LA PAIX Ã PETITS PAS - International Alert
LA PAIX Ã PETITS PAS - International Alert
LA PAIX Ã PETITS PAS - International Alert
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
La Paix à Petits Pas<br />
29<br />
En conséquence, la participation des notables et des gardiens de la coutume est essentielle.<br />
Plus largement, le choix des médiateurs doit absolument tenir compte de leur connaissance<br />
des acteurs et du milieu dans lequel ils interviennent, une connaissance qu’ils doivent être<br />
capables d’actualiser en permanence. En ce sens, le travail d’inventaire des conflits fonciers en<br />
Ituri (1 318 conflits recensés) réalisé par le Réseau Haki na Amani et IKV Pax Christi 52 est une<br />
contribution remarquable pour la documentation et l’information des initiatives de médiation.<br />
Manière de faire : médiation ou conciliation ?<br />
Dans la tradition, la gestion des conflits se fait dans le respect des principes qui fondent la justice<br />
coutumière : la restauration de la cohésion sociale. La négociation est centrale dans ce processus<br />
qui s’efforce de réconcilier les protagonistes en conflit mais aussi les différents enjeux et intérêts<br />
qui les divisent 53 .<br />
Les méthodes de gestion des conflits varient en fonction de la gravité du problème. Ceux qui<br />
ne mettent pas en danger l’harmonie du clan sont traités au sein de la famille, tandis que ceux<br />
touchant au respect des règles coutumières sont traités au niveau du tribunal coutumier.<br />
Le règlement des conflits intra et interfamiliaux s’appuie sur une démarche de conciliation entre les<br />
parties en conflit qui doit aboutir à un compromis, tandis que le tribunal coutumier présidé par le<br />
chef coutumier a le pouvoir de trancher les litiges sur base de la loi coutumière mais aussi sur base du<br />
pouvoir du chef comme légataire du pouvoir des ancêtres 54 .Traditionnellement, la décision ou l’acte<br />
de conciliation est assorti d’un acte symbolique de réconciliation et parfois d’une réparation.<br />
La majorité des organisations de la société civile définissent leur démarche comme poursuivant un<br />
objectif de réconciliation qui s’appuie sur l’utilisation de la médiation.<br />
Dans un contexte marqué par une crise de confiance et de profondes divisions, le principe de la<br />
médiation qui doit aboutir à un accord sincère basé sur la volonté des parties et leur participation<br />
à l’élaboration commune d’une solution rencontre des difficultés dans son application. La<br />
conciliation, en permettant aux conciliateurs de proposer une solution, répond mieux aux attentes<br />
des parties qui veulent être conseillées et orientées dans la recherche d’une solution. En réponse,<br />
les médiateurs adoptent une position de conciliateur 55 .<br />
Par ailleurs, la présence des chefs dans ces structures tend à donner à leurs propositions un<br />
caractère contraignant, renforcé par le fait que ces autorités conservent une attitude de chef même<br />
lorsqu’elles remplissent une fonction de médiateur 56 .<br />
La mutation des médiateurs en conciliateurs réoriente les objectifs de médiation vers la recherche<br />
d’un accord plutôt que vers la réconciliation des parties. En effet, la principale distinction qui<br />
existe entre conciliation et médiation est le fait que la première est orientée vers la recherche<br />
de solution à un conflit alors que la seconde est un processus centré sur la reconstruction de la<br />
communication et des liens entre les parties divisées par un conflit.<br />
52 Mongo (E.), Nkoy Elela (A.) et Van Puijenbroek (J.). Conflits fonciers en Ituri : Poids du passé et défis pour l’avenir de la paix. Haki na Amani et<br />
IKV Pax Christi, Bunia. Décembre 2009.<br />
53 Candeias (S.) (sous la dir.). Étude anthropologique. Les mécanismes extra-juridictionnels de réponse aux violences sexuelles à l’Est de la RDC.<br />
Ministère de la Justice de la RDC et REJUSCO, Goma. Mars 2010. p .67-68.<br />
54 Idem. p. 74-75.<br />
55 La médiation est comprise comme le recours à un tiers pour aider les parties à aboutir à une solution négociée tandis que la conciliation<br />
se réfère à l’intervention d’un tiers chargé de proposer une solution aux parties. Enfin, les deux termes se distinguent de l’arbitrage où<br />
l’arbitre apporte une solution qui s’impose aux parties.<br />
56 Une femme a eu trois enfants avec un homme à qui elle n’était pas légalement mariée. La femme avait quitté le domicile du père de<br />
ses enfants car ce dernier était atteint de troubles neuropsychologiques. Aujourd’hui, la femme s’est remariée et voudrait confier la<br />
garde de ses enfants à leur père naturel qui jusque-là ne les a jamais pris en charge. La séance de médiation faisait suite à une décision<br />
administrative qui confiait la garde au père. Le chef de village qui avait pris la décision administrative était présent lors de la séance de<br />
médiation. Il a pris la parole à multiples reprises pour réaffirmer la décision tandis que la famille du père, elle, s’est plainte de ne pas avoir<br />
l’espace pour s’exprimer. À la fin de la séance, les enfants (en pleurs) ont été confiés à la famille de leur père. Observation d’une séance<br />
de médiation à Bujovu. Goma. Juin 2010.