br />

Cette activité place les banques <strong>chinoises</strong> loin derrière les<br />

japonaises, mais devant les coréennes et les indiennes. Le<br />

niveau des dépôts est parallèlement important et permet aux<br />

banques <strong>chinoises</strong> d’être extrêmement liquides.<br />

/...<br />

17


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

ENCOURS DE CRÉDITS BANCAIRES (2004, MDS USD)<br />

5 482<br />

2 068<br />

Chine<br />

448 364<br />

Corée<br />

Inde<br />

260 122 43,9<br />

Japon<br />

Hong Kong<br />

Malaisie<br />

441<br />

163 103 108<br />

Philippines<br />

Taiwan<br />

Thailande<br />

Singapour<br />

Indonésie<br />

Source : Mission économique française à Pékin, IFS, autorités nationales, estimations.<br />

Des banque commerciales tournées<br />

vers les entreprises d’Etat<br />

Conséquence de l’Histoire, les quatre grandes banques commerciales<br />

d’Etat sont la clef de voûte <strong>du</strong> système bancaire chinois.<br />

Elles détiennent quelque 55 % des actifs bancaires.<br />

RÉPARTITION DES ACTIFS BANCAIRES PAR TYPE DE BANQUE (%)<br />

Coopératives<br />

de crédit rurales<br />

Banques<br />

commerciales<br />

urbaines<br />

Banques étrangères<br />

Autres 1 %<br />

Banques de développement<br />

7 % 8 %<br />

10 %<br />

5 %<br />

Banques<br />

commerciales<br />

par actions<br />

14 %<br />

55 %<br />

Banques d’État<br />

Source : CRBC 2003, cité par CDC-IXIS<br />

Elles sont aussi la clef de voûte de l’attribution <strong>du</strong> crédit.<br />

Elles agissent prioritairement en faveur des entreprises d’État<br />

et les prêts bancaires remplacent les finances publiques<br />

comme outils de soutien. Bien que moins nombreuses ces dernières<br />

années, ces entreprises drainent en conséquence près<br />

des trois quarts de l’ensemble des crédits. Elles bénéficient<br />

également d’un accès privilégié aux marchés des fonds propres<br />

et des obligations.<br />

18


Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />

S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />

Cette situation révèle la persistance d’une longue tradition de<br />

crédit administré. Des années de comportements procé<strong>du</strong>raux,<br />

d’autorisations politiques et d’absence de contraintes de<br />

rentabilité ont <strong>du</strong>rablement marqué les organisations, jusqu’à<br />

créer ce que l’OCDE qualifie de « contre-culture <strong>du</strong> crédit ».<br />

Elle tient également aux collusions d’intérêts entre les dirigeants<br />

des banques et des entreprises publiques et les responsables<br />

locaux. Ces renvois d’ascenseur sont renforcés par la<br />

garantie, implicite ou perçue comme telle, d’une intervention<br />

publique en cas de défaillance.<br />

En l’absence d’amélioration de la gestion des engagements<br />

envers les entreprises d’État, les crédits qui leur sont octroyés<br />

sont susceptibles de former de nouvelles créances douteuses,<br />

en finançant des projets surcapacitaires et peu viables. Déjà<br />

vulnérable pour cause d’endettement élevé, la situation financière<br />

des entreprises d’Etat est en effet fragilisée par la proche<br />

maturité de la dette : 55 % des crédits distribués le sont à<br />

court terme. Devant cette situation bien connue, la Banque<br />

centrale a mis en place dès juin 2003 des mesures pour ralentir<br />

la progression des prêts, en particulier ceux destinés aux<br />

secteurs en surcapacité.<br />

Les entreprises non étatiques ne reçoivent, de leur côté,<br />

qu’une petite fraction des prêts des banques commerciales.<br />

Cette situation est aggravée dans les zones non côtières : principalement<br />

financés par la Banque agricole de Chine, les<br />

emprunts des entreprises de bourgs et de villages représentent<br />

moins de 3 % des engagements totaux des quatre banques<br />

commerciales d’État.<br />

Cette difficulté structurelle à accéder aux financements<br />

directs ou intermédiés préoccupe les PME-PMI <strong>chinoises</strong>. En<br />

effet, elles dépendent toujours très largement de l’autofinancement.<br />

Leur capital de départ est fourni par les fondateurs,<br />

les personnels d’origine et leur famille. Leurs investissements<br />

postérieurs sont financés sur ressources internes ou par<br />

recours à différents types d’institutions à la légalité plus ou<br />

moins assurée, telles que prêteurs sur gage ou fonds d’investissement<br />

boursiers et immobiliers (4) .<br />

Ce manque d’allant des banques envers les petites entités économiques<br />

tient à plusieurs facteurs. La concurrence limitée<br />

entre établissements, l’accent mis sur la ré<strong>du</strong>ction des<br />

/...<br />

(4) Le poids respectif des différentes sources de financement dépend évidemment de<br />

la taille de l’entreprise. À mesure qu’elle grandit, les sources internes tendent naturellement<br />

à perdre de leur importance tandis que les prêts des banques commerciales<br />

jouent un rôle grandissant. Celles-ci se placent aujourd’hui au second rang,<br />

après les bénéfices non distribués, comme source de capitaux des plus grandes entités<br />

relativement prospères.<br />

19


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... créances impro<strong>du</strong>ctives, la réglementation des taux d’intérêt (5)<br />

et des commissions, l’adoption par la Banque centrale d’un<br />

dispositif de « responsabilité indivi<strong>du</strong>elle » tenant les employés<br />

délivrant les crédits comme personnellement engagés par leur<br />

décision, sont autant de raisons dissuasives.<br />

Il tient également aux procé<strong>du</strong>res bancaires. Se plaignant souvent<br />

de la mauvaise qualité des projets présentés, les banques <strong>chinoises</strong><br />

sélectionnent les dossiers selon les garanties apportées et les relations<br />

personnelles au détriment de l’évaluation économique. Pour<br />

des raisons historiques, leurs grilles d’analyse se réfèrent en outre<br />

aux besoins supposés de l’entreprise d’Etat « moyenne ».<br />

Dans ces conditions, la constitution d’un dossier de demande de<br />

crédit est une opération complexe qui se transforme souvent en<br />

obstacle.<br />

Fréquemment, les entreprises privées sont en effet incapables<br />

de fournir les garanties financières exigées. Bien qu’en théorie<br />

un certain nombre d’actifs puissent être acceptés en garantie,<br />

il semble que les biens immobiliers soient, dans la pratique,<br />

les seuls à être pris en considération. Or, conséquence <strong>du</strong><br />

régime de propriété collective, beaucoup d’entreprises privées<br />

ne disposent pas encore des droits fonciers ou des immeubles<br />

susceptibles de constituer des sûretés.<br />

Autre handicap d’une particulière acuité, le défaut de transparence<br />

des entreprises privées <strong>chinoises</strong>. Parce qu’elles se sont développées<br />

dans un climat politique et économique incertain avec des règles<br />

qu’elles se donnaient elles-mêmes, les entreprises privées se sont<br />

entourées d’un mur d’opacité. Certaines se sont ainsi présentées<br />

comme entreprise collective ou entité étrangère pour être autorisées à<br />

fonctionner ou être mieux traitées par les autorités. D’où le manque<br />

d’information sur la propriété <strong>du</strong> capital et l’absence de structures de<br />

gestion qui se manifestent lors des demandes d’emprunt.<br />

Approche administrative des dossiers par les banques, opacité<br />

des entreprises, le dialogue banques-entreprises apparaît difficile.<br />

Des évolutions positives se dessinent néanmoins. Le gouvernement<br />

assouplit en effet progressivement la rigidité des<br />

taux d’intérêt pratiqués. En contrepartie, de récentes modifications<br />

de la législation comptable imposent à chaque entreprise<br />

in<strong>du</strong>strielle ou commerciale la tenue d’un seul jeu de<br />

(5) L’administration des taux d’intérêt permet aux banques de disposer d’un<br />

revenu minimum (le différentiel entre les taux débiteurs et créditeurs des dépôts est<br />

à son plus haut, soit à près de 2,5 %) dans un contexte de liquidités abondantes (les<br />

crédits représentent environ 70 % des dépôts et ce ratio continue à baisser). Par<br />

contre, elle ne leur donne pas les moyens de gérer efficacement leur portefeuille<br />

d’actifs. En particulier, les banques ne sont pas autorisées à augmenter leurs taux<br />

prêteurs dans une proportion suffisamment importante pour les inciter à prendre le<br />

risque PME-PMI.<br />

20


Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />

S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />

livres de comptes. De même, la Banque centrale exige l’inscription<br />

des entreprises emprunteuses sur un registre national.<br />

Une banque de détail balbutiante<br />

À défaut d’alternative, l’épargne domestique est captive <strong>du</strong> système<br />

bancaire. A fin avril 2004, la PBOC estimait l’ensemble<br />

des dépôts des institutions bancaires à 2 710 milliards USD.<br />

Le gouvernement s’appuie sur l’existence de cette masse de<br />

liquidités pour promouvoir sa politique de stimulation de la<br />

demande intérieure. Il encourage également les banques <strong>chinoises</strong>,<br />

en particulier les quatre grandes banques commerciales,<br />

à développer le crédit aux particuliers, que ce soit sous forme<br />

de crédit à l’habitat ou de crédit à la consommation. Les résultats<br />

ne se sont pas faits attendre. Inexistants il y a cinq ans,<br />

l’encours des prêts immobiliers, automobiles et électroménagers<br />

dépassait 120 mds USD dès 2003, soit plus de 8 % <strong>du</strong><br />

total des encours bancaires. En croissance d’environ 15 %, il<br />

est composé à 80 % de prêts à l’habitat.<br />

Le crédit à la consommation progresse quant à lui de près de<br />

50 % : dès 2001, il représentait 86 % des nouveaux prêts accordés<br />

par l’ICBC et 35 % de ceux accordés par les quatre<br />

« grandes ». Au total, le crédit bancaire aux particulier représente<br />

11 % <strong>du</strong> PIB.<br />

Cette croissance rapide est à double tranchant. Elle stimule la<br />

consommation intérieure mais, en l’absence d’un système de<br />

contrôle <strong>du</strong> risque de crédit au moins standardisé à l’échelle des<br />

provinces, elle expose les banques <strong>chinoises</strong> à un niveau élevé de<br />

défauts de paiement, notamment en matière de crédit automobile.<br />

Devenues plus méfiantes, les autorités envoient des signaux<br />

de prudence. Ainsi, le président de la CRBC exhorte depuis peu<br />

les banquiers chinois à « contenir et prévenir les prêts non performants<br />

en matière de crédit à la consommation ».<br />

Au total, la poursuite <strong>du</strong> développement de la banque de<br />

détail est conditionnée par une maîtrise réelle <strong>du</strong> risque et par<br />

l’émergence de couches socioprofessionnelles, urbaines et<br />

rurales, disposant de revenus d’un bon niveau et stables dans<br />

le temps (6) . D’où l’importance de la création de systèmes d’assurance,<br />

de protection sociale et de retraite.<br />

/...<br />

(6) Le Bureau des Statistiques de Pékin donnait les chiffres suivants pour 2003 : les revenus<br />

disponibles indivi<strong>du</strong>els moyens auraient été de 1 812 USD à Canton, 1 796 USD à Shanghai,<br />

1 677 USD à Pékin, 1 245,5 USD à Tianjin et 977,5 USD à Chongqing. Il s’agit ici <strong>du</strong><br />

« revenu disponible per capita » qui est, en principe, le revenu indivi<strong>du</strong>el moyen hors épargne<br />

longue, impôts et contributions obligatoires. C’est donc une mesure de pouvoir d’achat des<br />

citadins. Le concept n’est pas pertinent pour les ruraux qui ont un taux élevé d’autoconsommation.<br />

Asian Banker et Merril Lynch indiquent par ailleurs que la Chine compterait<br />

211 000 familles disposant en mars 2004 d’un patrimoine de plus d’un million USD.<br />

21


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... Une préoccupation vitale : que faire des créances<br />

douteuses ?<br />

Le secteur bancaire chinois serait aujourd’hui techniquement<br />

insolvable au regard des standards comptables internationaux.<br />

La raison en est connue puisqu’il s’agit des prêts non performants<br />

(PNP).<br />

Officiellement, l’encours de crédit des quatre grandes banques<br />

d’Etat comportait 21,6 % de prêts non performants à fin<br />

2003, soit 233 mds USD ou 16,5 % <strong>du</strong> PIB. La situation des<br />

Caisses rurales est encore plus dégradée : plus <strong>du</strong> tiers de leurs<br />

crédits sont irrécouvrables. Moins lourdement chargées mais<br />

plus petites, les banques commerciales urbaines comptent<br />

néanmoins 10 à 20 % de créances douteuses. À ces montants<br />

s’ajoutent les créances détenues par les autorités de défaisance.<br />

Au total, les PNP formellement recensés représentent plus de<br />

30 % <strong>du</strong> PIB. Officieusement, les estimations sont encore plus<br />

alarmantes puisqu’elles doublent quasiment les chiffres.<br />

CRÉANCES DOUTEUSES DES QUATRE GRANDES BANQUES<br />

COMMERCIALES D’ÉTAT, FIN 2003<br />

Montant<br />

(milliards $)<br />

% prêts % PIB<br />

Bank of China 42,8 16,3 3,0<br />

China Construction Bank 23,5 9,3 1,7<br />

In<strong>du</strong>strial and Commercial Bank of China 87, 6 21,5 6,2<br />

Agricultural Bank of China 79,5 24-27 5,6<br />

Total prêts non performants des 4 banques d’État 233,4 20,4 16,5<br />

Source : CRBC, bilan des banques, cité par CDC-IXIS<br />

Le problème de ces créances douteuses est pris en charge par<br />

les autorités publiques depuis 1999, mais avec un résultat<br />

mitigé. Cette année-là, le système de qualification des prêts<br />

non performants a été modifié. Auparavant répartis en quatre<br />

catégories fondées sur des critères temporels, les prêts sont<br />

désormais classés selon une échelle de risque de non-remboursement<br />

par l’emprunteur.<br />

Toujours en 1999, une partie des créances portées par les<br />

quatre grandes banques commerciales, et compromises par les<br />

mauvaises performances des entreprises d’Etat, ont été transférées<br />

à autant de structures de défaisance rattachées à ces<br />

banques.<br />

Depuis 2000, le montant global des créances douteuses a tendance<br />

à baisser, les banques affectant une part plus importante<br />

de leurs résultats à l’effacement des mauvais prêts. La<br />

règle <strong>du</strong> ministère des Finances limitant les provisions à 1 %<br />

des encours a en effet été abolie et les banques peuvent désormais<br />

provisionner à hauteur de la totalité de leurs profits.<br />

22


Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />

S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />

Ainsi, les banques ICBC et ABC consacrent plus de la moitié<br />

de leurs résultats à ré<strong>du</strong>ire leurs stocks de PNP.<br />

Le FMI constate cependant que la fiscalité actuelle handicape<br />

lourdement les banques, l’impôt qu’elles acquittent étant assis<br />

sur les intérêts bruts perçus et non pas sur les bénéfices. De<br />

même, elle n’incite pas au provisionnement des PNP, ce dernier<br />

n’étant pas dé<strong>du</strong>ctible.<br />

Au total, ces deux facteurs freinent la mise en place des<br />

mesures d’apurement et suscitent des interrogations sur l’amélioration<br />

effective des bilans bancaires. Les premiers résultats<br />

des contrôles sur place de la CBRC sont donc atten<strong>du</strong>s avec<br />

impatience, de même que les sanctions qu’elle serait amenée à<br />

prendre. Ses conclusions seront d’autant plus importantes que<br />

les autorités <strong>chinoises</strong> ont exprimé la volonté de faire baisser<br />

significativement la part des prêts non-performants (7) . A stock<br />

constant, ce rythme con<strong>du</strong>it cependant à un traitement d’au<br />

moins dix années.<br />

Les mesures à l’œuvre ne permettent donc pas une résorption<br />

rapide des prêts non performants existants. Par ailleurs, l’aléa<br />

moral qui pèse sur les banques et les pratiques actuelles de<br />

distribution <strong>du</strong> crédit alimentent le stock déjà constitué. Le<br />

pouvoir des banques pour apprécier leurs risques de crédit et<br />

décider librement de leurs engagements est en effet limité,<br />

compte tenu de la faiblesse des informations financières dont<br />

elles disposent sur leurs emprunteurs et <strong>du</strong> financement<br />

obligé des entreprises d’Etat. Leur capacité à se faire rembourser<br />

est également obérée par les tergiversations des dirigeants<br />

chinois à réviser une loi sur les faillites inadaptée aux mutations<br />

<strong>du</strong> secteur d’Etat.<br />

Cette réticence à traiter à fond les relations entre débiteurs et<br />

prêteurs illustre la complexité des interactions entre réforme<br />

financière et processus de transition. La fermeture des usines<br />

fonctionnant à perte arrêterait le flux de PNP. Elle montrerait<br />

également aux autres entreprises, publiques ou privées, qu’il n’y<br />

a pas de dérogations possibles aux règles de droit. Mais, comme<br />

on le sait, cette décision est conditionnée par la capacité <strong>du</strong><br />

Fonds de sécurité sociale à prendre à sa charge les obligations<br />

sociales jusqu’alors assumées par les entreprises publiques.<br />

Enfin, la mise en faillite rapide des entreprises d’État non rentables<br />

impliquerait la recapitalisation immédiate des banques. /...<br />

(7) Selon China Daily <strong>du</strong> 21 mai 2004, les AMC devraient à nouveau se voir transférer<br />

140 mds RMB de créances douteuses provenant de la BOC et 56,9 mds RMB<br />

provenant de la CCB. Il s’agirait d’un premier pas. L’accord de transfert comporterait<br />

un taux minimum de recouvrement. Le ministère des Finances a de plus ajouté<br />

à l’accord l’obligation pour les AMC de mettre en place des mécanismes de contrôle<br />

des risques.<br />

23


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... ASSAINIR LE MARCHÉ<br />

La résorption des créances douteuses et le développement <strong>du</strong><br />

marché des entreprises privées supposent que les trois acteurs<br />

concernés, les entreprises elles-mêmes, les banques et l’État,<br />

clarifient les règles <strong>du</strong> jeu.<br />

Du côté des entreprises privées, leur accès au financement<br />

externe, intermédié ou non, exige la transparence de leurs<br />

comptes et de leur structure de capital.<br />

De leur côté, les pouvoirs publics auraient à promouvoir des<br />

conditions d’accès efficaces et à donner aux banques des raisons<br />

de prêter au secteur privé. La poursuite de la libéralisation<br />

des taux d’intérêt commerciaux y contribuerait. Elle permettrait<br />

en effet une meilleure discrimination des<br />

emprunteurs en fonction des risques qu’ils présentent et une<br />

meilleure allocation des ressources en fonction de leur projet.<br />

La plus grande présence de banques privées, domestiques ou<br />

étrangères, serait également bienvenue. La structure de propriété<br />

<strong>du</strong> secteur réel, qui comprend de plus en plus d’acteurs<br />

privés, ne correspond pas en effet à celle <strong>du</strong> secteur financier,<br />

essentiellement public. Un rééquilibrage placerait les relations<br />

banques-entreprises sur des bases plus objectives.<br />

Comme le montre l’expérience, les nouveaux entrants bancaires<br />

auraient alors tendance à focaliser leurs efforts sur les<br />

segments de marché négligés, en particulier la petite entreprise<br />

et l’entreprise nouvelle, et à le faire de manière novatrice.<br />

Il va de soi que leur réussite passe par un « business<br />

model » parfaitement maîtrisé. En ce qui concerne les revenus,<br />

il leur faudra imposer la perception de commissions bancaires,<br />

puisque les crédits aux sociétés privées, souvent jeunes et de<br />

petite taille, entraînent des coûts de transaction unitaires élevés.<br />

En ce qui concerne les risques, il leur faudra acquérir une<br />

culture adaptée et ne pas prendre d’affaires insuffisamment<br />

documentées.<br />

L’essor <strong>du</strong> marché des entreprises passe enfin par la création<br />

d’alternatives au crédit bancaire, telles que le crédit-bail et<br />

l’affacturage. Ces deux dispositifs sont actuellement sousdéveloppés<br />

: la réglementation ne place pas en effet le créditbail<br />

sur un pied d’égalité avec les autres sources de financement,<br />

les arriérés de loyers sont monnaie courante et les<br />

normes comptables ne sont pas limpides. Leur développement<br />

permettrait pourtant de moderniser les relations inter-entreprises<br />

et d’améliorer l’information financière : l’intervention<br />

de factors obligerait en effet les acheteurs comme les fournisseurs<br />

à présenter des comptes vérifiables.<br />

Dans cette perspective, il faut relever les améliorations juridiques<br />

récemment intervenues dans le droit chinois des<br />

24


Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />

S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />

contrats, qui traite pour la première fois des principes fondamentaux<br />

des locations-acquisitions. Pour autant, une loi portant<br />

spécifiquement sur le crédit-bail reste toujours nécessaire.<br />

En ce qui concerne l’affacturage, le nouveau code<br />

permet d’attribuer des droits contractuels indépendamment<br />

de la prise en charge des obligations correspondantes et sans<br />

le consentement <strong>du</strong> débiteur. Cette mesure pourrait stimuler<br />

la mobilisation de créances.<br />

Un pari à haut risque<br />

Les autorités <strong>chinoises</strong> font ainsi le pari que des règles de<br />

droit plus modernes associées à une croissance forte rendront<br />

secondaire le problème des créances douteuses. À leurs yeux,<br />

le développement économique permet d’alléger le stock de<br />

prêts douteux hérité <strong>du</strong> passé, il n’y a donc aucune justification<br />

à sacrifier la croissance au profit d’un assainissement<br />

immédiat des banques. De même, le <strong>du</strong>rcissement des<br />

contrôles permet de limiter la constitution de nouvelles<br />

créances irrécouvrables. Ce schéma peut être qualifié d’idéal<br />

car il suppose un entraînement vertueux : la modernisation de<br />

la banque se fait au service des objectifs économiques <strong>du</strong> pays.<br />

En retour, la réalisation de ces objectifs donne à la banque les<br />

moyens de se développer.<br />

Pourtant, les sources de risques se multiplient : spéculation<br />

immobilière, bancarisation de nouvelles couches de la population,<br />

soutien financier à de « jeunes pousses », apprentissage de<br />

nouvelles techniques, conquête de nouvelles régions, ouvertures<br />

de nouveaux équipements... D’autres évolutions, plus explosives,<br />

doivent donc être envisagées. Leur point commun : un<br />

arrêt plus ou moins brutal de la croissance chinoise con<strong>du</strong>isant<br />

