LA PAIX Ã PETITS PAS - International Alert
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48 <strong>International</strong> <strong>Alert</strong><br />
Les liens structurels et historiques qui existent entre ces différentes organisations représentent une<br />
force et une faiblesse :<br />
• une force car l’initiative s’inscrit dans une dynamique longue et inclusive qui s’appuie sur une<br />
parfaite connaissance des dynamiques locales ;<br />
• une faiblesse car cette dynamique s’est développée dans le contexte du Lubero et est dominée<br />
par les anciens étudiants de l’ISDR.<br />
Le mouvement paysan à Beni-Lubero est précurseur et moteur sur beaucoup d’aspects. Toutefois,<br />
son expérience est aussi profondément marquée par les réalités du territoire du Lubero, qui est<br />
caractérisé par une rareté de la terre (principalement dans la zone des hautes terres où la concentration<br />
démographique est forte), une grande activité économique qui a favorisé l’émergence d’entrepreneurs<br />
ruraux au détriment des petits paysans, une extension des agglomérations rurales et urbaines qui<br />
viennent empiéter sur les terres coutumières mais aussi une forte homogénéité ethnique.<br />
Au niveau institutionnel, les principaux leaders des trois organisations membres de la Coalition<br />
sont les initiateurs du COTEDER. Leur vision est marquée par un même parcours universitaire,<br />
la formation de l’ISDR qui prépare des techniciens du développement rural et se focalise sur les<br />
aspects socio-économiques. Lors d’entretiens, les agronomes se plaignaient du manque de prise<br />
en compte des questions agronomiques et notamment des techniques de production agricole par<br />
la Coalition.<br />
Toutefois, il faut noter la volonté de cette initiative de s’ouvrir à de nouveaux acteurs et notamment<br />
de renforcer la participation des organisations féminines. En 2009, le FAT en a integré deux :<br />
UWAKI (Union des groupements des femmes agricultrices du Nord-Kivu 117 ) et CAF (Collectif<br />
des associations féminines de Beni). Structurellement, l’intégration d’organisations féminines s’est<br />
accompagnée de la mise en place d’une commission chargée des questions de « genre et accès aux<br />
ressources naturelles ».<br />
c. Assurer l’application des décisions<br />
La fluidité des lois et la mobilité des acteurs politiques<br />
L’histoire des lois et des règles en RDC est étroitement liée aux logiques patrimoniales qui caractérisent<br />
l’organisation de pouvoir, les lois promulguées servant les intérêts des groupes qui ont les faveurs des<br />
autorités à ce moment-là. La fragilité de ces liens de loyauté conduit à une précarité des dispositions<br />
légales. S’agissant de l’accès à la terre, l’introduction du droit positif à travers la loi foncière de 1973<br />
a permis aux acteurs influents d’accéder à la terre via un système d’alliances entre les entrepreneurs,<br />
les politiciens, les administratifs et les représentants du pouvoir coutumier 118 .<br />
Dans ce contexte mouvant, la capacité des acteurs de la société civile à influer sur les décideurs<br />
politiques est étroitement liée à leur capacité à développer et utiliser leurs réseaux pour accéder<br />
aux décisionnaires mais aussi maîtriser les intérêts des différents acteurs concurrentiels dans les<br />
décisions. Cependant, même avec une parfaite maîtrise des canaux de prise de décision, ces dernières<br />
restent extrêmement précaires dû à la grande mobilité des acteurs du pouvoir, à l’évolution des<br />
règles en fonction des alliances et intérêts du moment et au manque de procédures pour assurer<br />
leur pérennité. Certains ministres quittent leur fonction avec leurs dossiers.<br />
L’expérience fructueuse de plaidoyer du FAT est le résultat d’un travail long et fastidieux qui a<br />
dû faire face à de nombreuses contraintes : la lenteur des décisions administratives, la difficulté<br />
de concilier les chronogrammes des différents membres de la Coalition, l’incertitude des agendas<br />
politiques mais aussi les pressions politiques des tenants de l’agriculture industrielle.<br />
117 Depuis 2007, UWAKI a mis en place des commissions territoriales de médiation traitant des questions d’accès à la terre pour les femmes.<br />
118 Vlassenroot, (K.) et Huggins (C.). Land, Migration and Conflict in Eastern DRC in Huggins (C.) et Clover (J.) (eds) From the Ground Up: Land<br />
Rights, Conflict and Peace in Sub-Saharan Africa. ACTS Press/Institute for Security Studies, Nairobi/ Pretoria. 2005. p. 133-136.