à des difficultés déjà rencontrées sous d’autres cieux. La Chine<br />

peut ainsi se trouver confrontée à un scénario à la japonaise, à<br />

la coréenne, à l’indonésienne, ou encore à la brésilienne.<br />

À la japonaise<br />

Flamboyant jusqu’à l’exposition universelle de Shanghai de<br />

2010, le développement s’étiole et débouche sur une décennie<br />

de stagnation. L’enchaînement de ce scénario pourrait être le<br />

suivant. L’apurement des malfaçons de la croissance (népotisme,<br />

mauvaise allocation des ressources...) n’est pas réalisé<br />

pendant la phase ascendante <strong>du</strong> cycle. Les problèmes non traités<br />

s’accumulent, tels le stock de créances irrécouvrables, la<br />

valorisation excessive des actifs, l’emprise de la corruption.<br />

Devenus trop importants, ils plombent la croissance. La<br />

Chine adopte une stratégie « douce » de résolution de la crise<br />

pour ne brutaliser ni les responsables ni le tissu social. Elle vit /...<br />

25


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... sur ses acquis pendant plusieurs années, se transforme de<br />

manière souterraine mais lente, avant de repartir grâce à ces<br />

évolutions.<br />

À la coréenne<br />

La Chine se brûle les doigts avec les nouveaux services et pro<strong>du</strong>its<br />

bancaires. Côté crédit, les risques ne sont pas correctement<br />

margés, les procé<strong>du</strong>res d’exécution sont inopérantes. Par<br />

mimétisme et compétition, les banques locales offrent des<br />

pro<strong>du</strong>its similaires à ceux des banques étrangères, mais sans<br />

en posséder la technicité. L’emballement des cartes de crédit<br />

nécessite la mise en place de fichiers emprunteurs, ajournée<br />

pour des motifs techniques et de guerre des prix. L’intro<strong>du</strong>ction<br />

des prêts immobiliers rend les ménages sensibles aux<br />

chocs socio-économiques (changement d’emploi, mobilité<br />

géographique...) et de taux d’intérêt. Les groupes in<strong>du</strong>striels,<br />

bâtis à coups d’effet de levier, étouffent sous la dette au<br />

moindre retournement. Côté épargne, les investisseurs, après<br />

avoir massivement placé, se précipitent alors pour retirer leurs<br />

dépôts. L’état d’urgence bancaire est décrété. Les opérations<br />

sont suspen<strong>du</strong>es.<br />

À l’indonésienne<br />

Scellée dans la corruption, l’alliance entre les pouvoirs locaux<br />

et centraux, les milieux chinois des affaires, dont la diaspora,<br />

et certains intérêts étrangers ne peut faire face à la faillite <strong>du</strong><br />

monde rural. Le pacte d’indifférence au despotisme politique<br />

et à la criminalité est rompu par la population, l’absence de<br />

retombée économique ne le légitimant plus. Le régime s’effondre<br />

dans la douleur.<br />

À la brésilienne<br />

La Chine demeure l’éternelle puissance montante, avant de se<br />

révéler incapable de tenir sa promesse. La société est divisée,<br />

ten<strong>du</strong>e, chaotique. Des poches de richesse extraordinaire<br />

nourrissent l’activité des banques « off shore » mais le pays<br />

26


Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />

S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />

reste globalement pauvre et instable. La prospérité n’est pas<br />

au rendez-vous.<br />

À QUEL SCÉNARIO CROIRE ?<br />

D éveloppement maîtrisé <strong>du</strong> système bancaire chinois ou<br />

incapacité à absorber les tensions inévitables ? À son actif, il<br />

faut constater qu’il a bien résisté aux crises financières <strong>du</strong> précédent<br />

millénaire et que lui-même n’a pas généré de désordre.<br />

À son passif, il faut compter l’importance des tensions structurelles<br />

accumulées.<br />

Pour juger la plausibilité des scénarios, il est cependant difficile<br />

de calquer les « business models » usuels sur le cas chinois. Ce<br />

dernier pose en effet des problèmes auxquels la communauté<br />

bancaire internationale, collectivement ou indivi<strong>du</strong>ellement,<br />

n’a jamais été confrontée. Chiffrons en effet le changement<br />

d’univers auquel nous assistons : si elles croissent de 20 % par<br />

an, les exportations <strong>chinoises</strong> s’élèveront à 2 700 milliards<br />

USD en 2013, soit dans moins de neuf ans, alors que les Etats-<br />

Unis exportent actuellement « seulement » 700 milliards USD<br />

par an. Donnons un autre élément d’appréciation : le FMI<br />

estime qu’il devra mobiliser, pour ce qui le concerne, 240 milliards<br />

USD pour aider la Chine en cas de crise financière au<br />

cours de la prochaine décennie.<br />

De telles perspectives montrent que l’avenir de la banque chinoise<br />

est une question systémique. Qu’elle réussisse à accompagner<br />

ce développement <strong>du</strong> commerce extérieur, et c’est la<br />

hiérarchie de la finance internationale qui est bouleversée.<br />

Qu’elle échoue, et c’est l’économie mondiale qui devra trouver<br />

de nouvelles voies de croissance.<br />

Ainsi, la réponse à la question « développement maîtrisé <strong>du</strong><br />

système bancaire chinois ou incapacité à absorber les tensions<br />

inévitables ? » se trouve non seulement à Beijing mais aussi<br />

dans les enceintes financières internationales qui devront<br />

décider, le moment venu, si elles veulent et peuvent aider la<br />

Chine à surmonter ses éventuelles difficultés bancaires.<br />

27


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

Les banques étran<br />

LES ÉTABLISSEMENTS BANCAIRES ÉTRANGERS ENTENDENT<br />

ÊTRE PRÉSENTS EN CHINE. MAIS LA LÉGISLATION RESTE<br />

CONTRAIGNANTE ET LA PART DE MARCHÉ DES OCCIDENTAUX MARGINALE<br />

Fin 2003, on comptait 62 banques étrangères en<br />

Chine, disposant de 191 succursales, auxquelles s’ajoutaient<br />

211 bureaux de représentation.<br />

De juin 2003 à juin 2004, les actifs des banques étrangères<br />

ont bondi à 85 milliards de yuans. Pour autant,<br />

leur part de marché globale reste marginale : de 1 % à<br />

3 % selon les banquiers, dont la moitié pour HSBC et<br />

Citigroup.<br />

En adhérant à l’OMC, la Chine s’est engagée à ouvrir<br />

progressivement dans le temps et dans l’espace son<br />

marché bancaire. Un calendrier d’élargissement progressif<br />

des activités autorisées aux banques étrangères<br />

a ainsi été arrêté par la Banque centrale (PBOC). Il<br />

con<strong>du</strong>ira à la levée de toute restriction géographique<br />

ou de clientèle en janvier 2007.<br />

TABLEAU 1<br />

LEVÉE DES RESTRICTIONS GÉOGRAPHIQUES<br />

Les opérations en monnaie locale vers les entreprises<br />

sont ou seront autorisées pour les banques<br />

étrangères selon le calendrier suivant :<br />

Depuis l’accession Shanghai, Shenzhen, Tianjin et Dalian<br />

OMC de 2001<br />

Depuis fin 2002 Guangzhou, Zhuhai, Qingdao,<br />

Nanjing et Wuhan<br />

Depuis fin 2003 Jinan, Fuzhou, Cheng<strong>du</strong> et Chongqing<br />

Fin 2004 Kunming, Beijing et Xiamen<br />

À partir de Shantou, Ningbo, Shenyang et Xian<br />

la fin 2005<br />

TABLEAU 2<br />

CHAMP ACTUEL DES CLIENTÈLES ET<br />

OPÉRATIONS OUVERT AUX BANQUES ÉTRANGÈRES<br />

Entreprises<br />

Particuliers<br />

Chinoises Étrangères<br />

Étrangers<br />

Chinois<br />

en Chine<br />

en Chine<br />

Opérations<br />

en devises<br />

Oui<br />

Opérations Oui Non<br />

en RMB (selon levée des (à partir<br />

restrictions de décembre 2006<br />

géographiques selon engagements<br />

ci-dessus)<br />

OMC)<br />

La clientèle des particuliers est exclue <strong>du</strong> champ jusqu’en<br />

décembre 2006. À cette date, toutes les restrictions<br />

géographiques et de clientèle devront être levées.<br />

• Les banques étrangères pourront créer leur réseau<br />

d’exploitation dans n’importe quelle ville et fournir des<br />

services à tous les clients chinois sans distinction. Les<br />

formalités d’approbation seront identiques à celles des<br />

banques <strong>chinoises</strong>.<br />

• Toutes les restrictions concernant le droit de propriété,<br />

le droit d’exploitation, ainsi que la forme d’installation<br />

des banques étrangères, disparaîtront.<br />

• La création d’institutions financières étrangères non<br />

bancaires accordant des prêts à la consommation sera<br />

autorisée. Elles jouiront des mêmes traitements que<br />

leurs homologues chinois.<br />

• Les banques étrangères pourront également octroyer<br />

des prêts aux particuliers chinois.<br />

• Les sociétés étrangères de leasing pourront fournir<br />

leurs services comme les sociétés <strong>chinoises</strong>.<br />

Aujourd’hui, les banques étrangères souffrent toujours<br />

des restrictions de la réglementation locale qui nécessite<br />

l’octroi d’une licence pour chaque activité, chaque<br />

succursale et chaque ville. On touche ici à l’ambiguïté<br />

de la stratégie d’ouverture des autorités <strong>chinoises</strong>, la<br />

promulgation d’un « règlement sur les institutions<br />

financières étrangères » ayant en 2002 partiellement<br />

remis en cause l’esprit des accords OMC, tout en en<br />

conservant la lettre. Certaines barrières réglementaires<br />

ont ainsi été renforcées :<br />

• Capital minimum requis de 500 millions RMB pour le<br />

périmètre d’activité autorisé le plus large.<br />

• Restriction <strong>du</strong> refinancement en devises : la SAFE,<br />

organisme de contrôle des changes, impose depuis<br />

juin 2004 aux banques étrangères opérant en Chine un<br />

ratio de dette à court terme en devises limité à cinqfois<br />

leur capital enregistré.<br />

•Instauration d’un délai d’une année entre deux ouvertures<br />

de succursales par une même banque étrangère ;<br />

•Enfin, toute banque étrangère doit également déposer<br />

30% de son fonds de roulement à la Banque centrale,<br />

avoir un ratio de solvabilité supérieur à 8 % y<br />

compris en RMB, et ses dépôts en devises de source<br />

chinoise ne doivent pas dépasser 70 % de l’ensemble<br />

de son actif en devises.<br />

Dans ce contexte, quelques grands groupes étrangers<br />

se distinguent. Déjà présents dans la banque de gros,<br />

HSBC et Citigroup affichent ainsi leur volonté de se<br />

développer dans la banque de détail et dans les services<br />

financiers aux particuliers chinois.<br />

HSBC est d’ores et déjà implantée à Pékin, Shanghai,<br />

Hong Kong, Canton, Shenzhen, Tianjin Dalian, Quigdao,<br />

Wuhan, Xiamen, Cheng<strong>du</strong> et Chongquing, soit un<br />

réseau couvrant la zone côtière mais aussi des régions<br />

que les autorités entendent développer. Elle a acquis<br />

cet été 19,9 % <strong>du</strong> capital de la Banque de la Communication,<br />

pour un montant en numéraire de 1,7 mds<br />

USD. Cette opération représente la plus importante<br />

<br />

28


Banques <strong>chinoises</strong> : des ambitions de titans<br />

S E R G E O P P E N C H A I M E T D A N I E L L E M O N S I M I E R<br />

gères en Chine<br />

<br />

prise de participation dans un établissement de crédit<br />

en Chine continentale par une banque étrangère. Elle<br />

détient également 9,9 % <strong>du</strong> capital de Ping An, société<br />

mère <strong>du</strong> 2 e assureur-vie et 3 e assureur non vie chinois.<br />

Via la Hang Seng Bank, elle est enfin actionnaire d’établissements<br />

provinciaux.<br />

Cette stratégie de pénétration <strong>du</strong> marché de détail est<br />

aussi caressée par Standard Chartered, qui vient par<br />

exemple de reprendre pour 105 millions d’euros un<br />

spécialiste de crédit à la consommation basé à Hong<br />

Kong.<br />

Du côté des banques françaises, BNP Paribas a récemment<br />

déclaré cibler également ce segment d’activités.<br />

Elle est déjà présente dans la gestion d’actifs, au travers<br />

d’une joint venture avec Shenyin & Wango.<br />

A noter que la Société générale s’est, quant à elle, associée<br />

avec le groupe sidérurgique Baosteel pour pénétrer<br />

le marché de la gestion d’actifs.<br />

Source : Mission économique française à Pékin, divers rapports et communiqués, China and World economy.<br />

LES PARTICIPATIONS ÉTRANGÈRES DANS LES BANQUES CHINOISES (2004)<br />

Les institutions étrangères sont encouragées à entrer au capital des banques locales, dans des limites<br />

indivi<strong>du</strong>elles et collectives bien définies : 20 % maximum par investisseur, 25 % maximum pour<br />

l’ensemble d’un pool.<br />

Banques <strong>chinoises</strong><br />

Institutions<br />

financières étrangères<br />

Transaction<br />

Nanking Commercial International Finance Nov. 2001 IFC acquiert 15 % <strong>du</strong> capital pour 27 Ms<br />

Bank Corporation (IFC) USD<br />

Bank of Shanghai Hong Kong et Shanghai Déc. 2001 HSBC acquiert 8 % <strong>du</strong> capital. Parts détenues<br />

Banking Corp, Ltd (HSBC)<br />

par les investisseurs étrangers (incluant<br />

HSBC, IFC et autres) = 18 % <strong>du</strong> capital<br />

Shanghai Pudong Citigroup Août 2002 Citigroup acquiert 4,6 % <strong>du</strong> capital<br />

Development Bank<br />

pour 67 Ms USD. Sa participation a<br />

augmenté de 5 % en 2003<br />

Xi’an Commercial IFC, Royal Bank of Sept. 2002 IFC a acquis 12,5 % <strong>du</strong> capital et RBC 12,4 %.<br />

Bank Canada (RBC) Ceci est la 1 re acquisition réalisée par une<br />

institution étrangère dans le capital d’une<br />

banque chinoise <strong>du</strong> nord-ouest <strong>du</strong> pays.<br />

Nanchong DEG, filiale de KFW Janv. 2003 1 re acquisition réalisée par une institution<br />

Commercial Bank<br />

étrangère dans le sud-ouest <strong>du</strong> pays.<br />

China Minsheng IFC Nov. 2003 IFC acquiert 1,6 % des parts.<br />

Banking Corp, Ltd<br />

Fujian In<strong>du</strong>strial Hang Seng Bank, IFC, Déc. 2003 La plus importante acquisition réalisée<br />

Bank Corp, Ltd Singapore Investment par des institutions étrangères à 24,98 %.<br />

Corp.<br />

Montant de l’opération le plus important.<br />

Ping An Bank HSBC, (avec assureur Mars 2004 HSCB et Pin An prennent le contrôle de<br />

local Ping An)<br />

Fujian Asian Bank et fonde Ping An Bank.<br />

Cette dernière prévoit de devenir une<br />

banque locale en 2007.<br />

Shenzhen Newbridge Asia, Mai 2004 Newbridge prévoit d’acquérir 17,9 %<br />

Development AIV III, LP <strong>du</strong> capital, auparavant détenu par<br />

Bank (SDB)<br />

4 actionnaires étatiques et de devenir<br />

l’actionnaire le plus important.<br />

Fin octobre 2004, Newbridge obtient l’aval<br />

de la SASAC pour acquérir cette part et<br />

pour 145 millions UDS.<br />

Bank of HSBC Eté 2004 Acquisition de 19,9 % des parts.<br />

Communication<br />

29


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

30


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

L’assurance renaît<br />

en Chine<br />

SERGE OPPENCHAIM<br />

ÉCONOMISTE, CRÉDIT AGRICOLE SA<br />

Assiste-t-on à la naissance d’un marché de l’assurance en<br />

Chine ? La réponse est « oui » au regard de la progression<br />

exceptionnelle et continue sur près d’un quart de siècle des<br />

primes collectées. La réponse est également positive si l’on<br />

observe l’évolution, gra<strong>du</strong>elle, de la réglementation ou<br />

encore les promesses d’ouverture <strong>du</strong> secteur souscrites lors<br />

de l’entrée de la Chine dans l’OMC.<br />

La progression <strong>du</strong> secteur de l’assurance est particulièrement<br />

spectaculaire en Chine. De 60 millions de dollars en 1979, la<br />

collecte des primes d’assurance a atteint 47 mds USD en<br />

2003, soit un montant qui se rapproche à grands pas de celui<br />

généré par le marché coréen. Ces performances, les progrès de<br />

la réglementation, les prévisions d’ouverture en font aujourd’hui<br />

un secteur clé de la croissance nationale.<br />

Pour autant, cette naissance n’est pas facile. Le secteur<br />

demeure opaque et certainement gangrené par des pratiques<br />

douteuses. Les malversations révélées à la suite de la cotation<br />

de China Life en Bourses de Hong Kong et de New York en<br />

témoignent. Le secteur est également fragilisé par des erreurs<br />

techniques, telles la distribution de contrats à rendement<br />

garanti con<strong>du</strong>isant à des marges négatives.<br />

Des assureurs étrangers ont décidé de parier sur ce potentiel<br />

et sur la résorption des risques liés à l’arriération actuelle <strong>du</strong><br />

marché. Leurs raisons sont aussi bien historiques que prospectives.<br />

Avant la Seconde guerre mondiale, la Chine était en<br />

effet un très grand pays de l’assurance ouvert aux opérateurs<br />

étrangers. L’adaptant au contexte et aux hommes actuels, une<br />

compagnie comme AIG joue maintenant à plein de la<br />

connaissance <strong>du</strong> monde chinois qu’elle a alors acquise et<br />

qu’elle n’a cessé d’entretenir depuis Hong Kong. /...<br />

31


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

Quant aux compagnies trop jeunes pour avoir travaillé sous<br />

l’ancien régime, leur stratégie peut se schématiser ainsi :<br />

« L’assurance est un métier de long terme, ne se prêtant guère<br />

aux opérations opportunistes. Un assureur doit donc être capable<br />

de traverser plusieurs cycles : quel que soit le moment choisi pour<br />

entrer sur un marché, il aura en effet à affronter des périodes<br />

d’activités favorables, et des périodes défavorables. Concernant le<br />

marché chinois, autant s’y installer à son ouverture, de manière<br />

prudente, pour participer à sa structuration. » De leur côté, les<br />

autorités <strong>chinoises</strong> profitent de la rivalité entre compagnies<br />

étrangères soucieuses d’obtenir une licence et elles restent<br />

maîtresses des modalités et <strong>du</strong> rythme d’ouverture <strong>du</strong> marché.<br />

Le scénario le plus probable est donc celui d’un développement<br />

contrôlé de l’assurance, même si des accidents comme<br />

ceux de China Life ne sont pas à exclure. Ni thérapie de choc<br />

« à la russe », ni ouverture totale « à la polonaise » : l’assurance<br />

chinoise cherche à inventer sa propre voie.<br />

UN POTENTIEL DE CROISSANCE ÉLEVÉ<br />

En 2003, les primes vie et non-vie <strong>chinoises</strong> se sont élevées à<br />

46,9 mds USD, contre 37 mds USD en 2002. Cette collecte<br />

représente une part de marché mondiale de 1,6 % contre<br />

1,4 % l’année précédente. En comparaison, la Corée a collecté<br />

aux mêmes époques 59,7 mds USD et 56,7 mds USD, soit<br />

une part de marché passant de 2,11 % à 2,03 % (1) .<br />

L’assurance-vie est le véritable moteur de cette progression :<br />

elle est passée de 25,2 mds USD à 32,4 mds USD, soit, calculée<br />

en monnaie d’origine et corrigée de l’inflation, une croissance<br />

ces deux dernières années de 27,2 % et de 60,5 %. La<br />

branche « dommages » n’est pas en reste : elle est passée de<br />

11,8 mds USD à 14,5 mds USD, signant une croissance de<br />

21,6 %.<br />

Cette performance est largement supérieure à la fois à celle de<br />

l’économie chinoise dans son ensemble, ce qui renforce l’attrait<br />

<strong>du</strong> secteur, et à celle de l’assurance dans les autres pays.<br />

Les secteurs de l’assurance des pays « mûrs » ont en effet augmenté<br />

de l’ordre de 3 %, comme aux États-Unis et en Allemagne,<br />

à 8 % comme au Canada et en Italie, quand ils ne<br />

reculaient pas comme en Espagne et au Royaume-Uni. Ceux<br />

des pays émergents ont connu des rythmes de développement<br />

allant de – 12 % en Afrique <strong>du</strong> Sud à 22 % en Egypte.<br />

Fait remarquable, les perspectives de rattrapage <strong>du</strong> marché<br />

chinois de l’assurance sont <strong>du</strong> même ordre de grandeur statistique<br />

que celles observées dans des pays de l’Europe centrale<br />

(1) Nous remercions la Suisse de Ré pour ces données et les suivantes.<br />

32


L’assurance renaît en Chine<br />

S E R G E O P P E N C H A I M<br />

ou <strong>du</strong> bassin méditerranéen. Mesuré en pourcentage <strong>du</strong> PIB,<br />

le poids économique de l’assurance est en effet de 3,33 % en<br />

Chine, dont 2,30 % en vie et 1,03 % en non-vie, tandis<br />

qu’elle se situe par exemple à 3,02 % en Pologne, dont 1,12 %<br />

en vie et 1,90 % en non-vie. De même, le montant de primes<br />

par habitant est en moyenne de 36,3 USD en Chine, dont<br />

25,1 USD pour l’assurance-vie et 11,2 USD pour l’assurance<br />

dommages, à comparer avec les 42,8 USD par habitant au<br />

Maroc, se répartissant en 12 USD pour la vie et 30,8 USD<br />

pour les dommages.<br />

UN SECTEUR STRATÉGIQUE POUR LE PAYS<br />

Comme dans tous les pays, et plus encore dans les pays en<br />

voie de développement, l’assurance concentre des responsabilités<br />

stratégiques. À elle, en effet, de participer au financement<br />

de l’économie, de contribuer à la transformation sociale<br />

<strong>du</strong> pays en proposant des mécanismes de protection se substituant<br />

aux interventions étatiques, d’œuvrer à la stabilité en<br />

justifiant la confiance des épargnants chinois. À elle aussi de<br />

permettre l’insertion de la Chine dans le système financier<br />

international.<br />

Au regard de ces objectifs, le bilan est contrasté.<br />

• La croissance <strong>du</strong> marché, extrêmement sé<strong>du</strong>isante,<br />

demeure concentrée sur les zones côtières.<br />

Près des deux tiers de l’activité sont en effet réalisés dans dix<br />

régions, dont les six régions côtières représentant 350 millions<br />

d’habitants, soit un quart de la population chinoise.<br />

Ainsi, les régions de Beijing ou de Shanghai représentent chacune<br />

8,5 % <strong>du</strong> marché de l’assurance-vie et 5,8 % de celui de<br />

l’assurance dommages. Autre illustration de ces disparités, le<br />

montant moyen de cotisation par habitant : il varie de 116 Renminbi<br />

dans le Sichuan à 1 785 Renminbi à Shanghai et Beijing,<br />

c’est-à-dire de 14 USD à 210 USD.<br />

• Le marché est dominé par l’assurance-vie.<br />

On l’a vu, l’assurance-vie représente depuis quelques années<br />

plus des deux tiers de l’activité totale. En 1990, les proportions<br />

étaient inverses. Plusieurs facteurs expliquent ce retournement<br />

: l’augmentation des revenus des ménages, la réforme<br />

des systèmes de protection sociale, la crainte des habitants<br />

face au risque d’épidémies telles la pneumonie atypique... On<br />

peut également y voir le fruit <strong>du</strong> lancement de nouveaux pro<strong>du</strong>its<br />

et de l’arbitrage réalisé par des épargnants constatant la<br />

faible rémunération des dépôts bancaires. Par contre, les compagnies<br />

ont engrangé un nombre important de contrats à ren-<br />

/...<br />

33


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

dement garanti, d’où un risque de marge négative sur leurs<br />

portefeuilles, à l’image de ce que connaissent leurs homologues<br />

japonaises.<br />

Les perspectives de l’assurance dommages demeurent cependant<br />

prometteuses. L’exemple des pays de l’Est confirme en<br />

effet que la diffusion de la propriété privée, celle <strong>du</strong> logement<br />

comme celle de l’automobile, incite les particuliers à s’assurer.<br />

Ce phénomène pourrait s’accentuer avec la volonté des autorités<br />

d’accélérer l’urbanisation de leur pays.<br />

• Trois acteurs contrôlent chacune des branches.<br />

Le marché est entièrement aux mains des compagnies nationales<br />

: il y en a neuf en assurance-vie et treize en non vie.<br />

Paradoxalement plus nombreuses, les étrangères réalisent<br />

moins de 2 % de l’activité.<br />

En assurance-vie, trois acteurs domestiques dominent la situation<br />

en détenant 87 % <strong>du</strong> marché. China Life diffuse 51 %<br />

des pro<strong>du</strong>its indivi<strong>du</strong>els et 18 % des pro<strong>du</strong>its collectifs, Ping<br />

An 18 % et 44 %, China Pacific Life CPIC, enfin, 9 % et<br />

21 %.<br />

En assurance dommages, PICC contrôle 68 % <strong>du</strong> marché,<br />

China Pacific Property Insurance CPIC 13 % et Ping An P&C<br />

10 %, soit 91 % au total. L’activité dommages provenant à<br />

62 % de la vente d’assurances automobile, la quasi-absence des<br />

étrangers s’explique en partie par l’interdiction qui leur est<br />

actuellement faite de proposer ce type de couverture. Ils se<br />

trouvent ainsi exclus d’un segment essentiel <strong>du</strong> marché.<br />

D’autres facteurs amplifient leurs difficultés de pénétration :<br />

complexité <strong>du</strong> marché, langues, us et coutumes... Enfin, China<br />

Re détient le monopole des activités de réassurance.<br />

LES LEADERS DE L’ASSURANCE VIE<br />

China Life Insurance<br />

Company<br />

Ping An Life<br />

China<br />

Pacific CPIC<br />

Life<br />

Statut Etatique Actionnariat Actionnariat<br />

Date de création 1949 1988 1991<br />

Part de marché<br />

assurances<br />

indivi<strong>du</strong>elles 51 % 18 % 9 %<br />

Nombre<br />

d’entités<br />

opérationnelles 3 500 34 43<br />

34


L’assurance renaît en Chine<br />

S E R G E O P P E N C H A I M<br />

LES LEADERS DE L’ASSURANCE DOMMAGES<br />

People’ insurance<br />

Company of China - PICC<br />

China Pacific Property<br />

Insurance – CPIC Ping An P&C<br />

Statut Etatique Actionnariat Actionnariat<br />

Date de création 1949 1991 1988<br />

Part de marché 68 % 13 % 10 %<br />

Nombre<br />

d’entités<br />

opérationnelles 2000 43 34<br />

• Les compagnies étrangères tentent d’élaborer<br />

des stratégies d’implantation.<br />

L’extrême faiblesse <strong>du</strong> chiffre d’affaires réalisé par les assureurs<br />

étrangers sur le marché chinois ne doit pas masquer leur<br />

volonté de s’y implanter. Venant de 17 pays, plus d’une centaine<br />

ont ouvert 200 bureaux de représentation dans les principales<br />

villes de Chine continentale.<br />

De plus, une trentaine d’assureurs étrangers détiennent<br />

65 filiales ou succursales. Parmi eux figurent Aviva, Allianz, la<br />

CNP, Generali, ING, Aegon, Axa en assurance-vie et, en<br />

assurance dommages, Allianz, Royal & Sun Alliance et Winterthur.<br />

Toutes opèrent sous forme de joint ventures, à l’exception<br />

de AIG et de Munchen Ruck, qui ont obtenu des<br />

autorités centrales le droit d’ouvrir des succursales. La CNP a<br />

ainsi établi un partenariat commercial avec la Poste chinoise :<br />

après avoir acquis une licence d’assurance-vie en septembre<br />

2001, elle a établit une joint venture avec son partenaire pour<br />

lancer la société Cogun, opérationnelle depuis 2003. Son<br />

objectif est de réaliser 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires<br />

en 2008. Autre exemple de stratégie, la banque HSBC<br />

est devenue première actionnaire de Ping An, qui est la<br />

société coiffant Ping An Life (2 e assureur-vie chinois) et Ping<br />

An P & C (3 e assureur dommages). HSBC détient en effet<br />

9,99 % <strong>du</strong> capital à l’issue de l’entrée en bourse de Ping An.<br />

Les deux partenaires ont également l’intention de lancer des<br />

initiatives dans les services financiers, dont les cartes de paiement<br />

et les prêts hypothécaires.<br />

L’adhésion de la Chine à l’OMC devrait formellement susciter<br />

de nouveaux projets de la part des intervenants étrangers.<br />

La Chine s’est en effet engagée à lever en 2005 les restrictions<br />

géographiques ou de portefeuilles de pro<strong>du</strong>its qui limitent<br />

leurs activités. Ainsi, les opérateurs étrangers pourront sous- /...<br />

35


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... crire des affaires sur tout le territoire et dans l’ensemble des<br />

branches. De même, les réassureurs pourront exercer sans restrictions<br />

en Chine. Les autorités viennent enfin d’abaisser le<br />

montant <strong>du</strong> capital nécessaire pour ouvrir une implantation.<br />

Dans le même mouvement, elles ont relevé le plafond de<br />

détention des compagnies <strong>chinoises</strong> par des étrangers. Il reste<br />

à voir quelle sera la pratique effective des autorités, comment<br />

les licences nécessaires seront délivrées et quel en sera l’impact<br />

commercial.<br />

• La projection à l’étranger des assureurs chinois<br />

reste à faire.<br />

Soucieuse d’assurer sa notoriété et de se procurer des fonds<br />

propres, China Life s’est intro<strong>du</strong>ite en Bourse de Hong Kong<br />

et de New York en 2003. Très favorablement accueillie par<br />

des investisseurs ayant largement sursouscrit, elle a ensuite<br />

refroidi ses actionnaires par les malversations révélées par la<br />

SEC. Cette tentative de se développer financièrement ou<br />

commercialement à l’étranger ne devrait cependant pas rester<br />

sans suite. Il est en effet peu probable que le gouvernement<br />

chinois ouvre son propre secteur financier sans se donner les<br />

moyens de faire émerger un ou plusieurs champions nationaux<br />

présents sur les différentes places internationales.<br />

UN BESOIN CONSIDÉRABLE D’EXPERTISE<br />

L a croissance actuelle de l’assurance est propice aux dérapages<br />

si elle ne s’accompagne pas d’un renforcement des capacités<br />

des compagnies.<br />

Capacités techniques d’abord, dans tous les domaines de la<br />

pro<strong>du</strong>ction d’assurance : conception des pro<strong>du</strong>its, souscription,<br />

actuariat, gestion financière des actifs et des passifs,<br />

pilotage des relations avec la clientèle, transparence des<br />

comptes, contrôle... Augmenter l’expertise des personnels et<br />

des dirigeants, et plus généralement mieux gérer les ressources<br />

humaines, devient ainsi un passage-clé pour la transformation<br />

<strong>du</strong> secteur. Elle implique également une évolution des organisations<br />

et des fonctionnements pour que les compagnies<br />

soient en phase avec la nouvelle demande des particuliers et<br />

des entreprises, sans pour autant la suivre aveuglément sur le<br />

plan commercial notamment.<br />

Capacités financières ensuite, pour que la solvabilité des<br />

sociétés ne puisse être mise en doute ni faire défaut le cas<br />

échéant.<br />

Dans cette perspective, l’Etat maintiendra vraisemblablement<br />

36


L’assurance renaît en Chine<br />

S E R G E O P P E N C H A I M<br />

son contrôle sur les compagnies existantes, quitte à faire<br />

entrer au capital des partenaires étrangers. Ceux-ci devront<br />

apporter des fonds propres mais aussi leur expertise technique<br />

et managériale. Suivant quels schémas cette montée en capacité<br />

pourrait-elle se faire ?<br />

• Comme on l’a vu, seulement trois acteurs significatifs sont<br />

présents dans chacune des branches « vie » et « dommages », et<br />

un seul en « réassurance ». Il est peu vraisemblable qu’un assureur<br />

étranger obtienne des relations exclusives avec l’un ou<br />

l’autre de ces acteurs, car cela reviendrait à lui offrir une clé<br />

en or pour accéder au marché chinois. Plus probablement,<br />

chacune des compagnies <strong>chinoises</strong> nouera des accords financiers,<br />

commerciaux ou techniques avec plusieurs partenaires<br />

étrangers et entretiendra une certaine rivalité entre eux.<br />

• L’attitude des petites compagnies <strong>chinoises</strong>, nées ou à naître,<br />

sera naturellement différente. Elles seront tentées de trouver<br />

un partenaire exclusif, mais n’apporteront qu’un fonds de<br />

commerce initial limité.<br />

• Sauf pour quelques grands noms décidés, comme AIG, à se<br />

doter aussi d’un accès autonome à la clientèle, le partenariat<br />

avec des réseaux locaux sera la voie de pénétration privilégiée.<br />

Les difficultés à opérer en direct devraient en effet <strong>du</strong>rablement<br />

persister.<br />

• Dans cette prospection aux réseaux de distribution locaux,<br />

les intervenants étrangers pourraient être aidés par la marche<br />

de la Chine vers la « bancassurance / assurfinance ». Des jalons<br />

balisant la constitution de groupes financiers polyvalents se<br />

mettent en effet en place. La possibilité a ainsi été donnée aux<br />

banques en 2001 de commercialiser des pro<strong>du</strong>its d’assurancevie,<br />

et l’autorité de contrôle des assurances, la China Insurance<br />

Regulatory Commission (CIRC), n’exclut pas de<br />

fusionner avec ses homologues <strong>du</strong> secteur bancaire et des marchés<br />

financiers lorsque les frontières entre les différents<br />

métiers s’atténueront. Des accords croisés entre banques<br />

étrangères et assureurs chinois, et symétriquement entre assureurs<br />

étrangers et banques <strong>chinoises</strong>, s’observent déjà. La<br />

CNP, on l’a vu, a ainsi noué un accord avec la Poste chinoise,<br />

tandis que la banque HSBC devient le premier actionnaire de<br />

l’assureur Ping An.<br />

Au total, l’assurance chinoise n’a pas encore stabilisé le chemin<br />

qu’elle entend prendre pour se moderniser. La manière<br />

dont seront appliqués les engagements pris lors de l’adhésion<br />

à l’OMC, et notamment l’octroi de licences, donnera une<br />

indication sur la direction et sur la vitesse retenues.<br />

37


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

38


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />

AMINA LAHRÈCHE-RÉVIL<br />

CENTRE D’ÉTUDES PROSPECTIVES<br />

ET D’INFORMATIONS INTERNATIONALES (CEPII)<br />

La question <strong>du</strong> yuan doit être analysée à la fois dans son<br />

aspect institutionnel – quel est l’avenir de la fixité <strong>du</strong> yuan ? –<br />

et dans son aspect quantitatif – le taux de change <strong>du</strong> yuan<br />

est-il sous-évalué ? Et de combien ?<br />

La polémique sur le niveau <strong>du</strong> change en Chine a commencé<br />

au milieu de l’année 2003. L’énorme déficit courant bilatéral<br />

des États-Unis par rapport à la Chine (plus de 100 milliards<br />

de dollars en 2002) nourrissait alors la crainte de la désin<strong>du</strong>strialisation<br />

de l’économie américaine. Le glissement <strong>du</strong> dollar,<br />

la résurgence de l’inflation en Chine et le ralentissement prévisible<br />

de la croissance dans ce pays, ont contribué à alléger<br />

les pressions sur le yuan (1) . Pourtant, le taux de change de la<br />

monnaie chinoise reste un enjeu de la coopération monétaire<br />

internationale : lorsqu’en février 2004, réuni à Boca Raton, le<br />

G7 appelait à plus de flexibilité des monnaies, il visait de fait<br />

la Chine ; il en était de même après la réunion <strong>du</strong> G20 à Berlin<br />

en novembre 2004.<br />

Le débat monétaire international se focalise donc sur le<br />

régime de change de la Chine, dont la monnaie est fixe par<br />

rapport au dollar depuis 1995. Mais c’est le niveau <strong>du</strong> yuan<br />

qui est fondamentalement en cause : la très grande majorité<br />

des analyses conclut en effet à la sous-évaluation <strong>du</strong> yuan,<br />

dans une fourchette qui reste large, puisqu’elle va de 5 %<br />

(Eichengreen, 2004) à 40 % (Coudert et Couharde, 2004).<br />

Le régime de change est mis en cause dans le cas de la Chine<br />

car il contribue à entretenir la sous-évaluation : compte tenu<br />

d’une part de sa très forte croissance, et d’autre part des<br />

entrées de capitaux qu’elle enregistre, la Chine devrait<br />

connaître une élévation <strong>du</strong> niveau de ses prix ou une appréciation<br />

de son taux de change nominal, et dans tous les cas<br />

une appréciation de son taux de change réel. La période de /...<br />

(1) La monnaie chinoise est le renminbi, le yuan étant le nom de l’unité de compte.<br />

Mais c’est ce terme qui s’est diffusé, et c’est celui que l’on utilise dans cet article.<br />

39


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... quasi-déflation qu’a connue le pays a empêché les prix relatifs<br />

d’évoluer dans ce sens, et la fixité <strong>du</strong> change par rapport au<br />

dollar a interdit au taux de change nominal de s’apprécier, et<br />

de réaliser par conséquent l’appréciation réelle normalement<br />

atten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> yuan. En outre, la dépréciation <strong>du</strong> dollar par rapport<br />

aux grandes monnaies entraîne le yuan dans son sillage,<br />

comme les monnaies de tous les pays ancrés sur le dollar, et<br />

nourrit la sous-évaluation « globale » de la monnaie chinoise.<br />

La question <strong>du</strong> yuan doit donc être analysée à la fois dans son<br />

aspect institutionnel – quel est l’avenir de la fixité <strong>du</strong> yuan ? –<br />

et dans son aspect quantitatif – le taux de change <strong>du</strong> yuan estil<br />

sous-évalué ? et de combien ?<br />

Cet article rappelle d’abord les origines <strong>du</strong> choix d’un régime<br />

de change fixe en Chine. Il présente ensuite différentes<br />

mesures qui permettent de porter un diagnostic sur la sousévaluation<br />

<strong>du</strong> yuan. Il s’interroge enfin sur les conséquences<br />

d’une éventuelle appréciation <strong>du</strong> yuan.<br />

UN RÉGIME DE CHANGE FLEXIBLE POUR LE YUAN ?<br />

Le yuan est fixe de facto par rapport au dollar depuis 1994<br />

(cf. graphique 1), et ceci même si les autorités <strong>chinoises</strong> déclarent<br />

un change flottant au FMI depuis la même époque.<br />

Le régime monétaire chinois, entièrement administré avant<br />

1980, s’est ouvert progressivement, grâce à la mise en place<br />

d’un système <strong>du</strong>al, unifié en 1994 par la dévaluation <strong>du</strong> taux<br />

de change nominal officiel, amené à parité avec le cours <strong>du</strong><br />

marché libre. Depuis 1995, le taux de change <strong>du</strong> yuan est<br />

resté stable par rapport au dollar, à 8,27 RMB/$, dans une<br />

fourchette de variation extrêmement limitée (± 0,18 %).<br />

graphique 1<br />

10<br />

9<br />

8<br />

7<br />

6<br />

5<br />

4<br />

3<br />

2<br />

1<br />

0<br />

sept. 87<br />

sept. 88<br />

TAUX DE CHANGE NOMINAL (OFFICIEL) DU YUAN PAR RAPPORT<br />

AU DOLLAR AMÉRICAIN (NOMBRE DE YUAN PAR USD)<br />

sept. 89<br />

sept. 90<br />

sept. 91<br />

sept. 92<br />

sept. 93<br />

sept. 94<br />

sept. 95<br />

40<br />

sept. 96<br />

sept. 97<br />

sept. 98<br />

sept. 99<br />

sept. 00<br />

sept. 01<br />

sept. 02<br />

sept. 03<br />

Source : FMI, Statistiques financières internationales


La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />

A M I N A L A H R È C H E - R É V I L<br />

La fixité de facto <strong>du</strong> change et la convertibilité de la monnaie<br />

pour les opérations courantes imposent à la Banque populaire<br />

de Chine (BPC) d’intervenir sur le marché des changes.<br />

Depuis la fin des années 1990, l’afflux massif d’investissements<br />

directs étrangers (la Chine est le premier récipiendaire<br />

asiatique d’IDE, et le premier parmi les pays émergents) surfinance<br />

le solde courant chinois, et impose à la BPC d’accumuler<br />

des réserves de change de plus en plus importantes : si le<br />

gouvernement américain considère que la Chine ne détient<br />

que 174 milliards de dollars de bons <strong>du</strong> Trésor, selon certains<br />

analystes, les réserves pourraient s’élever aujourd’hui à<br />

500 milliards de dollars (2) . Quel qu’en soit le montant exact,<br />

cette accumulation de réserves n’est pas soutenable à long<br />

terme (Aglietta et Rzepkowski, 2004), et justifie les appels à<br />

davantage de flexibilité : l’appréciation prévisible <strong>du</strong> yuan à<br />

court terme soulagerait la politique monétaire.<br />

Pourtant, si les autorités <strong>chinoises</strong> admettent volontiers que le<br />

yuan devra progressivement évoluer vers davantage de flexibilité,<br />

elles opposent pour l’instant une assez forte résistance à<br />

tout mouvement dans cette direction. Pour une part, cela<br />

s’explique par leur peu d’entrain à céder à la pression extérieure.<br />

En outre, comme de nombreux pays en change fixe, la<br />

Chine est confrontée à la question de la sortie de l’ancrage<br />

dans une situation où les échanges de capitaux se libéralisent :<br />

tant que le contrôle des capitaux est strict, un régime de<br />

change fixe est viable, même si les politiques économiques <strong>du</strong><br />

pays concerné sont très différentes de celles <strong>du</strong> reste <strong>du</strong><br />

monde. Lorsque le compte de capital devient poreux, un<br />

grand pays comme la Chine doit s’orienter vers la flexibilité.<br />

Mais il est alors très difficile de trouver le « bon » moment et<br />

le « bon » calendrier.<br />

Dans le contexte actuel d’inquiétude sur le marché des<br />

changes, la pression sur le régime de change de la Chine est<br />

moindre, car l’ancrage de facto <strong>du</strong> pays sur le dollar soutient<br />

la demande mondiale de monnaie américaine, et stabilise<br />

donc le marché des changes. Il est par conséquent probable<br />

que le projet affiché par les autorités <strong>chinoises</strong> d’un glissement<br />

de l’ancrage vers un panier euro-dollar ne se fera pas « à<br />

chaud ». Le choix <strong>du</strong> calendrier de libéralisation pose moins<br />

de problèmes : à court terme, les structures institutionnelles<br />

<strong>du</strong> pays ne permettent pas d’instaurer rapidement un flottement<br />

complet. Ceci n’exclut pas pour autant davantage de<br />

flexibilité dans la gestion <strong>du</strong> change (Eichengreen, 2004). /...<br />

(2) Source : Barclays Capital, cité par l’International Herald Tribune <strong>du</strong><br />

26 novembre 2004 ; http://www.iht.com/articles/2004/11/26/business/dollar.html<br />

41


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... Plus fondamentalement, il est difficile de déterminer le<br />

niveau de flexibilité optimal pour l’économie chinoise, extrêmement<br />

hétérogène. La Chine apparaît en effet comme un<br />

pays intermédiaire en termes d’ouverture, entre l’Inde et les<br />

économies émergentes d’Asie <strong>du</strong> Sud-Est (tableau 1). Cependant,<br />

en raison de la concentration géographique <strong>du</strong> secteur<br />

exportateur, le taux d’ouverture est élevé dans les régions<br />

côtières et à Canton, tandis que les provinces de l’intérieur<br />

sont très fermées. Ainsi, les provinces côtières bénéficient <strong>du</strong><br />

régime de change fixe qui stabilise les prix et attire les investissements<br />

directs étrangers, tandis que la Chine prise dans<br />

son ensemble doit être traitée comme un grand pays relativement<br />

peu ouvert, pour lequel un taux de change flexible se<br />

justifierait. Le choix <strong>du</strong> régime de change est donc indissociable<br />

de la stratégie de développement de la Chine (limitation<br />

des inégalités régionales ou renforcement de la croissance<br />

des zones côtières).<br />

tableau 1<br />

EXPORTATIONS DE BIENS ET SERVICES, 2001<br />

(EN % DU PIB)<br />

Pays ouverts à moins de 50 % Pays ouverts à plus de 50 %<br />

Chine 23 Japon 10 Vietnam 55<br />

Provinces Inde 14 Thaïlande 66<br />

Canton 74 Indonésie 41 Malaisie 116<br />

Côtières 33 Corée <strong>du</strong> Sud 43 Hong Kong 144<br />

Intérieur 6 Philippines 49 Singapour 174<br />

Sources : Banque mondiale, World Development Indicators, China Statistical Yearbook 2002.<br />

Ainsi, la nécessité d’instaurer à terme davantage de flexibilité<br />

dans la gestion <strong>du</strong> yuan paraît faire l’objet d’un consensus<br />

assez général, même si des considérations de court terme<br />

con<strong>du</strong>isent à reporter la décision.<br />

L’autre incertitude qui entoure la question de la réforme <strong>du</strong><br />

régime de change chinois porte sur l’ampleur de l’ajustement<br />

qui devra se réaliser sur le niveau de la monnaie chinoise.<br />

LA QUESTION DE LA SOUS-ÉVALUATION<br />

DU TAUX DE CHANGE DU YUAN<br />

L e diagnostic de sous-évaluation <strong>du</strong> yuan n’est guère<br />

contesté : l’accumulation des réserves de change, la croissance<br />

des exportations <strong>chinoises</strong> (malgré une croissance encore plus<br />

rapide des importations), le surfinancement <strong>du</strong> solde courant<br />

par les entrées de capitaux sont autant de signes macro-économiques<br />

de la sous-évaluation de la monnaie chinoise.<br />

L’ampleur de la sous-évaluation fait en revanche l’objet d’esti-<br />

42


La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />

A M I N A L A H R È C H E - R É V I L<br />

mations plus divergentes : sur le marché des non-deliverable<br />

forward, l’appréciation anticipée n’a pas dépassé 5 % au plus<br />

fort de la pression de l’été 2003, ce qui semble appuyer l’estimation<br />

de Wang (2004), qui considérait qu’en 2003 le taux<br />

de change réel <strong>du</strong> yuan était à son niveau d’équilibre. Mais<br />

d’autres travaux (Goldstein, 2003, Artus, 2003, Coudert et<br />

Couharde, 2004) concluent au contraire à une forte sous-évaluation<br />

de la monnaie chinoise.<br />

On dispose de nombreux outils pour mesurer la distorsion <strong>du</strong><br />

taux de change réel (encadré page 48). Au CEPII, les travaux<br />

en cours s’appuient sur le modèle théorique développé par<br />

Alberola et al. (2002) et Alberola (2003), dans lequel le taux<br />

de change d’équilibre dépend de l’effet Balassa-Samuelson,<br />

synthétisé dans l’évolution des prix relatifs <strong>du</strong> secteur abrité<br />

et <strong>du</strong> secteur exposé, et de l’évolution de la position extérieure<br />

nette.<br />

L’équation estimée est donc la suivante : q t = f(nfa t , relp t ) (1)<br />

avec q t le logarithme <strong>du</strong> taux de change effectif réel, nfa t la<br />

position extérieure nette rapportée au PIB et relp t le logarithme<br />

des prix relatifs internes.<br />

Le taux de change réel doit s’apprécier avec l’amélioration de<br />

la position extérieure nette, car l’accumulation de créances<br />

internationales engendre des revenus <strong>du</strong> capital, qui permettent<br />

de soutenir des prix relatifs plus élevés et un déficit commercial.<br />

Le taux de change réel doit également s’apprécier<br />

avec l’augmentation relative de pro<strong>du</strong>ctivité dans le secteur<br />

exposé, synthétisée dans le ratio des prix à la consommation<br />

aux prix à la pro<strong>du</strong>ction (3) .<br />

En raison de la définition <strong>du</strong> taux de change réel (une hausse<br />

signale une dépréciation réelle), les signes atten<strong>du</strong>s sont négatifs<br />

sur les deux variables.<br />

Il est relativement aisé d’estimer une telle équation sur un<br />

échantillon de pays de l’OCDE, pour lesquels on dispose de<br />

séries temporelles relativement longues – et donc d’informations<br />

relativement abondantes. Mais pour étudier une telle<br />

relation dans le cas de la Chine, il est difficile de ne s’appuyer<br />

que sur les informations fournies par les statistiques de ce<br />

pays : avant la période de libéralisation, elles ont peu de sens,<br />

et l’on ne peut donc guère travailler qu’à partir des années /...<br />

(3) D’après l’effet Balassa-Samuelson, les gains de pro<strong>du</strong>ctivité dans le secteur<br />

exposé doivent con<strong>du</strong>ire à l’élévation <strong>du</strong> niveau général des prix par le biais d’une<br />

hausse des prix dans le secteur abrité. Puisque l’indice des prix à la consommation<br />

est majoritairement composé de biens non-échangeables, et l’indice des prix à la<br />

pro<strong>du</strong>ction de biens échangeables, le rapport prix de consommation/prix de pro<strong>du</strong>ction<br />

est utilisé comme approximation des prix relatifs internes.<br />

43


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... 1990. La solution est alors d’exploiter, en plus de la dimension<br />

temporelle propre au pays considéré, une dimension géographique,<br />

en incluant ce pays dans un échantillon plus large<br />

: c’est l’analyse de panel, qui permet de repérer les comportements<br />

communs à un ensemble de pays. Lorsque l’échantillon<br />

est constitué essentiellement de pays in<strong>du</strong>strialisés, on peut<br />

considérer qu’il fournit une information sur la dynamique de<br />

long terme des économies. En revanche, il est possible que la<br />

dynamique indivi<strong>du</strong>elle diffère, et dans ce cas, on peut l’identifier<br />

à un comportement de moyen terme (voir Egert et al.,<br />

2004). C’est cette approche qui est retenue ici dans le cas de<br />

la Chine.<br />

L’étude des taux de change d’équilibre est donc réalisée sur<br />

données annuelles, sur un échantillon de pays représentant<br />

l’ensemble des pays <strong>du</strong> G20. Ce groupe, créé en 1999, rassemble<br />

les grands pays in<strong>du</strong>strialisés et les principales économies<br />

émergentes. Il constitue donc l’échantillon de référence,<br />

au sein <strong>du</strong>quel on isole le comportement de la Chine (4) .<br />

L’équation (1) est estimée sur l’ensemble de l’échantillon (5) ,<br />

avec des coefficients par pays contraints à être identiques.<br />

L’équation de taux de change réel obtenue est la suivante :<br />

q it = – 0,64 nfa it – 0,93 relp it + u i + ε it (2)<br />

Les deux coefficients estimés présentent le signe atten<strong>du</strong> : une<br />

hausse de 1 % des prix relatifs pro<strong>du</strong>it une appréciation de<br />

près de 1 % <strong>du</strong> taux de change réel ; une amélioration de<br />

1 point de pourcentage de la position extérieure nette apprécie<br />

également le taux de change réel, de l’ordre de 0,6 %.<br />

Quel diagnostic peut-on alors porter sur la Chine ?<br />

Le graphique 2 compare le comportement <strong>du</strong> taux de change<br />

réel d’équilibre de la Chine (LCHF, en pointillés) et celui <strong>du</strong><br />

taux de change réel observé (LCH, traits pleins). Rappelons<br />

que ces résultats supposent que la Chine se comporte sur<br />

toute la période structurellement comme l’ensemble des pays<br />

de l’échantillon, et que, pour chaque pays, le taux de change<br />

réel effectif est par construction à sa valeur d’équilibre en<br />

moyenne sur la période d’estimation.<br />

Le taux de change effectif réel de la Chine est systématique-<br />

(4) On fait l’hypothèse que les déséquibres macro-économiques au sein de ce groupe<br />

ne peuvent être résolus qu’entre les pays qui le constituent : ils ne peuvent être absorbés<br />

par le « reste <strong>du</strong> monde », ce qui implique que le taux de change effectif réel n’est<br />

mesuré que sur les pays <strong>du</strong> G20, les pondérations sommant par conséquent à 1.<br />

(5) Elle inclut des effets fixes indivi<strong>du</strong>els ui. Le panel étant non-stationnaire, on<br />

réalise une analyse de co-intégration. Pour les détails techniques, se reporter à<br />

Bénassy-Quéré et al. (2004b).<br />

44


La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />

A M I N A L A H R È C H E - R É V I L<br />

graphique 2<br />

4<br />

2<br />

0<br />

– 2<br />

– 4<br />

– 6<br />

– 8<br />

LCHF_CHN<br />

LCH_CHN<br />

TAUX DE CHANGE EFFECTIF RÉEL DE LA CHINE<br />

ESTIMATION DE PANEL<br />

80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00<br />

Source : calculs des auteurs, à partir de l’équation (2). Une augmentation signale une dépréciation.<br />

Le taux de change d’équilibre figure en pointillés, le taux de change observé en trait plein<br />

ment supérieur à son niveau d’équilibre depuis la libéralisation<br />

de l’économie, ce qui signale une sous-évaluation chronique<br />

de la monnaie chinoise. La sous-évaluation se ré<strong>du</strong>it<br />

depuis le milieu des années 1990, ce qui est le résultat de la<br />

combinaison d’un taux de change fixe par rapport au dollar,<br />

et d’une inflation longtemps plus importante que celles des<br />

principaux partenaires commerciaux de la Chine. La sous-évaluation<br />

s’est renforcée à la fin des années 1990 et au début<br />

des années 2000, en raison à la fois de la quasi-déflation<br />

observée en Chine et de la dépréciation <strong>du</strong> dollar.<br />

En 2001, le taux de sous-évaluation effectif mesuré est de<br />

16 %. Entre 2001 et la mi-2004, le taux de change <strong>du</strong> yuan<br />

s’est apprécié en termes effectifs réels de 10 %. En supposant<br />

que le taux de change d’équilibre fondamental est resté stable,<br />

la sous-évaluation effective <strong>du</strong> yuan serait beaucoup plus<br />

faible à la mi-2004, de l’ordre de 6 %. Notons cependant<br />

qu’il s’agit d’un taux de change effectif, et les distorsions bilatérales<br />

(par exemple, entre le yuan et le dollar) peuvent être<br />

différentes.<br />

De fait, il est possible de dériver les taux de change bilatéraux<br />

d’équilibre à partir des taux de change effectifs. Le yuan apparaît<br />

alors massivement sous-évalué par rapport au dollar en<br />

2001, autour de 40 %. Jusqu’à la fin de l’année 2003, la faiblesse<br />

de l’inflation en Chine a contribué à déprécier encore la<br />

monnaie en termes réels par rapport au dollar. Depuis la fin de<br />

2003, ce phénomène s’est cependant inversé, et le différentiel<br />

d’inflation dépassait les 2 % en juillet 2004 (graphique 3),<br />

l’appréciation réelle au début de l’année 2004 atteignant alors /...<br />

45


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... 1,4 %. Ceci est évidemment tout à fait insuffisant pour combler<br />

la sous-évaluation <strong>du</strong> yuan par rapport au dollar, mais<br />

indique que le mouvement de dépréciation continue pourrait<br />

être aujourd’hui interrompu.<br />

graphique 3<br />

États-Unis<br />

déc. 00<br />

mars 01<br />

DIFFÉRENTIEL D’INFLATION (EN %) ENTRE LA CHINE<br />

ET LES ÉTATS-UNIS DEPUIS 2001<br />

6 Chine<br />

5<br />

4<br />

3<br />

2<br />

1<br />

0<br />

– 1<br />

– 2<br />

juin 01<br />

sept. 01<br />

déc. 01<br />

mars 02<br />

juin 02<br />

sept. 02<br />

déc. 02<br />

mars 02<br />

juin 03<br />

sept. 03<br />

déc. 03<br />

mars 04<br />

juin 04<br />

sept. 04<br />

Source : FMI, Statistiques financières internationales<br />

On a jusqu’à présent fait l’hypothèse que la Chine se comportait<br />

comme l’ensemble des pays de l’échantillon. Pourtant,<br />

une analyse pays par pays (6) montre que certains pays présentent<br />

des comportements particuliers. En général, on confirme<br />

presque systématiquement la présence d’un effet Balassa-<br />

Samuelson. La réaction <strong>du</strong> taux de change réel à l’amélioration<br />

de la position extérieure nette est plus différenciée : dans<br />

quelques pays émergents (Corée, Mexique, Turquie), une<br />

dégradation des actifs extérieurs nets est associée à une appréciation<br />

<strong>du</strong> change. Ce phénomène est aujourd’hui assez bien<br />

documenté, en particulier dans le cas des pays d’Europe centrale<br />

et orientale, et peut s’expliquer par le fait que domine<br />

dans ces pays une dynamique de moyen terme : les rendements<br />

élevés <strong>du</strong> capital dans les pays émergents attirent en<br />

effet les capitaux étrangers, ce qui fait s’apprécier le taux de<br />

change. On peut donc observer simultanément une appréciation<br />

<strong>du</strong> change – liée aux entrées de capitaux et aux gains de<br />

pro<strong>du</strong>ctivité – et une dégradation de la position extérieure<br />

nette. À plus long terme, le remboursement de la dette<br />

implique des sorties de capitaux. Le taux de change doit donc<br />

se déprécier pour réaliser un excédent commercial et assurer la<br />

soutenabilité des flux de capitaux à long terme.<br />

On pourrait s’attendre à ce que la Chine présente un profil<br />

(6) Non présentées ici. Voir Bénassy-Quéré et al., (2004), op. cit.<br />

46


La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />

A M I N A L A H R È C H E - R É V I L<br />

proche de celui des pays d’Europe centrale et orientale : l’économie<br />

s’est récemment libéralisée, est de facto assez ouverte<br />

aux flux de capitaux internationaux. Mais s’il y a bien une<br />

asymétrie entre la Chine et les autres pays de l’échantillon,<br />

celle-ci ne porte pas sur la réaction <strong>du</strong> taux de change réel aux<br />

variations de la position extérieure nette, mais sur la mesure<br />

de l’effet Balassa-Samuelson. En effet, l’estimation propre à la<br />

Chine fournit le résultat suivant :<br />

q it = 2,41 nfa it + 1,82 relp it + ui + ε it (3)<br />

Une augmentation des prix (pro<strong>du</strong>ctivité) relatifs s’accompagne<br />

d’une dépréciation <strong>du</strong> taux de change réel. Autrement<br />

dit, l’effet Balassa-Samuelson ne se manifeste pas en Chine. Si<br />

cette asymétrie existe pour d’autres pays de l’échantillon<br />

(Australie, Japon, Turquie), c’est en Chine que la valeur absolue<br />

<strong>du</strong> coefficient estimé est la plus élevée.<br />

Compte tenu de la réaction particulière <strong>du</strong> taux de change<br />

réel aux variations de prix relatifs, la distorsion de change<br />

mesurée en Chine avec les estimations par pays est assez différente<br />

de celle que l’on obtient avec les estimations de panel.<br />

La Chine reste sous-évaluée, mais de l’ordre de 5 % seulement<br />

pour le taux de change effectif.<br />

Selon la technique d’estimation, on obtient ainsi des ordres<br />

de grandeur très différents pour l’année 2001 : sous-évaluation<br />

de 16 % en termes effectifs, ou quasi-équilibre. La source<br />

principale de dissonance entre les diagnostics de moyen et de<br />

long terme se trouve dans la mesure de l’effet Balassa. Les<br />

estimations réalisées sur la Chine seule rendent compte des<br />

caractéristiques propres à l’économie chinoise, en particulier<br />

la très forte élasticité de l’offre de travail, la segmentation <strong>du</strong><br />

marché <strong>du</strong> travail, et peut-être le contrôle des prix.<br />

Toutes ces particularités sont autant de sources qui perturbent<br />

la transmission des gains de pro<strong>du</strong>ctivité relative dans les<br />

prix, et qui bloquent à court/moyen terme un mécanisme<br />

d’ajustement <strong>du</strong> taux de change réel en Chine.<br />

À long terme cependant, la libéralisation de l’économie chinoise<br />

devrait rendre possibles ces ajustements, et le taux de<br />

change réel devrait se comporter comme dans la plupart des<br />

pays avancés. Ainsi, on peut avancer que l’équation estimée<br />

sur des données <strong>chinoises</strong> rend compte de la distorsion de<br />

moyen terme <strong>du</strong> taux de change réel <strong>du</strong> yuan, tandis que<br />

l’équation estimée sur l’ensemble de l’échantillon fournit une<br />

mesure de la distorsion de change qui devra être résorbée à<br />

plus long terme. /...<br />

47


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... CONCLUSION : QU’ATTENDRE<br />

DE L’APPRÉCIATION RÉELLE DU YUAN ?<br />

En 2003, l’appréciation <strong>du</strong> yuan était considérée aux États-<br />

Unis comme un moyen de résoudre, au moins partiellement,<br />

l’énorme déficit courant bilatéral <strong>du</strong> pays avec la Chine. Pourtant,<br />

il était déjà certain que l’appréciation de la monnaie chinoise<br />

ne permettrait pas de résorber ce déficit courant, d’une<br />

part, car l’appréciation <strong>du</strong> yuan, si elle avait ré<strong>du</strong>it les volumes<br />

importés par les États-Unis, aurait aussi entraîné une hausse<br />

des prix, l’effet global sur la valeur des importations américaines<br />

étant neutre ; et d’autre part, car les exportations américaines<br />

en Chine étaient trop faibles pour rééquilibrer le solde<br />

courant (voir Bénassy-Quéré et al., 2003).<br />

La question <strong>du</strong> taux de change <strong>du</strong> yuan a ensuite progressivement<br />

basculé : le problème, d’américain, est devenu européen.<br />

En effet, la stabilité nominale <strong>du</strong> yuan empêche que le déficit<br />

courant américain ne se résorbe vis-à-vis de la Chine. L’ajustement<br />

doit donc se reporter sur le taux de change <strong>du</strong> dollar<br />

par rapport à d’autres monnaies, en particulier sur le taux de<br />

change euro-dollar. Selon nos calculs, la rigidité nominale (et<br />

réelle, en raison <strong>du</strong> faible différentiel d’inflation longtemps<br />

observé entre la Chine et les États-Unis) con<strong>du</strong>it à un supplément<br />

de sur-évaluation <strong>du</strong> taux de change de l’euro par rapport<br />

au dollar de l’ordre de 10 % (Bénassy-Quéré et al., 2004<br />

a et b). Dans cette perspective, une appréciation réelle <strong>du</strong><br />

yuan relâcherait la tension qui s’exerce aujourd’hui sur le taux<br />

de change de l’euro par rapport au dollar.<br />

La référence à la parité des pouvoirs d’achat est<br />

abandonnée depuis longtemps lorsqu’il s’agit de<br />

déterminer le taux de change d’équilibre réel pour<br />

les pays en développement, car le rattrapage économique<br />

doit en principe pro<strong>du</strong>ire une appréciation<br />

réelle qui est un phénomène d’équilibre : avec les<br />

gains de pro<strong>du</strong>ctivité dans le secteur concurrencé,<br />

les salaires s’élèvent, ce qui finit par élever également<br />

la rémunération <strong>du</strong> travail dans les secteurs<br />

abrités, et pro<strong>du</strong>it à terme une hausse des prix (c’est<br />

l’effet Balassa-Samuelson).<br />

La hausse des revenus pro<strong>du</strong>it également une<br />

hausse de la demande, dont la pression se porte en<br />

grande partie sur le secteur abrité, et en fait augmenter<br />

les prix relatifs, con<strong>du</strong>isant là encore à une<br />

appréciation réelle. Pour ces deux raisons, le taux<br />

de change réel doit s’apprécier dans les pays en<br />

croissance, et devrait donc s’apprécier en Chine.<br />

L’évolution des soldes courants doit également affecter<br />

le comportement prévisible <strong>du</strong> taux de change<br />

réel. Lorsque l’on tient compte de ce mécanisme, il<br />

faut définir le taux de change d’équilibre comme<br />

celui qui assure la réalisation simultanée de l’équilibre<br />

interne et de l’équilibre externe. L’équilibre interne<br />

est obtenu lorsque la pro<strong>du</strong>ction atteint son niveau<br />

potentiel, et cela peut comporter la prise en compte<br />

de l’effet Balassa-Samuelson. L’équilibre externe est<br />

réalisé lorsque le solde courant est financé par des<br />

flux de capitaux soutenables à long terme. À partir de<br />

cette définition, on peut déterminer les taux de<br />

change d’équilibre soit en simulant des modèles<br />

macro-économétriques (Coudert et Couharde, 2004),<br />

soit en estimant des équations de forme ré<strong>du</strong>ite, ce<br />

qui a été fait au CEPII.<br />

48


La sous-évaluation <strong>du</strong> yuan<br />

A M I N A L A H R È C H E - R É V I L<br />

RÉFÉRENCES<br />

M. AGLIETTA ET B. RZEPKOWSKI (2004) : « Les<br />

banques centrales asiatiques et le dollar », La<br />

Lettre <strong>du</strong> CEPII, n° 230, janvier.<br />

E. ALBEROLA (2003) : « Misalignment, liabilities<br />

dollarization and exchange rate adjustment<br />

in Latin America », Banco de España<br />

documento de trabajo, n° 0309.<br />

E. ALBEROLA, S. G. CERVERO, H. LOPEZ, A.<br />

UBIDE (2002) : « Quo vadis euro ? », European<br />

Journal of Finance, 8 (4), décembre.<br />

P. ARTUS (2003) : « De combien faut-il réévaluer<br />

le yuan chinois ? », Flash, CDC-Ixis Capital<br />

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A. BÉNASSY-QUÉRÉ, F. LEMOINE ET A. LAH-<br />

RÈCHE-RÉVIL (2003) : « Le yuan doit-il être<br />

réévalué ? », La Lettre <strong>du</strong> CEPII, n°227,<br />

octobre.<br />

A. BÉNASSY-QUÉRÉ, A. LAHRÈCHE-RÉVIL ET<br />

V. MIGNON (2004 a) : « Le dollar et le G20 »,<br />

La Lettre <strong>du</strong> CEPII, n°238, octobre.<br />

A. BÉNASSY-QUÉRÉ, A. LAHRÈCHE-RÉVIL,<br />

V. MIGNON, ET P. DURAND-VIGNERON<br />

(2004 b) : « Burden Sharing and Exchange-<br />

Rate Misalignments within the Group of<br />

Twenty », Document de travail <strong>du</strong> CEPII,<br />

n° 2004-13, septembre.<br />

V. COUDERT ET C. COUHARDE (2004) :<br />

« Exchange-Rate Policy, Real Exchange Rate<br />

and Regional Disparities in China », Document<br />

de travail <strong>du</strong> CEPII, à paraître.<br />

B. EGERT, A. LAHRÈCHE-RÉVIL ET K. LOM-<br />

MATZSCH (2004) : « The Stock-Flow Approach<br />

to the Real Exchange Rate of CEE Transition<br />

Economies », Document de travail <strong>du</strong> CEPII<br />

n° 2004-15, novembre.<br />

B. EICHENGREEN (2004) : « Chinese Currency<br />

Controversies », CEPR Discussion Paper,<br />

n° 4375, mai.<br />

M. GLODSTEIN (2003) : « China’s Exchange<br />

Rate Regime », Testimony before the<br />

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Committe on Financial Services, US House<br />

of Representatives, Washington, D.C.,<br />

1 er octobre 2003. Disponible sur www.iie.<br />

com/publications/papers/goldstein1003.htm<br />

(téléchargé le 15 septembre 2004).<br />

WANG T. (2004) : « Exchange Rate Dynamics<br />

», in Prasad, E., ed., china’s Growth and<br />

Integration intro the World Economy, Prospects<br />

and Challenges, IMF Occasional Paper,<br />

n° 232, 21-24.<br />

49


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

50


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

Les déséquilibres monétaires<br />

Chine/États-Unis<br />

ISABELLE JOB ET RÉMY CONTAMIN<br />

ÉCONOMISTES, CRÉDIT AGRICOLE SA<br />

Paradoxalement, les déséquilibres monétaires entre les<br />

États-Unis et certains pays asiatiques présentent une certaine<br />

cohérence. Le rattrapage de la Chine s’en trouve<br />

notamment accéléré. La question majeure est de savoir si<br />

cette situation sera longtemps soutenable.<br />

Déséquilibres financiers et globalisation vont de pair : l’interdépendance<br />

croissante entre les nations vise justement à<br />

compenser la demande excédentaire d’investissement de certains<br />

pays par les excédents d’épargne dégagés ailleurs. La<br />

croissance globale s’en trouve accrue par rapport à une situation<br />

plus fermée, à condition toutefois que des déséquilibres<br />

cumulatifs ne dégénèrent pas en crise.<br />

La période de globalisation actuelle affiche cependant ses<br />

propres particularités. Traditionnellement, l’excédent<br />

d’épargne domestique des pays développés est exporté vers le<br />

reste <strong>du</strong> monde, ces transferts de capitaux étant à la fois un<br />

vecteur de la globalisation et de développement. Aujourd’hui,<br />

une majorité des capitaux est réallouée au sein même des pays<br />

développés, les États-Unis surtout. Le système semble ainsi<br />

quelque peu perverti, au sens où la première puissance mondiale<br />

accumule des déficits extérieurs récurrents et croissants,<br />

financés, en majeure partie, par les excédents dégagés par les<br />

pays émergents d’Asie.<br />

Dans le même temps, ces déséquilibres entre des États-Unis<br />

consommateurs en dernier ressort et des pays asiatiques où la<br />

sous-évaluation des taux de change favorise les entrées de<br />

capitaux et les exportations, présentent une certaine cohérence.<br />

Le rattrapage d’un pays comme la Chine s’en trouve<br />

accéléré alors qu’à l’autre bout de la chaîne les États-Unis<br />

peuvent maintenir un rythme de croissance soutenu face à<br />

une demande européenne structurellement faible. /...<br />

51


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

VIVRE AU-DESSUS DE SES MOYENS<br />

GRÂCE AUX DEVISES CLEFS<br />

En quelques années, la contrepartie réelle <strong>du</strong> déficit courant<br />

américain et son financement ont radicalement changé. Alors<br />

que des capitaux longs finançaient l’investissement dans le secteur<br />

des biens échangeables dans les années 90, des capitaux de<br />

plus en plus courts ont été nécessaires pour financer la<br />

demande des ménages ayant soutenu la croissance américaine<br />

et mondiale depuis 2001. D’où l’image d’Américains consommateurs<br />

en dernier ressort et l’intuition selon laquelle la formation<br />

d’une bulle immobilière aurait largement compensé les<br />

effets de la crise des entreprises et <strong>du</strong> dégonflement de la bulle<br />

boursière. Au niveau macro-économique, un twin deficit plus<br />

traditionnel (déficits public et courant) a remplacé celui prévalant<br />

à la fin des années 90 (déficits privé et courant). Les<br />

comptes publics se sont creusés sous l’effet des stabilisateurs<br />

automatiques et des baisses d’impôts, le déséquilibre majeur<br />

restant la faiblesse <strong>du</strong> taux d’épargne des ménages.<br />

6<br />

4<br />

2<br />

0<br />

– 2<br />

– 4<br />

– 6<br />

% <strong>du</strong> PIB<br />

COMPTE COURANT AMÉRICAIN ET ÉQUILIBRE<br />

ÉPARGNE-INVESTISSEMENT<br />

– 8<br />

60 63 66 69 72 75 78 81 84 87 90 93 96 99 02<br />

Balance courante<br />

Épargne nette public<br />

Épargne nette privée<br />

Source : Datastream, CAsa<br />

L’offre croissante de titres publics américains a jusque-là été<br />

absorbée par des achats de plus en plus massifs des non-résidents,<br />

essentiellement les banques centrales asiatiques, sans<br />

que cela ne pèse sur les taux d’intérêt américains et mondiaux.<br />

Devise clé, le dollar permet ainsi aux États-Unis de s’endetter<br />

dans leur propre monnaie, donc de vivre au-dessus de leurs<br />

moyens dans des conditions financières très favorables.<br />

Exportant davantage, le reste <strong>du</strong> monde bénéficie également<br />

d’une croissance accrue.<br />

Des comptes extérieurs américains<br />

structurellement déficitaires<br />

L’histoire rappelle cependant que les devises clés sont mortelles.<br />

Un débat oppose ainsi actuellement ceux pour lesquels<br />

52


Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />

I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />

les fragilités soulignées plus haut (endettement plus court des<br />

États-Unis finançant des dépenses améliorant peu la compétitivité<br />

de l’économie) nécessitent d’accorder une probabilité<br />

plus élevée aux scénarios de rechute de la croissance, à des<br />

économistes défendant l’idée qu’une nouvelle cohérence <strong>du</strong><br />

SMI permet de supporter plus <strong>du</strong>rablement ces déséquilibres.<br />

Auteurs d’importants travaux sur ce qu’ils qualifient de « nouveau<br />

régime de Bretton Woods », M.P Dooley, D. Folkerts-<br />

Landau et P. Garber sont à l’origine de cette deuxième thèse,<br />

qui formalise les relations entre des régions définies fonctionnellement<br />

: un centre ayant le rôle d’intermédiaire financier<br />

(les États-Unis hier comme aujourd’hui) et une périphérie<br />

composée de deux groupes de pays (1) . Les premiers adoptent<br />

des stratégies de croissance par les exportations et sont peu<br />

soucieux des risques de perte en capital sur les réserves accumulées<br />

par leurs banques centrales en contrepartie des excédents<br />

de leur balance de base (l’Asie actuellement). Les<br />

seconds sont plus ouverts sur le plan financier et attentifs au<br />

rendement pondéré des risques de leurs investissements<br />

(Europe, Canada, Australie et Amérique latine aujourd’hui).<br />

Grossièrement, le cercle vertueux entre une consommation<br />

américaine dynamique financée par émission de dollars d’un<br />

côté et un modèle de croissance asiatique basé sur les exportations<br />

de l’autre (2) s’apparenterait à celui qui prévalait entre les<br />

États-Unis et une Europe en phase de reconstruction après<br />

1945. Cette dernière maintenait un taux de change sous-évalué<br />

grâce aux contrôles de capitaux et bénéficiait de financements<br />

longs des Etats-Unis, tout en accumulant des réserves<br />

sur ce pays.<br />

Les États-Unis retrouvent aujourd’hui en partie cette position<br />

d’intermédiaire financier, avec deux différences majeures :<br />

d’une part un compte courant structurellement déficitaire,<br />

d’autre part un privilège monétaire encore supérieur à celui<br />

<strong>du</strong> régime de Bretton Woods en l’absence totale de garantie<br />

contre l’inéluctable dépréciation <strong>du</strong> dollar (l’or ayant joué<br />

artificiellement ce rôle jusqu’à la fin des années 1970).<br />

L’Asie et la Chine au cœur de la cohérence <strong>du</strong> système<br />

En accumulant des créances sur les États-Unis, l’Europe est<br />

évidemment un acteur important <strong>du</strong> SMI. Mais la demande<br />

volontaire et potentiellement illimitée d’actifs en dollar des<br />

pays asiatiques place ces derniers au cœur de la cohérence <strong>du</strong><br />

/...<br />

(1) Cf. Dooley M.P., Folkerts-Landau D. & Garber P., « An essay on the revived Bretton<br />

Woods system », NBER WP, n°9971, septembre 2003.<br />

(2) Les banques centrales asiatiques se portant acheteuses des excès de liquidité<br />

internationale pour empêcher l’appréciation de leurs devises.<br />

53


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

système. Notre analyse portera donc sur les déséquilibres qui<br />

se sont forgés sur un axe États-Unis/Asie, avec une référence<br />

particulière à la Chine. En effet, le bouclage de l’équilibre<br />

épargne-investissement au niveau mondial dépend ces dernières<br />

années de manière cruciale <strong>du</strong> financement par la<br />

Chine d’une large partie <strong>du</strong> déficit courant américain. Après<br />

avoir rappelé brièvement le fonctionnement <strong>du</strong> SMI pendant<br />

Bretton Woods, nous reviendrons sur l’analogie qui peut être<br />

faite avec la situation prévalant actuellement entre la Chine et<br />

les États-Unis. Nous discuterons enfin des fragilités inhérentes<br />

à ces déséquilibres.<br />

L’HÉGÉMONIE DU DOLLAR<br />

A u sortir de la Seconde guerre mondiale, un nouvel ordre<br />

monétaire a émergé suite aux négociations remplaçant l’étalon<br />

or par un système plus flexible mais garant de la stabilité<br />

monétaire et financière mondiale (3) . Ce système a conservé un<br />

ancrage ultime, l’or, la convertibilité <strong>du</strong> dollar en or se faisant<br />

à un prix fixe établi à 35 $ l’once et les autres pays maintenant<br />

une parité fixe par rapport au dollar dans une fourchette<br />

de +/- 1 %. Pour intro<strong>du</strong>ire plus de flexibilité, ces parités<br />

étaient également ajustables sous certaines conditions (notamment<br />

lorsque des déséquilibres structurels de balance des paiements<br />

devaient être corrigés). Le dollar a donc acquis, au<br />

cours de cette période, le statut de monnaie de réserve internationale.<br />

La demande captive de dollar en découlant a permis<br />

aux États-Unis de vivre, déjà à cette époque, au-dessus de<br />

leurs moyens en leur permettant à la fois de financer leurs<br />

importations, de se porter acquéreurs d’entreprises à l’étranger<br />

et de maintenir leur effort militaire (4) .<br />

Un privilège exorbitant<br />

Avec la fin de la convertibilité <strong>du</strong> dollar en or au début des<br />

années 70, le billet vert est progressivement devenu la devise<br />

clef <strong>du</strong> SMI en cumulant les fonctions d’unité de compte, de<br />

moyen de paiement et de réserve de valeur au niveau international.<br />

Environ 50 % des dollars circulent ainsi en dehors de<br />

leur base d’émission.<br />

(3) Entre les deux Guerres, le bref épisode de retour aux changes flottants a été<br />

ponctué de crises financières. D’où l’idée de retour à un ancrage monétaire, garant<br />

de davantage de stabilité.<br />

(4) L’Europe et le Japon ont également tiré partie de ce système. En effet, dans la<br />

phase de reconstruction, la stratégie de développement de ces pays a consisté à promouvoir<br />

l’investissement (via une épargne forcée) et les exportations au détriment<br />

des salaires et de la consommation. Ce « pacte social » synonyme de renonciation à<br />

une consommation immédiate devait être compensé à terme par une croissance<br />

future plus forte, source de davantage de revenu. Durant toute la période, ces pays<br />

ont résisté à l’appréciation de leur monnaie.<br />

54


Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />

I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />

Ce statut de référence <strong>du</strong> dollar confère un avantage certain<br />

aux États-Unis, principal pays capable de s’endetter dans sa<br />

propre monnaie. Les créances américaines sur l’étranger étant<br />

libellées en partie en devises et les dettes entièrement en dollar,<br />

une dépréciation <strong>du</strong> billet vert a ainsi comme effet d’accroître<br />

la valorisation des actifs nets qu’ont les Etats-Unis sur<br />

le reste <strong>du</strong> monde.<br />

Leurs créanciers internationaux sont, au contraire, exposés au<br />

risque dollar. Ils dégagent des excédents vis-à-vis <strong>du</strong> reste <strong>du</strong><br />

monde mais ne peuvent accumuler de créances sur l’étranger<br />

dans leur propre monnaie. Ils sont donc contraints de recycler<br />

ces excédents sous forme d’achats d’actifs libellés en grande<br />

partie en dollars. Ayant un niveau d’épargne domestique<br />

élevé, ces économies vertueuses se trouvent dans la situation<br />

inverse des États-Unis. Or, le taux de change étant un prix<br />

censé équilibrer les déséquilibres de balance des paiements, la<br />

tendance naturelle <strong>du</strong> dollar est baissière alors que celle des<br />

monnaies des pays dont l’épargne est excédentaire est haussière.<br />

Le stock d’actifs en dollar des pays excédentaires ne cessant<br />

de croître, cela les rend vulnérables à l’appréciation<br />

inexorable de leur monnaie domestique.<br />

Quand les anticipations se focalisent sur ce risque, les réajustements<br />

de portefeuille en découlant, qui prennent la forme de<br />

conversions de dollars en monnaie nationale, précipitent l’ajustement<br />

de parité. Au-delà de la perte de compétitivité à l’exportation<br />

subie par ces économies en cas d’appréciation de leur monnaie,<br />

c’est aussi un risque de crise financière qui peut se profiler.<br />

Une réponse politique pour stopper les ventes d’actifs en dollar<br />

est de rendre ce placement suffisamment attractif, en<br />

abaissant le rendement offert sur les actifs en monnaie locale,<br />

via des ré<strong>du</strong>ctions de taux d’intérêt. Si cela s’avère insuffisant,<br />

les agents continuant d’anticiper une hausse de la monnaie<br />

domestique, ou impossible à réaliser lorsque les taux arrivent<br />

à leur plancher. La banque centrale est alors obligée d’intervenir<br />

directement sur le marché des changes en rachetant à guichet<br />

ouvert tous les dollars qui s’y présentent. Ce syndrome<br />

de la « vertu conflictuelle », selon les termes de R. McKinnon,<br />

semble donc bien être une raison supplémentaire poussant les<br />

pays créanciers, comme en Asie, à amasser des stocks importants<br />

d’actifs en dollar à des fins de stabilisation <strong>du</strong> taux de<br />

change (5) . Cela garantit en retour la valeur de leur richesse<br />

accumulée en devise, en plus des avantages traditionnels de<br />

prévention contre les crises de change. /...<br />

(5) McKinnon R.I., “The World Dollar Standard and Globalization, New Rules for<br />

the Game?”, Standford University, août 2003.<br />

55


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... Le risque dollar : le prix à payer<br />

pour les pays excédentaires<br />

Le fait que la croissance mondiale soit assise sur des déséquilibres<br />

financiers croissants pose néanmoins question.<br />

B. Eichengreen(6), en réponse à l’article de Dooley et al.,<br />

propose quelques pistes de réflexion.<br />

Tout d’abord sous l’ère de Bretton Woods, les comptes<br />

courants américains sont restés excédentaires (7) . On ne peut<br />

donc parler, pour cette période, d’insuffisance chronique<br />

d’épargne. Un déficit courant américain atteignant les<br />

550 mds $ en 2003 (soit 5 % <strong>du</strong> PIB) accroît considérablement<br />

le risque de dépréciation <strong>du</strong> dollar.<br />

À l’autre extrémité de la chaîne, les créances accumulées sur<br />

l’étranger par les pays asiatiques atteignent de tels niveaux<br />

qu’on doit s’interroger sur le degré d’exposition de ces économies<br />

en cas d’effondrement <strong>du</strong> dollar, compte tenu des pertes<br />

en capital qui en découleraient.<br />

Pour illustrer ce propos et compte tenu <strong>du</strong> rôle croissant joué<br />

par la Chine dans le bouclage des comptes extérieurs américains,<br />

il est intéressant de regarder les grandeurs en jeu. Il existe deux<br />

manières d’appréhender le stock de créances liquides en dollars<br />

que sont susceptibles de détenir les résidents chinois :<br />

• soit directement, en additionnant les actifs nets étrangers détenus<br />

par le système bancaire, les réserves officielles et également les<br />

fuites de capitaux. Ce dernier poste est constitué des erreurs et<br />

omissions de la balance des paiements, qui correspondent bien à<br />

des créances sur l’étranger, et rassemble le plus souvent les dollars<br />

sortis illégalement <strong>du</strong> pays (revenus des exportations non rapatriées,<br />

transferts de devises vers les banques de Hong Kong...).<br />

CHINE – BALANCE COURANTE ET FLUX D’IDE (CUMUL)<br />

700<br />

600<br />

500<br />

400<br />

300<br />

200<br />

100<br />

0<br />

mds USD<br />

91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03<br />

Flux nets d’IDE<br />

Balance courante<br />

Source : EIU, IIF, CAsa<br />

(6) Eichengreen B., « Global imbalances and the lessons of Bretton Woods », NBER<br />

WP, n°10497, mai 2004.<br />

(7) À l’exception notable de l’année 1959 où les craintes d’une dévaluation ont fragilisé<br />

le régime monétaire.<br />

56


Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />

I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />

• soit indirectement, en cumulant la somme des excédents<br />

courants et des flux nets d’IDE, ce qui revient à calculer les<br />

entrées de capitaux longs étrangers devant être recyclés sous la<br />

forme d’achats d’actifs liquides en devises.<br />

CHINE – ACTIFS NETS LIQUIDES EN DEVISES (STOCKS)<br />

mds USD<br />

750<br />

650<br />

550<br />

450<br />

350<br />

250<br />

150<br />

50<br />

– 50<br />

91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03<br />

Forex Fuite de Kx Actifs nets des banques<br />

Source : EIU, IIF, CAsa<br />

Ces deux approches donnent des résultats sensiblement équivalents,<br />

avec au total un stock de créances en dollar évalué, fin<br />

2003, autour de 650 mds $, soit environ 45 % <strong>du</strong> PIB chinois.<br />

La Banque Populaire de Chine paraît la plus exposée au risque<br />

de change avec plus de 400 mds $ de réserves, dont la majorité<br />

est détenue sous forme de titres publics américains.<br />

Toutes choses égales par ailleurs, une dévaluation soudaine de<br />

25 % <strong>du</strong> dollar se tra<strong>du</strong>irait par des pertes en capital de<br />

100 mds $ sur ces réserves, soit un coût équivalent à près de<br />

7 points de PIB ! Le bilan agrégé <strong>du</strong> secteur bancaire fait par<br />

ailleurs apparaître un actif net d’un montant de 67 mds $,<br />

équivalant à moins de 5 % <strong>du</strong> PIB. Enfin, les flux transfrontaliers<br />

illégaux représentent en cumulé plus de 189 mds $<br />

(soit 13 % <strong>du</strong> PIB).<br />

Les banques centrales acheteuses<br />

en dernier ressort de titres américains<br />

Depuis 2001, alors que les créanciers privés se sont détournés<br />

progressivement des titres américains, la banque centrale chinoise<br />

semble clairement avoir pris le relais (8) . Cette période<br />

correspond peu ou prou au revirement des anticipations en<br />

faveur d’une appréciation de la devise chinoise. Avec les afflux<br />

/...<br />

(8) Rappelons que deux facteurs expliquent ce désengagement des créanciers<br />

privés : la crise des grandes entreprises américaines et la substitution rapide d’un<br />

déficit public aux déficits privés d’une part, le fort mouvement de baisse des taux<br />

d’intérêt d’autre part.<br />

57


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

de capitaux étrangers et les excédents courants récurrents, les<br />

pressions haussières sur le change semblaient en effet plaider<br />

pour une réévaluation <strong>du</strong> yuan.<br />

Les mouvements spéculatifs, théoriquement prohibés <strong>du</strong> fait de<br />

la non convertibilité de la monnaie chinoise pour les transactions<br />

financières, sont restés en pratique possibles étant donné<br />

la porosité <strong>du</strong> contrôle des changes, reflétée dans l’importance<br />

<strong>du</strong> poste « erreurs et omissions » de la balance des paiements.<br />

Très schématiquement, pour un résident chinois, la décision<br />

de détenir un actif en dollar (de manière illicite ou non) par<br />

rapport à son équivalent en yuan, dépend <strong>du</strong> différentiel de<br />

rendement anticipé. Or, depuis août 2001, les taux d’intérêt<br />

sur les avoirs en dollar sont devenus inférieurs aux taux chinois.<br />

Cette situation, couplée à des anticipations d’appréciation<br />

de la devise chinoise, a ren<strong>du</strong> les actifs libellés en dollar<br />

moins attractifs et alimenté des demandes de conversion de<br />

ces avoirs en yuan. Il a bien fallu que la banque centrale<br />

absorbe ces ventes de dollar pour éviter toute menace sur la<br />

stabilité <strong>du</strong> change.<br />

Cette tendance, qui s’est poursuivie au début de l’année 2004,<br />

serait néanmoins freinée voire interrompue dans un contexte de<br />

remontée des taux d’intérêt américains. Le différentiel de rendement<br />

anticipé s’inverserait, à condition toutefois que les<br />

anticipations d’appréciation <strong>du</strong> yuan ne soient pas trop fortes.<br />

On se trouve bien dans la situation évoquée plus haut, où les<br />

autorités souhaitent limiter la conversion des avoirs en devises<br />

en monnaie locale, afin de limiter les tensions à l’appréciation<br />

de la monnaie domestique (ou de garantir le système de change<br />

fixe comme dans le cas chinois). Si le pays ne peut pas ré<strong>du</strong>ire<br />

le rendement anticipé sur les opérations en monnaie locale, ce<br />

qui peut être le cas lorsque la baisse des taux d’intérêt domestiques<br />

alimente une dynamique de crédit interne insoutenable,<br />

alors les banques centrales sont contraintes d’acheter tous les<br />

dollars qu’on leur propose. Selon nos calculs, on peut estimer<br />

qu’en Chine, les capitaux rapatriés de l’étranger et la liquidation<br />

des portefeuilles en devises (compte tenu <strong>du</strong> risque de<br />

dépréciation des créances en dollar face à une réévaluation <strong>du</strong><br />

yuan) ont atteint en deux ans environ 40 mds $, montant qui<br />

reste toutefois relativement faible eu égard au stock accumulé<br />

jusqu’à présent (i.e. 650 mds fin 2003).<br />

UN SYSTÈME GARANT D’UNE CROISSANCE<br />

FORTE ET DE RATTRAPAGE<br />

N éanmoins, ce n’est sans doute pas aveuglément que les<br />

banques centrales asiatiques poursuivent cette course effrénée<br />

d’achat de billets verts. Dans le cas de la Chine, la persistance<br />

58


Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />

I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />

des grands déséquilibres financiers internationaux a une cohérence<br />

au regard des énormes enjeux auxquels est confrontée<br />

l’économie.<br />

L’Empire <strong>du</strong> Milieu accepte en effet d’accumuler des actifs en<br />

dollar en dépit de toute considération micro-économique de<br />

couple risque/rendement, car les gains à retirer d’une telle<br />

stratégie lui paraissent probablement bien plus élevés en<br />

termes de croissance macro-économique. Avec un taux de<br />

chômage urbain de l’ordre de 8 % et une population de<br />

migrants potentiels autour 200 millions de paysans, ce sont<br />

des dizaines de millions d’emplois que le marché <strong>du</strong> travail<br />

doit créer chaque année pour maintenir un équilibre social<br />

déjà précarisé par le creusement des inégalités. La Chine doit<br />

aller vite, très vite... et cela n’a pas de prix...<br />

Pour les autres pays d’Asie et notamment pour le Japon, la<br />

problématique se pose moins en termes de rattrapage qu’en<br />

termes de potentiel de croissance. La région s’est en effet<br />

développée selon un même schéma d’in<strong>du</strong>strialisation par les<br />

exportations, stratégie elle-même fondée sur l’idée qu’il existe<br />

un cycle des pro<strong>du</strong>its d’exportations avec une progressive<br />

montée en gamme (mesurée par le degré de valeur ajoutée<br />

pro<strong>du</strong>ite localement incorporée dans les pro<strong>du</strong>its exportés).<br />

Dans les années 50 et 60, le Japon et Singapour étaient de<br />

grands pays ateliers, les firmes multinationales occidentales<br />

ayant cherché à tirer partie des avantages comparatifs de ces<br />

pays dans les activités d’assemblage, compte tenu de la faiblesse<br />

de leurs coûts salariaux. À partir <strong>du</strong> milieu des années<br />

1980, dans un contexte de réévaluation <strong>du</strong> yen, cette logique<br />

d’intégration verticale des processus pro<strong>du</strong>ctifs a poussé les<br />

Japonais à déplacer les activités d’assemblage vers d’autres<br />

pays d’Asie, principalement Singapour, Hong Kong, Taiwan<br />

et la Corée qui offraient une main d’œuvre de qualité<br />

meilleure marché. À mesure de leur développement, ces économies<br />

sont elles-aussi passées de simples activités d’assemblage<br />

à des processus de pro<strong>du</strong>ction de plus en plus complexes.<br />

Les in<strong>du</strong>striels japonais en ont profité pour cesser<br />

d’approvisionner leurs usines d’assemblages implantées localement<br />

en composants fabriqués au Japon pour se les procurer<br />

directement sur place. De leur côté, les dragons d’Asie ont à<br />

leur tour commencé à délocaliser les stades de pro<strong>du</strong>ction à<br />

faible valeur ajoutée vers les pays de l’ASEAN puis vers la<br />

Chine. Ces délocalisations en cascade, servies par un fort<br />

accroissement des échanges, ont posé les bases d’un réseau de<br />

pro<strong>du</strong>ction régionale.<br />

L’émergence de la Chine sur la scène régionale a permis aux<br />

nations in<strong>du</strong>strialisées d’Asie, ayant des coûts salariaux /...<br />

59


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... incomparablement plus élevés, de retrouver un second souffle<br />

en termes de compétitivité internationale. Grâce aux délocalisations<br />

des activités intensives en main d’œuvre vers l’Empire<br />

<strong>du</strong> milieu, ces pays profitent aujourd’hui d’une base de pro<strong>du</strong>ction<br />

et d’assemblage ultra-compétitive qui alimente le<br />

dynamisme de leurs exportations et enclenche un cercle vertueux<br />

de croissance.<br />

Pour exemple, le Japon, qui a connu une décennie de faible<br />

croissance après l’éclatement de la bulle financière de la fin des<br />

années 80, ne doit son salut qu’à cet arrimage croissant avec<br />

l’Asie et la Chine en particulier. Ses moteurs internes de croissance<br />

restent en effet grippés. Les contraintes structurelles<br />

liées au vieillissement démographique, à la déflation rampante<br />

et aux déséquilibres financiers domestiques (notamment la<br />

masse des prêts non performants logés au sein des bilans bancaires<br />

hérités <strong>du</strong> dégonflement de la bulle) continuent de brider<br />

les bases purement domestiques de la croissance. De fait,<br />

le cycle d’activité au Japon est intimement lié à ses performances<br />

à l’exportation, qui ont connu un regain de dynamisme<br />

depuis 2001, date d’entrée de la Chine dans l’OMC.<br />

La réalisation progressive de ces potentiels de croissance,<br />

« illimitée » dans le cas de la Chine, devrait générer des revenus<br />

suffisants pour venir éroder les ratios de dette publique /<br />

PIB en partie accrus par l’absorption future des pertes en<br />

capital que les banques centrales asiatiques réaliseront sur<br />

leurs réserves (cf. graphique ci-après). Implicitement, ceci suppose<br />

comme scénario central un effritement tendanciel <strong>du</strong><br />

billet vert.<br />

Une crise <strong>du</strong> dollar pousserait en revanche momentanément à<br />

la hausse ces ratios d’endettement, sans pour autant mettre en<br />

péril la solvabilité des Etats tant que la croissance de leur économie<br />

empêche l’enclenchement de dynamiques explosives<br />

d’endettement. La prise en charge totale des pertes en capital<br />

par les Etats asiatiques serait de plus une hypothèse raisonnable<br />

dans la mesure où les banques centrales ne peuvent faire<br />

défaut. Pour les acteurs privés qui détiennent des créances<br />

liquides en dollar et qui souhaitent se prémunir contre le<br />

risque de perte en capital, une dépréciation <strong>du</strong> billet vert les<br />

pousserait à liquider à grande échelle leur portefeuille en<br />

devises, ce qui pourrait fragiliser les bilans bancaires ou <strong>du</strong><br />

moins obligerait les banques centrales à acheter à guichet<br />

ouvert tous ces dollars.<br />

60


Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />

I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />

RÉSERVES DE CHANGE DE NEUF PAYS D’ASIE<br />

1 800<br />

Données trimestrielles, mds de $<br />

1 600<br />

1 400<br />

1 200<br />

1 000<br />

800<br />

600<br />

400<br />

200<br />

0<br />

95 96 97 98 99 00 01 02 03 04<br />

CH JP HK TH PH KO SG MY TW<br />

Source : IMF, Crédit <strong>Agricole</strong>, S.A.<br />

Le coût ne se limiterait donc pas aux pertes en capital encourues<br />

sur les réserves de change déjà accumulées. Dans le cas<br />

chinois toujours, une baisse <strong>du</strong> dollar contre yuan de 25 %<br />

impliquerait finalement aujourd’hui un coût supérieur à<br />

10 points de PIB. Ce montant est loin d’être négligeable, mais<br />

a priori gérable compte tenu <strong>du</strong> potentiel de croissance de la<br />

Chine. Enfin, le long délai de convergence de la Chine, à<br />

laquelle se joindront ensuite sur le même mode de développement<br />

d’autres pays comme l’Inde, suggère à Dooley et al. que<br />

ce régime monétaire et donc les déséquilibres financiers globaux<br />

actuels sont soutenables pendant plusieurs décennies.<br />

VIABILITÉ DU SMI : UNE COORDINATION<br />

SANS COOPÉRATION ?<br />

La thèse de ces auteurs ne pouvait évidemment laisser indifférents<br />

les spécialistes d’économie internationale. Dans sa critique,<br />

B. Eichengreen met notamment l’accent sur le risque d’un défaut<br />

de coordination entre les banques centrales asiatiques.<br />

À cet égard, à l’époque de Bretton Woods, le système en place<br />

était institutionnalisé. Lorsqu’au début des années 60, avec la<br />

détérioration patente des comptes extérieurs américains, le<br />

risque de dévaluation est devenu plus fort, les achats spéculatifs<br />

d’or contre dollar ont commencé à l’ébranler. Ce qui était<br />

indivi<strong>du</strong>ellement rationnel menaçait cependant la stabilité<br />

globale, l’intérêt collectif étant de maintenir l’ancrage <strong>du</strong> dollar<br />

à l’or. Synonyme de ralentissement aux États-Unis (9) , une<br />

dévaluation aurait également impacté à plusieurs titres la /...<br />

(9) Si on suppose des élasticités faibles des exportations et des importations, le pays<br />

aurait dû ré<strong>du</strong>ire son train de vie en consommant moins ; les taux d’intérêt<br />

seraient également montés avec l’inflation importée...<br />

61


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... périphérie émergente (Europe et Japon) : perte de compétitivité,<br />

ré<strong>du</strong>ction des débouchés extérieurs, pertes en capital sur<br />

les réserves. Afin de coordonner leurs actions, les banques<br />

centrales ont décidé de former un « pool de l’or » dont l’objectif<br />

était de maintenir la convertibilité en or <strong>du</strong> dollar au prix<br />

fixé par les accords de Bretton Woods. Afin de lutter contre<br />

les conséquences globalement néfastes de leur comportement<br />

respectif, les institutions ont mis en place des mécanismes<br />

pour promouvoir une collective.<br />

Aujourd’hui en Asie, la faiblesse des institutions régionales<br />

pourrait con<strong>du</strong>ire à des problèmes de coordination, faisant<br />

voler en éclat une alliance de pure circonstance. Le bloc Asie<br />

est loin d’être homogène en raison notamment des stades de<br />

développement très différents entre les pays. Si la Chine se<br />

trouve bien dans une logique de décollage économique et de<br />

rattrapage, ce n’est évidemment plus le cas <strong>du</strong> Japon. À cet<br />

égard, il faudrait creuser les motivations qui poussent l’archipel<br />

et les autres tigres d’Asie à jouer le jeu chinois...<br />

Un autre grand risque concerne les déséquilibres internes qui<br />

semblent se former aux deux extrémités <strong>du</strong> système. D’une<br />

part, l’inflation des bases monétaires domestiques en Asie a<br />

alimenté une croissance forte et rapide des agrégats de crédit<br />

dans toute la région. Ce flux de financement a servi aux secteurs<br />

pro<strong>du</strong>ctifs, parfois au prix d’une accumulation de surcapacités,<br />

mais il s’est également déversé sur les marchés immobiliers,<br />

avec une croissance immodérée des prix dans certains<br />

villes. La difficulté à stériliser les réserves de change en Asie<br />

appelle ainsi probablement d’autres politiques de change.<br />

D’autre part, de bas taux d’intérêt aux États-Unis ont eu tendance<br />

à gonfler une bulle obligataire et une bulle immobilière.<br />

Et surtout, le déficit courant américain se gonfle inexorablement<br />

sous l’influence conjointe d’une consommation<br />

privée toujours soutenue et <strong>du</strong> basculement des finances<br />

publiques d’un excédent de 2,5 % en 2000 à un déficit de<br />

4,5 % en 2004.<br />

Néanmoins, même un ajustement baissier important <strong>du</strong> dollar<br />

ne semble pouvoir autoriser un rééquilibrage suffisant des<br />

comptes extérieurs américains, compte tenu de contraintes<br />

d’ordre structurel qui insensibilisent une part <strong>du</strong> déficit commercial<br />

aux mouvements relatifs des prix des biens échangeables<br />

internationalement. Du côté des exportations, la perte<br />

de compétitivité de l’in<strong>du</strong>strie américaine s’est accompagnée<br />

d’un redéploiement de la base manufacturière en Asie, alors<br />

62


Les déséquilibres monétaires Chine/États-Unis<br />

I S A B E L L E J O B E T R É M Y C O N T A M I N<br />

que les échanges de services au niveau mondial, spécialité des<br />

États-Unis, ne progressent qu’à pas lents. La baisse <strong>du</strong> dollar<br />

ne pourrait inverser cette tendance structurelle.<br />

En revanche, ces changements au niveau de la spécialisation<br />

internationale impliquent que les importations américaines<br />

sont sensibles à la croissance de la demande interne et ce quel<br />

qu’en soit le prix (élasticité volume supérieure à l’élasticité<br />

prix), la base de pro<strong>du</strong>ction domestique n’étant plus adaptée à<br />

la demande de biens de consommation des ménages américains.<br />

Au final, les États-Unis ne pourront sans doute pas faire<br />

l’économie d’un ralentissement <strong>du</strong>rable, voire d’une récession<br />

(forcée ou non) pour restaurer leurs équilibres extérieurs.<br />

Pour limiter l’impact récessif global, un rééquilibrage de la<br />

croissance mondiale en direction des pays en position de<br />

créanciers nets internationaux serait souhaitable. Mais,<br />

comme le souligne M. Aglietta (10) , la résorption des déséquilibres<br />

actuels, selon un schéma progressif idéal, appelle une<br />

coordination au niveau mondial des politiques macroéconomiques<br />

qui a peu de chances de se pro<strong>du</strong>ire. Même si le pire<br />

n’est jamais certain, ceci semble laisser peu d’issue à moyen<br />

terme pour corriger les excès <strong>du</strong> système financier international.<br />

On ne doit donc pas négliger la possibilité d’un ajustement<br />

douloureux via un mouvement ample et désordonné des<br />

changes, accompagné d’un risque de récession mondiale.<br />

En définitive, la globalisation financière ne doit être ni diabolisée<br />

ni encensée. Elle a sans doute contribué à nourrir la<br />

croissance tout au long de la dernière décennie, et ce en dépit<br />

d’accidents de parcours qui, pris isolément, restent dramatiques<br />

(Amérique latine, Indonésie...).<br />

L’essor de la Chine sur la scène internationale rappelle que les<br />

pays émergents peuvent, en respectant préalablement certaines<br />

conditions et en s’ouvrant progressivement, tirer partie<br />

de l’intégration croissante des marchés des biens et <strong>du</strong> capital.<br />

Mais cette expansion a également alimenté de lourds déséquilibres.<br />

Certains ont été purgés dans la douleur, comme en<br />

témoigne la violence des crises financières à répétition dans<br />

les pays émergents. D’autres, on le sait, devront être tôt ou<br />

tard corrigés. La fuite en avant de l’économie américaine ne<br />

pourra se poursuivre indéfiniment sans déboucher sur un<br />

ajustement qui pourrait s’avérer périlleux (sa forme, son<br />

ampleur et son timing restant néanmoins très aléatoires et<br />

dans tous les cas imprévisibles). La globalisation financière<br />

semblant propice aux bulles et aux crises financières, il /...<br />

(10) Aglietta M., « La dangereuse fuite en avant de l’économie », Sociétal, n° 45,<br />

2004.<br />

63


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... convient d’agir soit de manière préemptive en freinant la<br />

montée des déséquilibres financiers, soit, le cas échéant, en<br />

stoppant les dynamiques cumulatives qui accompagnent leur<br />

débouclage. Dans un contexte d’interdépendances croissantes,<br />

les politiques macroéconomiques doivent donc être pensées à<br />

l’échelle mondiale. Mais pour arriver à ce degré de coopération<br />

internationale, des instances légitimes de gouvernance<br />

macroéconomique mondiale restent encore à inventer (ou à<br />

réinventer [11] )!<br />

(11) Le G7/8, qui n’accueille que la Russie comme pays émergents, émet effectivement<br />

des recommandations de politique macro-économique. Néanmoins, les déséquilibres<br />

financiers globaux ne cessant de gonfler, on peut s’interroger sur sa capacité<br />

à régenter l’économie mondiale. Ces allusions répétées quant à la<br />

sous-évaluation et à la manipulation des taux de change en Asie sont par exemple<br />

restées lettre morte.<br />

64


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

Agir en Chine<br />

Bon nombre de groupes in<strong>du</strong>striels<br />

et bancaires français sont d’ores<br />

et déjà implantés en Chine.<br />

Essilor et le Groupe Crédit <strong>Agricole</strong><br />

en sont deux exemples.<br />

Avec un point commun : l’expertise,<br />

fondée sur une expérience de longue date<br />

et sur la compréhension des mécanismes économiques<br />

et de la culture <strong>du</strong> pays.<br />

65


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

66


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

Essilor :<br />

l’exemple d’un succès<br />

en Chine<br />

I NTERVIEW DE XAVIER FONTANET<br />

PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL, ESSILOR INTERNATIONAL<br />

Depuis dix ans, Essilor déploie en Chine une stratégie d’implantation<br />

particulièrement dynamique. Pourriez-vous brièvement<br />

nous en retracer l’historique ? Quels objectifs successifs<br />

avez-vous poursuivis ?<br />

L’histoire d’Essilor en Chine a commencé il y a déjà dix ans.<br />

Nous avions décidé de nous déployer en 1994 hors des pays<br />

développés. Nous hésitions alors entre la Chine, l’Inde et la<br />

Russie.<br />

Notre choix s’est porté sur la Chine, parce qu’à l’époque nous<br />

avions eu des soucis en Russie et que l’Inde n’occupait pas le<br />

devant de la scène. Nous avions enfin eu vent de belles performances<br />

réalisées par deux ou trois entreprises françaises en<br />

Chine.<br />

Fallait-il acheter une grande entreprise chinoise qui fabriquait<br />

des verres ? Fallait-il s’engager seul ou en partenariat ? Finalement,<br />

nous avons décidé de pénétrer le marché en joint venture,<br />

en implantant une usine de verre organique, pro<strong>du</strong>it<br />

alors inconnu en Chine.<br />

Nous avons donc signé un partenariat avec l’une des quatre<br />

grandes banques <strong>chinoises</strong>, la Citicorp, sur une base de 75/25<br />

et avons démarré une usine. Nous avons opté pour la ville de<br />

Shanghai qui nous permettait de loger correctement nos expatriés.<br />

Les salaires y étaient plus élevés, mais faire venir des<br />

équipes de techniciens dans des contrées très éloignées n’était<br />

pas réaliste.<br />

Nous avons rapidement racheté les parts de notre partenaire<br />

pour avoir la main sur les stratégies et les opérations. /...<br />

67


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

Les autorités <strong>chinoises</strong> ont été, avec nous, en tout point d’une<br />

diligence remarquable. L’affaire s’est développée progressivement.<br />

Dans un premier temps, l’usine a eu une vocation<br />

essentiellement exportatrice. Nous avons d’abord cherché à<br />

créer une masse de pro<strong>du</strong>ction pour obtenir des coûts bas permettant<br />

d’attaquer ensuite le marché chinois.<br />

Quelles sont, pour vous, les particularités les plus étonnantes<br />

<strong>du</strong> marché chinois ? Quelles adaptations impliquent-elles<br />

pour votre entreprise ?<br />

Dans notre métier « un œil chinois est un œil européen. »<br />

Quel que soit l’endroit au monde, il s’agit toujours <strong>du</strong> même<br />

organe. Il y a beaucoup plus d’unité dans la vue que dans l’estomac.<br />

Un estomac n’est pas un estomac, les goûts ne sont<br />

pas identiques, par contre la vision demeure la même. En<br />

Chine, tous les gens sont myopes, parce que les yeux sont<br />

trop grands. Nous avons donc là un important marché de<br />

verres finis.<br />

Sur le plan de la dynamique, le marché a évolué d’un point de<br />

vie technologique beaucoup plus vite qu’on ne le pensait.<br />

Quand nous sommes arrivés, ce marché était essentiellement<br />

minéral (1) . En général, il faut compter une vingtaine d’années<br />

pour voir le marché passer <strong>du</strong> verre minéral au verre plastique.<br />

Dans le cas de la Chine, cela a pris seulement dix ans !<br />

Cette caractéristique nous a beaucoup étonnés, de même que<br />

la vitesse avec laquelle les concurrents locaux sont apparus. La<br />

Chine est un pays capable de créer des concurrents.<br />

La partie sera désormais plus sévère pour les acteurs chinois<br />

car Essilor est désormais partenaire <strong>du</strong> numéro 1 coréen.<br />

Aujourd’hui, nous pénétrons en effet le marché chinois par le<br />

biais d’un second canal avec une société coréenne partenaire,<br />

Chemi, qui s’attaque directement aux concurrents chinois, et<br />

ceci avec un succès qui nous étonne et nous ravit.<br />

Essilor occupe le haut <strong>du</strong> marché avec ses marques Essilor et<br />

Varilux(r). Chemi rentre en concurrence directe avec les Chinois<br />

et les autres Coréens. La stratégie à deux marques a complètement<br />

libéré Essilor qui ne cherche pas à tout couvrir, et<br />

Chemi sait aussi très clairement où se diriger et fait preuve<br />

d’une efficacité remarquable. Les Chinois aiment les pro<strong>du</strong>its<br />

coréens.<br />

Je suis donc confiant dans les perspectives <strong>du</strong> groupe sur le<br />

long terme. Nous sommes déjà leader en valeur. Nous pouvons<br />

l’être en volume fin 2006 ou dans le courant de 2007.<br />

1. Verres en « verre ».<br />

68


Essilor : l’exemple d’un succès en Chine<br />

X A V I E R F O N T A N E T<br />

Le débat sur les délocalisations reste vif dans le paysage social<br />

français. Sur ce registre, comment s’explique le choix d’Essilor<br />

de pro<strong>du</strong>ire en Chine et que répondriez-vous à vos éventuels<br />

détracteurs ?<br />

Essilor a commencé à délocaliser il y a trente ans parce que<br />

l’un de nos concurrents japonais, Hoya, avait développé ses<br />

usines en Thaïlande pour attaquer l’Europe.<br />

Bien sûr, cette décision ne fut pas facile à prendre pour nos<br />

prédécesseurs. Tout le monde disait : « Pourquoi allez-vous<br />

vous fatiguer dans ces aventures lointaines ? Essilor fait de<br />

l’argent ! Prenez votre temps ! » Heureusement, ces choix ont<br />

été faits il y a trente ans ! Depuis quinze ans, nous avons<br />

amplifié cette politique.<br />

Aujourd’hui 70 % de notre pro<strong>du</strong>ction de verres finis et semifinis<br />

viennent de la délocalisation – que je préfère appeler<br />

relocalisation – La finition des verres, elle se fait toujours en<br />

Europe et aux États-Unis localement. Nous gardons une<br />

importante valeur ajoutée locale qui est même en croissance,<br />

puisque les verres sont de plus en plus sophistiqués.<br />

Tout cela s’est passé de manière harmonieuse et les effectifs<br />

français ont toujours été légèrement croissants. Il y a eu un<br />

énorme changement dans la composition des effectifs. Nous<br />

avons de plus en plus d’ingénieurs, d’informaticiens, de commerçants<br />

et de logisticiens et il est certain que la population<br />

ouvrière a décrû.<br />

Il va sans dire que sans la délocalisation, Essilor n’existerait<br />

plus ou serait au mieux une société faible !<br />

On entend des choses très inexactes sur la délocalisation. Sur<br />

un plan général, en France, on s’y est souvent pris trop tard,<br />

et c’est la raison pour laquelle cela se passe mal... Mais si l’on<br />

anticipe, on se fait également mal voir. Les gens n’agissent<br />

que dans la nécessité et ne voient la nécessité que dans la<br />

crise.<br />

La délocalisation est un phénomène qui touche tout le<br />

monde. C’est un fait, ce n’est pas un objet de débat.<br />

Je rappelle toujours que nous avons réalisé ces relocalisations<br />

sur trente ans. Cela n’a pas été fait brutalement, mais de<br />

manière progressive, en laissant aux gens le temps de s’adapter.<br />

Le vrai sujet dans toute cette affaire est d’avoir des systèmes<br />

é<strong>du</strong>catifs qui permettent aux enfants d’ouvriers de devenir<br />

ingénieurs ou commerçants. En s’y prenant à l’avance on a<br />

largement le temps d’y parvenir.<br />

C’est vrai au niveau de l’entreprise comme au niveau <strong>du</strong> pays. /...<br />

69


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... Quel accompagnement attendez-vous d’une banque dans la<br />

con<strong>du</strong>ite de votre développement international ?<br />

Nous sommes une société très peu endettée. Nous investissons<br />

surtout à partir de nos fonds propres, mais il est évident que<br />

de grandes banques aux raisonnements mondiaux se révèlent<br />

être d’une grande aide, que ce soit pour les prêts à court<br />

terme, la trésorerie et tout ce qui est couverture de change.<br />

Nous nous sentons confortables avec nos banques en France.<br />

Le Crédit <strong>Agricole</strong> en particulier nous connaît très bien et<br />

nous accompagne depuis longtemps partout dans le monde.<br />

Comment expliquez-vous votre réussite en Chine et quels<br />

enseignements tirez-vous de votre expérience ?<br />

La réussite n’est pas acquise bien sûr, mais je trouve que c’est<br />

bien parti ! Chaque marché est différent, chaque clientèle est<br />

différente, mais fondamentalement l’économie de marché est<br />

en train de se développer partout en Chine. On se retrouve<br />

très rapidement en terrain concurrentiel.<br />

Je pense que nous avons pris le problème par le bon bout – en<br />

pro<strong>du</strong>cteur, en direct – l’approche avec deux canaux est un<br />

coup d’accélération formidable. Nous allons commencer à<br />

pousser avec nos laboratoires de proximité pour nos verres<br />

progressifs. Ce sera la troisième étape de l’implantation d’Essilor<br />

en Chine.<br />

Les échanges commerciaux franco-chinois restent fortement<br />

déséquilibrés, en faveur de la Chine. Comment l’expliquezvous<br />

? Est-ce le résultat d’une politique commerciale française<br />

plutôt pensée en termes de grands contrats ? Les PME françaises<br />

s’impliquent-elles suffisamment dans la dynamique chinoise<br />

?<br />

Les échanges sont inégaux. La monnaie est si bon marché que<br />

c’est un déséquilibre tout à fait normal.<br />

Vous dites que la politique commerciale française est fondée<br />

sur les grands contrats. C’est vrai que la France est très performante<br />

dans les domaines de l’équipement, de l’énergie, des<br />

transports, et dans tout ce qui est services aux collectivités,<br />

mais on constate aussi la présence de nombreuses PME.<br />

Les Français sont très dégourdis quand ils opèrent à l’international,<br />

surtout dans les pays compliqués où il faut faire preuve<br />

d’initiative. Il y a certainement un retard que nous devons<br />

combler. Les aventures comme celle d’Essilor montrent que<br />

cela est possible.<br />

70


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

LE GROUPE CRÉDIT AGRICOLE EN CHINE<br />

Calyon en Chine<br />

I NTERVIEW<br />

D’HERVÉ DE FRESCHEVILLE<br />

RESPONSABLE DE LA BANQUE CALYON EN CHINE<br />

La Chine ambitionne de se doter d’un système bancaire et<br />

financier efficace. Après une première vague de réformes et<br />

des résultats insuffisants, une nouvelle phase plus incisive est<br />

en cours. Quelles en sont les avancées les plus significatives ?<br />

Avec quelles répercussions concrètes sur les activités d’une<br />

banque étrangère ?<br />

La création de la China Banking Regulatory Commission<br />

(CBRC) dirigée par Liu Mingkang, un banquier chevronné et<br />

reconnu, a amené une accélération des réformes <strong>du</strong> système<br />

bancaire. L’entrée dans l’OMC et l’instauration d’une période<br />

de transition jusqu’à la fin 2006, avant l’ouverture totale <strong>du</strong><br />

marché aux banques étrangères, facilitent la tâche de cette<br />

institution dont le souci est de professionnaliser ce secteur<br />

vital de l’économie. Cependant, il ne faut pas sous-estimer le<br />

puissant lobbying des banques locales à l’encontre des<br />

banques étrangères et l’imagination des Chinois pour préserver<br />

leur pré carré.<br />

L’une des avancées les plus significatives a été la recapitalisation<br />

de deux grandes banques <strong>chinoises</strong> BOC et CCB (22,5<br />

mds USD chacune) (1) . Il faut également mentionner le respect<br />

plus rigoureux des consignes gouvernementales par les<br />

banques. Nous l’avons par exemple constaté en mai dernier,<br />

avec la décision <strong>du</strong> gouvernement de limiter les prêts aux secteurs<br />

en surchauffe et l’apparition de problèmes de financement.<br />

Enfin, nous observons que nos interlocuteurs sont<br />

aujourd’hui plus attentifs aux risques. Le président Liu a de<br />

nouveau insisté auprès des banques locales pour qu’elles suivent<br />

les procé<strong>du</strong>res de management <strong>du</strong> risque inscrites dans<br />

les accords de Bâle II.<br />

Les banques étrangères ont elles aussi bénéficié de quelques<br />

avancées. Sur le plan géographique, cinq nouvelles villes leur /...<br />

1 La recapitalisation des banques ICBC et ABC est également envisagée.<br />

71


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

ont été ouvertes en décembre 2003 pour les financements en<br />

monnaie locale, à savoir Pékin, Kunming, Xiamen, Xian et<br />

Shenyang. Sur le plan des pro<strong>du</strong>its, le marché des dérivés leur<br />

est devenu accessible, ainsi que la vente de pro<strong>du</strong>its d’assurance.<br />

Dans le même temps, de nouvelles normes freinent les<br />

velléités des banques étrangères : quotas de financement offshore<br />

pour ces banques, ou de volumes de trading en RMB<br />

pour accéder aux couvertures à terme en RMB, ou bien<br />

encore de plafond sur le marché monétaire en fonction de<br />

leur capital local. En Chine, nous sommes donc toujours dans<br />

une période de transition au profit des banques locales.<br />

Un appel officiel a été lancé aux banques étrangères de renom<br />

par les autorités <strong>chinoises</strong>. Quelles raisons voyez-vous à cette<br />

recherche active d’investisseurs stratégiques ?<br />

La recherche de partenaires étrangers appartient à cette vision<br />

chinoise qui tend à considérer les banquiers extérieurs comme<br />

un aiguillon pouvant aider à la restructuration des banques<br />

locales, à la mise en place de méthodes de management, au<br />

développement des affaires. La participation étrangère autorisée<br />

reste minoritaire, avec un plafond à 25 % et il est peu<br />

probable que ce pourcentage augmente. L’expérience de l’Europe<br />

de l’Est, dont le secteur bancaire est maintenant aux<br />

mains des étrangers, a fait réfléchir les autorités de ce pays.<br />

L’expérience internationale de Calyon et votre propre expertise<br />

vous permettent-elles d’établir une comparaison entre la<br />

modernisation <strong>du</strong> système bancaire chinois et celle intervenue<br />

dans d’autres pays ?<br />

Les Chinois ont bien compris qu’il fallait se doter d’une économie<br />

moderne et puissante pour espérer compter sur le plan<br />

de la politique internationale. Si la réforme des sociétés d’Etat<br />

(SOE) a été bien engagée sous le précèdent gouvernement,<br />

celle <strong>du</strong> système bancaire n’a pas accompli de progrès<br />

notables, en dépit de la création des structures de défaisance.<br />

Avec la mise en place de la Commission bancaire, avec un<br />

suivi et une action <strong>du</strong> Conseil d’État, le nouveau gouvernement<br />

a désormais réellement pris la question à son plus haut<br />

niveau et entrepris de réformer. Chacun sait que la banque est<br />

un « mal nécessaire » mais qu’elle n’en demeure pas moins un<br />

maillon essentiel pour soutenir l’économie et la croissance.<br />

En me référant à l’Indonésie que je connais mieux, je soulignerai<br />

que les dirigeants chinois ont une vision à la fois stratégique<br />

et à long terme. Pragmatiques et bien renseignés, car<br />

voyageant beaucoup, ils savent parfaitement comment<br />

con<strong>du</strong>ire des réformes, en choisir le rythme et surtout préser-<br />

72


Calyon en Chine<br />

H E R V É D E F R E S C H E V I L L E<br />

ver leurs intérêts nationaux. Un dérapage est toujours possible,<br />

mais depuis des décennies, ils ont montré qu’ils savaient<br />

naviguer de Charylde en Scylla. Au lieu de financer les SOE<br />

par déficit public, ils ont fait en sorte que les banques se substituent<br />

à l’Etat, suscitant ainsi de mauvaises habitudes qu’il<br />

est aujourd’hui difficile de modifier rapidement.<br />

Le concept de « Grande Chine » englobe Hong Kong, la Chine<br />

continentale et Taiwan, soit trois pôles ayant leur propre<br />

dynamique bancaire. De fortes convergences apparaissent, par<br />

exemple en termes de flux. Quelle évolution pourrait-on imaginer<br />

dans les prochaines années ?<br />

Effectivement, des flux de plus en plus importants transitent<br />

depuis Taiwan vers la Chine, avec notamment des investissements<br />

qui changent de taille, dans le domaine de l’électronique<br />

avec des fonderies pour composants (plusieurs centaines<br />

de millions de $ l’unité), dans le secteur chimique...<br />

Les flux allant de Hong Kong vers la Chine sont également<br />

substantiels mais « pollués » par les incitations fiscales instaurées<br />

par les Chinois pour attirer les investissements étrangers.<br />

En effet, ce dispositif est tel qu’il pousse bon nombre d’entreprises<br />

<strong>chinoises</strong> à créer leurs structures « off-shore » pour en<br />

bénéficier.<br />

À mon sens, la volonté des autorités <strong>chinoises</strong> est en fait de<br />

montrer que le dogme « un pays, deux systèmes « fonctionne<br />

bien avec Hong Kong, surtout tant que Taiwan n’a pas rejoint<br />

le giron chinois. Pékin n’a pas intérêt à précipiter le transfert<br />

de compétences bancaire et financière de Hong Kong (au<br />

risque de déstabiliser Hong Kong) vers Shanghai, même si les<br />

Chinois sont capables d’assumer un tel transfert, en créant<br />

notamment à Shanghai le même environnement juridique et<br />

comptable.<br />

Imaginer la situation pour les années à venir n’est pas chose<br />

aisée. Il est cependant probable que le RMB sera de plus en<br />

plus utilisé à Hong Kong, et de fait convertible. Quant à<br />

envisager, une même parité puis une même monnaie... D’ici<br />

là, il faudra que les Chinois aient une véritable politique<br />

monétaire. Pour le moment, ils ont d’autres priorités et<br />

n’agissent jamais sous la pression.<br />

Les banques étrangères implantées en Chine n’y détiennent<br />

encore qu’une part marginale <strong>du</strong> marché. L’ouverture <strong>du</strong><br />

marché prévue fin 2006 apportera-t-elle de nouvelles opportunités<br />

? Avec quelles contraintes ? Et pour quelles banques ?<br />

En ouvrant certains secteurs un peu trop rapidement dans le<br />

passé, les Chinois ont vu leur marché capturé par les étrangers /...<br />

73


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... (exemple de Procter&Gamble). Ils en tiré les leçons. À ce<br />

titre, la « mauvaise expérience » d’autres pays comme la<br />

Pologne où les banques sont, dit-on, à 80 % aux mains des<br />

étrangers, les incite à la prudence. Les Chinois admettent fort<br />

bien qu’un étranger puisse gagner de l’argent en Chine, mais<br />

de manière discrète et raisonnable. Les déclarations de certaines<br />

grandes banques étrangères faisant de la Chine leur terrain<br />

de chasse ont eu le don d’irriter le nationalisme chinois.<br />

Ce pays dit « oui » au développement des entreprises étrangères,<br />

si celui-ci est contrôlé par les Chinois et à condition<br />

que des champions locaux, ayant appris des étrangers, émergent<br />

et atteignent de surcroît une stature internationale.<br />

Quelles contraintes faut-il intégrer ? Il y a toujours en Chine<br />

un rapport de force, de puissance. Toutes les banques étrangères<br />

veulent venir en Chine, ce que ne souhaitent pas forcément<br />

les Chinois qui savent aussi que les stratégies des étrangers<br />

à leur égard peuvent fluctuer. Ceci explique pourquoi ils<br />

sont intéressés par l’arrivée des plus grandes banques mondiales<br />

et pourquoi ils placent la barre, en termes de taille de<br />

bilan et de capital à investir, à un niveau élevé, bien plus<br />

élevé que dans tous les autres pays. En France, un capital de<br />

5 millions d’euros suffit pour obtenir une licence de banque<br />

universelle et pouvoir ouvrir autant d’agences qu’on le souhaite.<br />

En Chine, il faut investir 12 millions USD par agence<br />

ouverte, ce qui ouvre droit à une licence, par exemple pour<br />

travailler en devises avec des multinationales. Il faut à nouveau<br />

y ajouter 12 millions USD pour chaque licence supplémentaire.<br />

Le pays est donc ouvert à ceux ayant une stratégie à<br />

long terme et de l’argent.<br />

Le marché porteur de la banque de détail intéresse aujourd’hui<br />

les banques étrangères. Est-ce à juste titre ? Avec quels<br />

arbitrages ?<br />

La banque de détail chinoise fait rêver bon nombre d’établissements<br />

bancaires étrangers. On le comprend, compte tenu de<br />

l’importance de la population. Une population de consommateurs<br />

de l’ordre de 200 millions d’indivi<strong>du</strong>s, dont la moitié<br />

consomme régulièrement. Cette tranche de population croît<br />

rapidement, de l’ordre de 10 millions par an. Deux millions<br />

de personnes gagnent plus de 2 300 euros/mois, 10 millions<br />

gagnant plus de 1000 euros et 65 millions entre 500 et 1000<br />

euros par mois. Les Chinois épargnent également beaucoup :<br />

le taux d’épargne (40 % des revenus) est le plus élevé au<br />

monde après le Japon. Par ailleurs, les riches sont « très »<br />

riches.<br />

À ce jour, l’arbitrage que peut réaliser une banque étrangère<br />

74


Calyon en Chine<br />

H E R V É D E F R E S C H E V I L L E<br />

est le suivant : soit elle crée son propre réseau en satisfaisant<br />

aux conditions requises (60 millions USD par agence), ce qui<br />

ne favorise pas les économies d’échelle compte tenu <strong>du</strong><br />

nombre limité d’agences ; soit elle investit dans une banque<br />

locale, en sachant qu’elle y restera minoritaire. Les grandes<br />

banques universelles choisissent aujourd’hui les deux options.<br />

Le Groupe Crédit <strong>Agricole</strong> est présent en Chine, essentiellement<br />

au travers de sa filiale Calyon (voir encadré). Quelle est<br />

la position de Calyon face aux autres banques étrangères exerçant<br />

dans ce pays. Quels sont ses avantages compétitifs ?<br />

Calyon bénéficie en Chine d’une très bonne réputation liée à<br />

une longue expérience dans le pays. Sa présence remonte à<br />

1981 et Calyon est souvent perçu comme pionnier, dans les<br />

domaines <strong>du</strong> financement d’avions, de projets ou de syndication/financements<br />

en monnaie locale. Nous sommes situés<br />

dans le deuxième tiers puisque nos activités sont focalisées sur<br />

le corporate, tandis que d’autres banques se sont tournées vers<br />

le particulier ou davantage vers la clientèle chinoise. Nous<br />

avons la réputation de bien suivre notre clientèle étrangère et<br />

d’être dynamique. Sur le plan opérationnel, nous appliquons<br />

les standards internationaux de management et apportons par<br />

conséquent une plus grande sécurité par rapport aux banques<br />

<strong>chinoises</strong>.<br />

Quel bilan pourriez-vous dresser de votre pratique de la<br />

banque en Chine ?<br />

Nous sommes encore dans un pays d’hommes et pas encore<br />

dans un pays de droit, même s’il existe une abondante législation<br />

(l’exequatur d’une décision de justice, voire d’un jugement,<br />

peut sembler aléatoire, et en tout cas loin d’être uniformément<br />

compris). Nous sommes aussi dans un pays où rien<br />

n’est figé et où l’intention est importante. Du côté des autorités,<br />

la qualité des interlocuteurs est de plus en plus grande et<br />

leur souci de trouver des solutions de plus en plus marqué. Le<br />

dialogue dans le respect est une nécessité pour que les choses<br />

avancent. Les opportunités d’affaires sont multiples et le véritable<br />

souci de reconnaissance recherché par les Chinois sur le<br />

plan international engendre une relative protection de vos<br />

intérêts.<br />

En quoi la pratique de la banque à l’internationale est-elle<br />

différente dans ce pays ?<br />

La réglementation, en particulier celle des changes, est sujette<br />

à interprétation <strong>du</strong> fait de la persistance de zones grises et<br />

d’une règle qui veut que ce qui n’est pas interdit est autorisé. /...<br />

75


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... Les nombreux éclaircissements fournis font trop rarement<br />

l’objet d’écrit et les interlocuteurs changent. Il est donc<br />

important d’avoir une bonne relation et une relation suivie<br />

avec les organismes qui travaillent avec notre banque. C’est<br />

une nécessité pour pouvoir arguer de notre bonne foi, au cas<br />

où une interprétation différente serait ultérieurement retenue.<br />

En Chine, une décision est souvent prise après un large<br />

consensus, d’où notre difficulté à obtenir des réponses précises<br />

et rapides. Mais là encore, l’esprit qui préside à telle ou<br />

telle opération reste primordial.<br />

La notion de soutien abusif ou de retrait abusif de crédit<br />

n’existe pas comme en France et pour le banquier, c’est une<br />

sorte de soulagement. La Chine reste cependant un pays où<br />

une vigilance de tous les instants est de mise, où les bilans, en<br />

caricaturant un peu, sont ceux que vous voulez bien voir,<br />

mais où seront les multinationales de demain. L’ambition des<br />

Chinois d’avoir 100 entreprises parmi les 500 plus grandes<br />

entreprises mondiales n’est pas un vain mot, et je suis<br />

convaincu qu’ils y parviendront plus rapidement que les<br />

Occidentaux ne l’imaginent. Il est proche aussi le temps où de<br />

grands noms européens seront rachetés par des entreprises<br />

<strong>chinoises</strong> (2) .<br />

Quel accompagnement Calyon assure-t-il sur le marché chinois<br />

pour les entreprises françaises clientes des Caisses régionales ?<br />

Nous avons vocation à accompagner tous les clients <strong>du</strong><br />

Groupe en Chine. Nous les recevons donc tous de la même<br />

façon et n’hésitons pas à les guider dans les méandres de ce<br />

pays, à les mettre en contact avec les personnes pouvant aider<br />

leurs démarches, à agir comme banquier. Il est tout aussi<br />

important, et les clients le comprennent bien, que le suivi soit<br />

fait en liaison rapprochée avec les Caisses régionales qui agissent<br />

en tant que pilote de la relation et qui sont les mieux à<br />

même d’analyser le risque. Car la Chine reste une aventure<br />

dans laquelle il faut, et à moyen terme, investir des moyens<br />

financiers et humains. Une aventure qui s’avère aujourd’hui<br />

indispensable à un nombre croissant d’entreprises.<br />

2. Ndlr : Début décembre 2004, IBM a cédé sa division PC au groupe chinois Lenovo,<br />

pour 1,75 mds USD, en numéraire, actions et reprise de dette. Le constructeur<br />

chinois s’offre ainsi une présence dans 160 pays et se hisse à la 3 e place mondiale.<br />

76


Calyon en Chine<br />

H E R V É D E F R E S C H E V I L L E<br />

LES ACTIVITÉS DE CALYON EN CHINE<br />

• Héritier d’une longue présence séculaire en Chine (Banque d’Indochine,<br />

1875), le réseau de Calyon en Chine comprend aujourd’hui les cinq succursales<br />

de Pékin, Shanghai, Canton, Xiamen et Tianjin ainsi que le bureau de représentation<br />

de Shenzhen (1) .<br />

• Les équipes de Calyon y exercent des activités de marchés de capitaux et de<br />

banque de financement et investissement. En Chine, Calyon a mené à bien de<br />

nombreux projets de financement et a été l’une des premières banques étrangères<br />

à obtenir la licence pour les opérations en renminbi, la devise chinoise.<br />

• Le Groupe a développé ses activités sur la Chine continentale en « off-shore », à<br />

partir de Hong Kong et dans trois grands métiers : les marchés de capitaux (70 %<br />

<strong>du</strong> PNB 2003, essentiellement pour les entités souveraines et les banques<br />

publiques et aujourd’hui pour quelques entreprises), les financements structurés<br />

et spécialisés (énergie, télécommunications, infrastructures, bateaux/avions,<br />

financement export des groupes européens) et la banque commerciale, indispensable<br />

à la relation au quotidien.<br />

• Notons enfin qu’un peu moins de 200 personnes travaillent actuellement pour<br />

le Groupe en Chine continentale.<br />

CLSA, filiale de Calyon basée à Hong Kong et leader reconnu en courtage actions<br />

en Asie, est présent en Chine depuis 1993 à travers ses bureaux de Pékin, Shanghai<br />

et Shenzhen.<br />

CLSA est renommé pour l’indépendance et la qualité de sa recherche, une référence<br />

pour les investisseurs institutionnels, les courtiers et les banques d’investissement<br />

de la zone. En Chine, la recherche CLSA a été classée numéro 2 en 2003<br />

par Asiamoney. De plus, CLSA a créé avec Xiangcai Securities, la joint-venture<br />

CESL (China Euro Securities Limited), dotée d’une licence domestique lui permettant<br />

de monter des intro<strong>du</strong>ctions en Bourse. Pour compléter ce champ d’intervention,<br />

une licence de courtage d’« actions A » a récemment été sollicitée.<br />

(1) Calyon est également implanté à Hong Kong, en tant qu’agence dédiée au marché local mais<br />

également en tant que siège régional gérant les activités de la banque dans les treize pays <strong>du</strong><br />

réseau Asie-Pacifique.<br />

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N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

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N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

LE GROUPE CRÉDIT AGRICOLE EN CHINE<br />

Crédit <strong>Agricole</strong> Asset Management<br />

se tourne vers la Chine<br />

I NTERVIEW DE JEAN-YVES COLIN<br />

DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT<br />

DE CRÉDIT AGRICOLE ASSET MANAGEMENT (CA-AM)<br />

Pourriez-vous dresser un rapide historique <strong>du</strong> développement<br />

international de CA-AM ?<br />

Le développement international de CA-AM est le fruit de son<br />

histoire. En 1997, un premier rapprochement entre Segespar,<br />

filiale de gestion d’actifs de Crédit <strong>Agricole</strong> S.A. et d’Indosuez<br />

Asset Management, filiale <strong>du</strong> même métier de la banque<br />

Indosuez, permet à Indocam, la nouvelle entité née de cette<br />

fusion, de tirer parti de l’expérience acquise sur les marchés<br />

internationaux, notamment en Asie. Pour autant, entre 1997<br />

et 1999, les centres de gestion asiatiques restent essentiellement<br />

Hong Kong et Singapour, deux implantations dont le<br />

réel succès tenait à la vente de pro<strong>du</strong>its Asie émergente, ainsi<br />

que le Japon.<br />

Hormis l’Asie, Indocam poursuit, <strong>du</strong>rant toute cette période,<br />

sa croissance en Europe. En effet, la banque Indosuez avait<br />

commencé à développer des centres de gestion d’actifs,<br />

notamment en Espagne et en Italie. De plus, Segespar et<br />

Indosuez Asset Management avaient, tout au long de leur histoire<br />

respective, cherché à conquérir des clients étrangers via<br />

leurs équipes internationales basées à Paris.<br />

Une seconde phase de développement se dessine à partir de<br />

1999. D’une part, Indocam et Crédit <strong>Agricole</strong> Indosuez<br />

entreprennent une consolidation de leurs bases européennes,<br />

en Espagne et en Italie, grâce à la création de joint ventures.<br />

D’autre part, Indocam décide de s’implanter à Londres, pour<br />

y installer à la fois une équipe de gérants obligataires internationaux,<br />

des analystes et une partie de sa structure alternative,<br />

Crédit <strong>Agricole</strong> Alternative Investment Pro<strong>du</strong>cts (CA AIPG).<br />

Enfin, Indocam prend l’initiative de relancer son développement<br />

asiatique en s’appuyant sur les structures existantes. /...<br />

79


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

Cette seconde phase va s’étendre sur quatre années et correspondre<br />

à des investissements qui porteront leurs fruits dès<br />

2002. Entre-temps, Indocam est devenu Crédit <strong>Agricole</strong> Asset<br />

Management (CA-AM) (1) , nouvelle dénomination née en 2001<br />

qui marque la volonté <strong>du</strong> Groupe d’amplifier ses développements<br />

dans le domaine de la gestion d’actifs et permet à la<br />

nouvelle entité de capitaliser sur la notoriété <strong>du</strong> nom Crédit<br />

<strong>Agricole</strong>, notamment à l’international.<br />

Quelles priorités avez-vous jusqu’à présent retenues en Asie ?<br />

Notre développement asiatique a été relancé à partir de 1999,<br />

depuis le Japon. À cette époque, la question s’est posée de<br />

savoir si notre présence devait ou non y être maintenue. Nous<br />

y sommes finalement restés et avons sollicité une licence pour<br />

y vendre des pro<strong>du</strong>its de gestion à des particuliers.<br />

Nous avons donc conclu un accord de partenariat avec Daiwa<br />

Bank Holdings, qui a elle-même ensuite fusionné avec Asahi<br />

Bank, pour constituer Resona, le cinquième groupe bancaire<br />

nippon.<br />

Ce partenariat a largement contribué à la vente de pro<strong>du</strong>its<br />

structurés et alternatifs, désormais assurée à travers trois pôles<br />

de distribution : principalement le groupe Resona que je viens<br />

de mentionner, les banques régionales et enfin les courtiers.<br />

Ce développement japonais nous a montré que l’on pouvait<br />

vendre des pro<strong>du</strong>its de gestion collective en direct, non seulement<br />

à des investisseurs institutionnels, mais aussi à des particuliers<br />

comme le font en France les réseaux Crédit <strong>Agricole</strong> et<br />

Crédit Lyonnais, à travers des distributeurs tiers.<br />

Nous avons ensuite cherché à renouveler cette expérience en<br />

Corée, en créant une société commune de gestion de portefeuille<br />

avec NACF (National Agricultural Cooperative Federation),<br />

une des principales institutions financières coréennes.<br />

Cette joint venture (40 % CA-AM, 60 % NACF) née en avril<br />

2003 est un succès. Elle a une double fonction : d’une part,<br />

être un centre de gestion externalisé pour le compte de NACF<br />

(nous apportons notre expertise à la fois en termes de gestion<br />

et de supports organisationnels ou techniques), d’autre part,<br />

servir de base de développement commercial auprès des<br />

réseaux de NACF, des investisseurs institutionnels et des<br />

entreprises proches de cette banque. Ce qui ne nous empêche<br />

pas, à travers CA-AM Hong Kong, de vendre nos pro<strong>du</strong>its aux<br />

institutionnels coréens, de manière totalement indépendante.<br />

1. Suite au rapprochement entre Crédit <strong>Agricole</strong> et Crédit Lyonnais, une nouvelle<br />

société de gestion d’actifs combinant les forces, expertises et savoir-faire respectifs<br />

de ces deux entités a été créée le 1 er juillet 2004<br />

80


Crédit <strong>Agricole</strong> Asset Management se tourne vers la Chine<br />

J E A N - Y V E S C O L I N<br />

Par ailleurs, les orientations stratégiques mises en œuvre par<br />

nos équipes de Hong Kong et Singapour ont aussi évolué<br />

<strong>du</strong>rant la période 1997-2004. Ces équipes fabriquaient des<br />

pro<strong>du</strong>its Asie <strong>du</strong> Sud-Est, à très grande majorité actions. Ils<br />

étaient ven<strong>du</strong>s par des commerciaux européens, à des institutionnels<br />

européens notamment d’Europe <strong>du</strong> Nord, et accessoirement<br />

à des institutionnels japonais et américains. Cette<br />

activité a faibli dans le temps, la période 1997-2004 ayant été<br />

marquée, en Asie, par une succession de crises.<br />

À partir de 1999-2000, nous avons opté pour une autre stratégie<br />

: constituer une base commerciale propre à Hong Kong<br />

et Singapour pour solliciter des investisseurs institutionnels<br />

de la région, cette dernière étant comprise au sens large<br />

comme allant de la Corée <strong>du</strong> Sud jusqu’à la pointe sud de<br />

l’Asie <strong>du</strong> Sud-Est. Ce long travail est aujourd’hui récompensé<br />

puisque notre clientèle comprend désormais de grands institutionnels<br />

asiatiques.<br />

Les banques étrangères s’intéressent aujourd’hui aux marchés<br />

naissants, dont la Chine. Le Crédit <strong>Agricole</strong>, déjà implanté<br />

dans ce pays à travers sa filiale Calyon, pourrait être la prochaine<br />

banque occidentale à se développer sur le marché chinois<br />

de la gestion d’actifs. Vous avez en effet récemment<br />

annoncé être à la recherche d’un partenaire local sur ce marché.<br />

Quelles précisions pouvez-vous apporter à ce sujet ?<br />

Pour CA-AM, l’éventualité d’un projet chinois est apparue fin<br />

2003-début 2004, au vu de trois constats. Le premier tient<br />

naturellement au potentiel immense offert par ce pays en très<br />

forte croissance aux établissements bancaires étrangers. Qui<br />

aurait cette forme d’audace de ne pas s’y intéresser ? Il est<br />

aujourd’hui banal de le rappeler, même s’il faut se garder<br />

d’assimiler la croissance économique chinoise et le développement<br />

de son secteur bancaire et financier. Ce sont deux univers<br />

distincts. Nous avons d’un côté un gigantesque pôle de<br />

1,3 milliard d’indivi<strong>du</strong>s en plein boom économique, in<strong>du</strong>striel<br />

et commercial – un boom visible dont la presse occidentale<br />

rend compte – et de l’autre côté, l’évolution progressive<br />

d’un système bancaire et financier à l’origine totalement<br />

public et dont l’actuelle configuration résulte, d’une certaine<br />

manière, <strong>du</strong> démembrement il y a vingt ans des structures et<br />

fonctions des autorités financières <strong>chinoises</strong>.<br />

Le second constat est qu’il ne nous semble pas, aujourd’hui,<br />

raisonnable de penser qu’on puisse être présent à Hong Kong,<br />

tout en ignorant la Chine continentale. Notre présence à<br />

Hong Kong doit prendre son sens au regard même de la clientèle<br />

chinoise. Dans ce contexte, et au vu de nos expériences /...<br />

81


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... réussies au Japon et en Corée, la question d’une société de<br />

gestion d’actifs en Chine s’est tout naturellement posée pour<br />

nous. Notre présence à Hong Kong nous a permis de mieux<br />

connaître la Chine, ses investisseurs et ses besoins et parallèlement,<br />

de mieux percevoir ce qui pouvait y être éventuellement<br />

réalisé. Il est clair que dans ce pays, rien ne peut être<br />

fait en agissant seul. La réglementation ne l’autorise pas et<br />

quand bien même elle le ferait, cette stratégie serait probablement<br />

absurde, au sens pratique <strong>du</strong> terme. Cela signifie donc<br />

pour CA-AM la recherche d’un partenaire local pour créer<br />

une joint venture dans un environnement réglementaire en<br />

rapide mutation mais toujours incertain. C’est bien cette<br />

démarche que nous avons entamée en approchant divers opérateurs<br />

: des sociétés d’assurances, d’in<strong>du</strong>strie, de courtage et<br />

des sociétés que l’on pourrait qualifier de « développement<br />

régional ». Une récente évolution de la réglementation permet<br />

désormais aux grandes banques commerciales <strong>chinoises</strong> d’envisager<br />

la création d’une société de gestion d’actifs en partenariat<br />

avec une banque étrangère. Par conséquent, nous<br />

explorons aussi cette piste.<br />

Plus concrètement, qu’est-ce que la gestion d’actifs aujourd’hui<br />

en Chine ?<br />

Nous ne considérons pas devoir obligatoirement réitérer exactement<br />

en Chine notre modèle japonais ou coréen. Chaque<br />

pays a ses propres particularités. Ainsi, je crois qu’il faut<br />

observer avec circonspection la création d’une nouvelle<br />

société dans un pays qui reste relativement pauvre, où les<br />

inégalités sociales sont importantes. L’épargne y est ou bien<br />

extraordinairement investie en dépôts bancaires simples ou<br />

bien, de façon plus spéculative, sur des pro<strong>du</strong>its actions avec<br />

des titres cotés ayant des très hauts et éventuellement... des<br />

très bas. Ce n’est donc pas un marché de la gestion d’actifs<br />

entièrement mûr, ce dont témoignent les chiffres : au troisième<br />

trimestre 2004 et pour les fonds collectifs, le marché<br />

représentait un peu plus de 36 mds USD d’actifs sous gestion,<br />

auxquels il faut ajouter les mandats des institutionnels estimés<br />

à deux fois ce montant. Ce qui représente par conséquent un<br />

total d’environ 100 Mds de dollars. Ce marché est certes en<br />

forte croissance, si l’on compare ces 36 mds USD aux 21 mds<br />

USD <strong>du</strong> même trimestre 2003, mais en dépit de ces progrès,<br />

les montants restent modestes par rapport aux importants<br />

gisements d’épargne que constituent l’Europe, les Etats-Unis,<br />

le Japon, voire la Corée, et au regard de la masse de la population<br />

correspondante.<br />

82


Crédit <strong>Agricole</strong> Asset Management se tourne vers la Chine<br />

J E A N - Y V E S C O L I N<br />

Aujourd’hui, il existe 37 sociétés de gestion d’actifs en Chine,<br />

dont la plupart sont domestiques et émanent de firmes de<br />

courtage. Huit joint ventures ont été constituées avec des partenaires<br />

étrangers parmi lesquels on trouve Allianz, ING,<br />

ABM Amro, BNP Paribas ou Fortis, la plus importante.<br />

Bon nombre de banques étrangères sont donc déjà présentes<br />

sur le marché chinois de la gestion d’actifs. Comment gérer la<br />

concurrence ?<br />

Entrer sur ce marché en pleine croissance ne peut être un jeu<br />

à somme nulle. À vrai dire, la question de la concurrence ne<br />

se pose pas réellement. Chaque établissement, qu’il s’agisse de<br />

BNP Paribas, Fortis ou ING, a sa propre histoire au regard de<br />

la Chine. Certains y sont présents depuis longtemps, d’autres<br />

ont eu des priorités différentes. Je ne considère donc pas<br />

qu’un retard puisse exister entre établissements. Chacun a pris<br />

son propre rythme, en utilisant un dispositif réglementaire<br />

qui évolue rapidement. Le dynamisme <strong>du</strong> marché fait que<br />

chacun devrait y trouver sa place. D’autant plus que les<br />

potentialités de ce nouveau marché viennent encore de s’élargir<br />

avec l’irruption des banques commerciales <strong>chinoises</strong>. Cet<br />

élargissement est un véritable sujet pour les autorités <strong>chinoises</strong><br />

car il contient une forme de contradiction. Jusqu’à présent,<br />

ces autorités ont en effet plutôt favorisé le développement<br />

des marchés de capitaux et la mise en place de sociétés<br />

de gestion d’actifs indépendantes. Alors que par définition,<br />

l’ouverture des banques <strong>chinoises</strong> implique que la société de<br />

gestion d’actifs qu’elles créent s’adosse à sa banque fondatrice<br />

et à son réseau. C’est un problème délicat que le pragmatisme<br />

des Chinois parviendra certainement à résoudre. Dans le<br />

domaine de la gestion d’actifs, ceux-ci cherchent en réalité<br />

leur voie entre un système d’architecture totalement ouverte<br />

et un système d’architecture non pas totalement fermée mais<br />

adossée, comme ils le font aussi et plus généralement pour<br />

leur système bancaire, entre le modèle de banque universelle<br />

européenne et celui plutôt inspiré des banques anglosaxonnes.<br />

Quels sont, pour vous, les risques majeurs attachés au marché<br />

chinois ?<br />

Nous décelons un premier risque lié à la relative immaturité<br />

<strong>du</strong> marché de la gestion d’actifs lui-même et à celle des établissements<br />

bancaires ou autres acteurs sur ce métier.<br />

Un autre risque tient à l’inexpérience des indivi<strong>du</strong>s. Une sorte<br />

de choc pourrait naître <strong>du</strong> côtoiement entre deux catégories /...<br />

83


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... d’indivi<strong>du</strong>s : ceux n’ayant pas de vraie connaissance de ce<br />

qu’est une société de gestion d’actifs et ceux, qu’ils soient des<br />

chinois ou des étrangers, avec un savoir-faire et une technicité<br />

éprouvés.<br />

Un troisième risque est inhérent à la Chine elle-même, un<br />

pays où les chiffres, le droit sont parfois encore des éléments<br />

incertains. On peut certes l’expliquer par la jeunesse de certaines<br />

réglementations. Celle concernant les OPCVM par<br />

exemple date de 2004, mais il demeure manifestement des<br />

facteurs très aléatoires de cette nature qui font que des projets<br />

n’ont pu démarrer ou bien se sont enrayés.<br />

Hormis ces risques, il existe, comme ailleurs, celui plus diffus<br />

de la corruption. Un scandale est toujours possible de la part<br />

d’une société, ce qui peut avoir pour conséquence de nuire à<br />

l’image de notre métier. Cette éventualité concerne aussi la<br />

Chine où le capital de certaines sociétés de gestion d’actifs<br />

reste assez flou et émane de personnes physiques. L’ouverture<br />

<strong>du</strong> marché chinois de la gestion d’actifs devra corriger cette<br />

faiblesse. Les engagements pris dans le cadre de l’OMC et<br />

l’arrivée des banques étrangères y contribueront. L’ouverture<br />

<strong>du</strong> capital des joint ventures aux étrangers amène des partenaires<br />

dont la contribution à l’amélioration <strong>du</strong> contrôle des<br />

risques, des techniques et de la gouvernance pourrait être<br />

déterminante.<br />

84


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

LE GROUPE CRÉDIT AGRICOLE EN CHINE<br />

Sofinco se prépare<br />

au marché chinois<br />

I NTERVIEW DE PATRICK MAMOU MANI<br />

DIRECTEUR ADJOINT DE LA DIRECTION<br />

DES AFFAIRES INTERNATIONALES, SOFINCO.<br />

Sofinco, filiale <strong>du</strong> groupe Crédit <strong>Agricole</strong> spécialisée dans le<br />

crédit à la consommation s’est développée à l’international<br />

par le biais de participations dans des sociétés comparables à<br />

l’étranger. L’Europe est jusqu’à présent restée la zone privilégiée.<br />

Pour quelles raisons et avec quels résultats ?<br />

Il est parfaitement exact, qu’à l’heure actuelle, Sofinco est<br />

présent, outre la France, dans neuf pays étrangers. Huit sont<br />

européens : Allemagne, Espagne, Grèce, Hongrie, Italie, Pays-<br />

Bas, Pologne (filiale détenue par le Crédit <strong>Agricole</strong>) et Portugal.<br />

S’y ajoute le Maroc, notre présence dans ce pays faisant<br />

figure d’heureuse exception...<br />

Le développement à l’international de Sofinco s’explique par<br />

trois raisons. Tout d’abord, le marché <strong>du</strong> crédit à la consommation<br />

en France peut être considéré comme un marché mûr,<br />

avec une croissance de l’ordre de 5 % par an. Fortement<br />

concentré, il est contrôlé, pour l’essentiel, par des filiales de<br />

groupes bancaires, ce qui laisse peu d’opportunités pour des<br />

opérations de croissance externe.<br />

Le marché français est également en avance sur d’autres marchés<br />

et nous faisons partie des leaders. Nous avons ainsi développé<br />

des expertises fortes dans les domaines clés de la gestion<br />

<strong>du</strong> crédit à la consommation : politique et organisation commerciale,<br />

politique d’acceptation et gestion <strong>du</strong> risque de crédit,<br />

système d’information, service après-vente, informatique,<br />

politique de refinancement et gestion actif/passif. Ce qui nous<br />

donne la possibilité d’exporter nos savoir-faire et nos modèles<br />

de développement. /...<br />

85


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/...<br />

Dernière raison enfin : nos partenaires de la distribution, le<br />

plus souvent à dimension internationale, cherchent le soutien<br />

d’établissements de crédit disposant à la fois d’un savoir-faire<br />

reconnu et d’une surface financière de premier rang pour<br />

accompagner, sur le long terme, le développement de leurs<br />

ventes. Pour faciliter la <strong>du</strong>plication de leur modèle de développement<br />

à l’étranger, voire proposer à leur clientèle une<br />

offre internationale, en terme de financement des ventes, les<br />

distributeurs font appel à des établissements de crédits – euxmêmes<br />

multinationaux. En effet, compte tenu des spécificités<br />

de tous ordres (réglementaires, culturelles, commerciales,<br />

techniques...) qui différencient les marchés nationaux, il n’est<br />

pas encore possible d’exercer l’activité de crédit à la consommation<br />

dans un pays sans y être présent.<br />

La focalisation sur l’Europe s’explique donc naturellement par<br />

le fait que nos partenaires à dimension internationale sont<br />

français et européens et qu’ils ont commencé leur expansion à<br />

l’étranger par l’Europe. Il est en effet plus aisé de transférer<br />

des savoir-faire – entre autres au travers de détachement d’experts<br />

– vers des pays dont les cultures sont historiquement et<br />

géographiquement proches de la nôtre, ce rapprochement<br />

étant accentué par la mise en place d’une réglementation<br />

européenne commune.<br />

Outre ces facteurs, liés à l’environnement <strong>du</strong> métier <strong>du</strong> crédit<br />

à la consommation, notre « tropisme européen » est également<br />

la conséquence de notre stratégie privilégiée d’implantation.<br />

En effet, pour accélérer le développement de la filiale locale,<br />

nous préférons nous allier à une grande banque nationale qui<br />

fera aussi bénéficier la filiale commune de ses intro<strong>du</strong>ctions<br />

dans le monde de la distribution. Or, le Crédit <strong>Agricole</strong> a<br />

développé une stratégie internationale plutôt centrée sur l’Europe.<br />

Il a présenté à Sofinco les groupes bancaires dans lesquels<br />

il détenait des participations (Intesa, Bes, Emporiki<br />

Bank), ce qui a donc renforcé notre orientation européenne.<br />

Les résultats de cette stratégie peuvent être illustrés par<br />

quelques chiffres. Ainsi, nous pouvons rappeler que :<br />

• Cinq de nos neuf filiales font parties des trois premiers établissements<br />

de crédit de leur pays.<br />

• La pro<strong>du</strong>ction de nos implantations à l’étranger représentait,<br />

en 2003, 34 % de la pro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> groupe Sofinco, en<br />

croissance de 27 % par rapport à l’exercice précédent.<br />

• La contribution des filiales étrangères représentait, en 2003,<br />

17 % <strong>du</strong> résultat consolidé 2003.<br />

• Les effectifs des filiales étrangères s’élèvent à environ 2 500<br />

personnes.<br />

86


Sofinco se prépare au marché chinois<br />

P A T R I C K M A M O U M A N I<br />

Le plan d’action à moyen terme 2004-2008 de Sofinco met<br />

notamment l’accent sur le renforcement des métiers de base de<br />

l’entreprise et sur la montée en puissance de ses grands<br />

accords de partenariats. On comprend que le développement à<br />

l’international ait lui-aussi à rester en ligne avec ces orientations<br />

stratégiques. Quelles « innovations » pourraient cependant<br />

se dessiner ?<br />

Dans le domaine <strong>du</strong> développement international, le plan<br />

moyen terme a réaffirmé la priorité donnée à l’Europe, en<br />

fixant pour objectif à Sofinco de devenir l’un des leaders<br />

européens <strong>du</strong> crédit à la consommation en 2008. Outre la<br />

continuation <strong>du</strong> développement de nos filiales actuelles qui se<br />

situent sur des marchés représentant déjà 65 % <strong>du</strong> potentiel<br />

européen, atteindre cet objectif nécessitera d’ouvrir de nouveaux<br />

marchés. En particulier vers le Royaume-Uni qui représente<br />

à lui seul 28 % <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> crédit à la consommation<br />

en Europe et vers les pays d’Europe centrale et orientale, avec<br />

priorité donnée à l’implantation en République tchèque et<br />

son développement logique en Slovaquie.<br />

Toutefois ce même plan stratégique a déterminé un objectif<br />

complémentaire : la préparation de l’implantation de Sofinco<br />

en Chine pour 2008.<br />

Avec 300 à 400 millions de consommateurs solvables, le marché<br />

chinois <strong>du</strong> crédit à la consommation est d’ores et déjà une<br />

réalité que l’on ne peut ignorer. Le potentiel <strong>du</strong> pays est<br />

immense. En tant qu’opérateur français, quelles opportunités<br />

y décelez-vous mais aussi quels risques ?<br />

En Chine, le crédit à la consommation en est encore à ses premiers<br />

balbutiements. Dans les villes où nous avons effectué<br />

les premières études de marché – il n’y a pas un marché chinois<br />

mais des marchés vue l’immensité <strong>du</strong> pays –, nous<br />

n’avons pas trouvé d’offre de financement sur les points de<br />

vente non automobile. Des offres de financement existent<br />

bien dans les points de ventes automobiles, faites autant par<br />

des captives (quatre captives automobiles ont été autorisées)<br />

que par des banques mais les conditions d’octroi restent très<br />

restrictives. En effet, après un démarrage enthousiaste en<br />

1997, les établissements de crédit ont été échaudés par une<br />

montée des impayés qui n’avait pas été anticipée. Le crédit à<br />

la consommation reste donc encore l’apanage des banques<br />

généralistes qui financent leurs clients.<br />

De nombreux obstacles empêchent un développement immédiat<br />

d’une stratégie de spécialistes dans le crédit à la consommation<br />

: culture peu développée <strong>du</strong> respect des obligations /...<br />

87


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

/... contractuelles, importance de la fraude, absence de système de<br />

compensation interbancaire (virements et prélèvements automatiques),<br />

lenteur des procé<strong>du</strong>res judiciaires et difficultés de<br />

mises en exécution... L’absence de protection sociale amortissant<br />

les conséquences des accidents de la vie (chômage, maladie...)<br />

a également pour conséquence naturelle un taux<br />

d’épargne élevé et une préférence de tous les acteurs pour un<br />

paiement comptant.<br />

Autre obstacle : la réglementation bancaire qui limite la part<br />

<strong>du</strong> capital qu’un acteur étranger peut détenir dans un établissement<br />

de crédit en Chine, ainsi que le périmètre d’intervention<br />

de cet établissement de crédit (monnaie, zone géographique...).<br />

Pour un opérateur étranger, l’approche de ce<br />

marché est de surcroît ren<strong>du</strong> plus complexe par la quasiimpossibilité<br />

d’apprendre la langue chinoise, et par la prépondérance<br />

de la relation interpersonnelle dans les rapports<br />

sociaux. Toutefois, le système évolue rapidement, en termes<br />

réglementaire et d’organisation de place (création de fichiers<br />

centraux...).<br />

Quelle pourrait être, par conséquent, l’approche la plus appropriée<br />

pour participer à la croissance de ce nouveau marché ?<br />

Compte tenu de l’éloignement des cultures, nous avons donné<br />

la priorité au facteur humain. Mais plutôt que de chercher à<br />

former des experts de notre métier à la culture locale, ce que<br />

nous faisons habituellement, nous recrutons actuellement,<br />

dans les différents secteurs de l’entreprise (finance, informatique,<br />

risque), des cadres d’origine chinoise. Ceux-ci auront<br />

vocation à rejoindre la filiale au moment de sa création, de<br />

façon à adapter le modèle de développement de Sofinco aux<br />

réalités <strong>chinoises</strong>. Ces cadres sont susceptibles de rester jusqu’à<br />

trois ans dans les services de l’entreprise avant d’être<br />

détachés dans la filiale.<br />

Au cours de l’année prochaine, des missions d’exploration<br />

permettront de préciser la stratégie d’implantation. Il n’est<br />

d’ailleurs pas impossible, compte tenu de la fluidité et de<br />

l’évolution <strong>du</strong> contexte juridique, qu’il soit nécessaire d’examiner<br />

simultanément plusieurs pistes avant d’arrêter celle qui<br />

devra être finalement retenue.<br />

88


N U M É R O 3 2 3 – D É C E M B R E 2 0 0 4<br />

Service aux lecteurs<br />

Pour obtenir un de ces dossiers, entourez le numéro qui vous intéresse.<br />

Le prix de chaque numéro est de 7 l.<br />

Nous demandons de bien vouloir régler de préférence<br />

par chèque bancaire ou CCP.<br />

273 Les agricultures est-européennes,<br />

la transition vers le marché<br />

274 L’immobilier : les raisons d’une crise<br />

275 L’Europe de l’épargne vers l’intégration<br />

276 Agriculture française : l’après-GATT<br />

277 Les systèmes bancaire à l’Est<br />

en pleine mutation<br />

278 Relation banque entreprise :<br />

la nouvelle donne<br />

279 Aménagement <strong>du</strong> territoire :<br />

la nouvelle équation<br />

280 Le réveil des matières premières<br />

281 Quelle innovation en agriculture ?<br />

282 Les impacts de l’UEM sur le système<br />

bancaire<br />

283 La banque face aux progrès<br />

technologiques<br />

284 Les nouveaux marchés<br />

de la carte bancaire<br />

285 Les nouvelles tendances<br />

de la distribution bancaire<br />

286 L’évolution des exploitations agricoles<br />

287 L’Amérique latine en pleine mutation<br />

288 Les marchés mondiaux de pro<strong>du</strong>its<br />

agricoles à l’aube <strong>du</strong> XX e siècle<br />

289 Les banques à l’heure<br />

des concentrations<br />

290 Nouveaux défis pour<br />

les collectivités locales<br />

291 Ambitions et atouts de l’agriculture<br />

française<br />

292 La Chine après Deng Xiaoping<br />

293 Le commerce extérieur français<br />

294/ Stratégies bancaires à l’aube<br />

295 <strong>du</strong> XXI e siècle<br />

296 Nourrir l’humanité<br />

297 La protection sociale à la recherche<br />

d’un équilibre.<br />

298 Protection de l’environnement<br />

et lutte contre la pollution<br />

299 Nouvelle donne pour les entreprises<br />

300 Investissement immobilier :<br />

stratégies pour demain<br />

301 Les mutations de l’agriculture française<br />

302/ Stratégies bancaires : nouvelles<br />

303 dynamiques européennes<br />

304 Une nouvelle architecture<br />

<strong>du</strong> système financier international ?<br />

305 L’agriculture française :<br />

dix ans pour l’an 2000<br />

306 Développement économique<br />

et collectivités locale<br />

307 Vent de reprise en Asie<br />

308 Le financement de l’agriculture<br />

en France et en Europe<br />

309 L’Europe bancaire en mouvement<br />

310 Le passage à l’euro fi<strong>du</strong>ciaire<br />

311 Le crédit à la consommation<br />

en France et en Europe<br />

312 Acteurs et stratégies<br />

de l’Europe bancaire hors France<br />

313 Banque et risque<br />

314 L’Europe centrale<br />

aux portes de l’Union<br />

315 La gestion d’actifs :<br />

bilan d’un succès<br />

316 Banque et nouvelles technologies<br />

317 Banque et immobilier<br />

318 L’Europe des services bancaires<br />

et financiers<br />

319 Le secteur bancaire et financier,<br />

acteur <strong>du</strong> développement <strong>du</strong>rable<br />

320 Les nouveaux aux territoires<br />

de la bancassurance<br />

321 De nouvelles exigences<br />

pour les banques<br />

322 Vers un marché unique<br />

<strong>du</strong> crédit immobilier en Europe ?<br />

323 <strong>Dynamiques</strong> <strong>chinoises</strong><br />

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