Asie du Sud-Est
RDM le magazine de Rivages du monde vous propose de partir à la découverte de l'Asie du Sud-Est et de la Patagonie pour ce premier numéro.
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ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />
DOSSIER<br />
est sans doute la meilleure option. Un survol en montgolfière au<br />
lever <strong>du</strong> soleil permet également de saisir toute la majesté <strong>du</strong> site,<br />
dont l’authenticité a été préservée − pour le moment − en raison<br />
même de son immensité.<br />
ANGKOR, LE « VERSAILLES KHMER »<br />
Classé en 1992 sur la prestigieuse liste <strong>du</strong> patrimoine mondial<br />
de l’UNESCO, à la différence de Bagan, l’ensemble architectural<br />
d’Angkor, éten<strong>du</strong> sur près de 400 km 2 , est un écosystème<br />
aujourd’hui menacé par la surfréquentation touristique. L’achèvement<br />
de la restauration <strong>du</strong> temple <strong>du</strong> Baphuon, chantier archéologique<br />
le plus important d’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, mené pendant<br />
seize ans par l’École française d’Extrême-Orient, a été célébré<br />
avec faste en 2011. Au même moment, l’exposition Indiana Jones et<br />
l’aventure archéologique présentée par la National Geographic Society<br />
au Centre des sciences de Montréal érigeait le site d’Angkor,<br />
l’ancienne capitale <strong>du</strong> royaume khmer (IX e -XV e siècle), au rang de<br />
« grand mythe archéologique » considéré, avec Lascaux et Pompéi,<br />
comme partie intégrante <strong>du</strong> patrimoine archéologique mondial<br />
à sauvegarder.<br />
Redécouvert en 1860 par le naturaliste français Henri Mouhot, le<br />
temple d’Angkor Vat subjugue tous ses visiteurs, comme les écrivains<br />
Pierre Loti en 1901 ou Paul Claudel en 1921. Tous sont fascinés<br />
par les vestiges des temples khmers construits pour les divinités,<br />
les rois et leurs familles. La légende d’un « Versailles khmer »<br />
(l’expression est anachronique) – le site est composé d’inquiétants<br />
temples noyés dans une épaisse jungle réputée impénétrable, édifiés<br />
au temps où les Capétiens construisaient les cathédrales –,<br />
connaît au XIX e siècle un retentissement mondial jamais démenti.<br />
La conservation d’Angkor <strong>du</strong>t être fermée en 1973 à cause de la<br />
guerre civile qui déchira le Cambodge de 1970 à 1975, <strong>du</strong> régime de<br />
terreur instauré par les Khmers rouges jusqu’en 1979 et de la longue<br />
guérilla qui s’ensuivit. Depuis sa réouverture au début des années<br />
1990, les chercheurs abordent le site sous un angle nouveau, interdisciplinaire,<br />
élargissant leur étude à la ville qui faisait vivre les<br />
temples.<br />
Les découvertes, les travaux d’inventaire et de restauration des<br />
temples menés avant 1970 ont été remplacés, depuis vingt ans, par<br />
de nouvelles préoccupations environnementales privilégiant la<br />
dimension hydraulique de la cité, sous-estimée jusqu’alors. Enjeu<br />
culturel majeur, le site est aussi un espace naturel vivant, notamment<br />
en raison de la présence de nombreux villages traditionnels.<br />
Les programmes de développement associent aujourd’hui à<br />
Angkor la ville de Siem Reap, située à 8 km et porte d’accès aux<br />
temples, le très poissonneux lac Tonlé Sap, véritable mer intérieure<br />
cambodgienne, et la zone économique <strong>du</strong> grand Mékong.<br />
L’Autorité pour la protection <strong>du</strong> site et l’aménagement de la région<br />
d’Angkor (Apsara), créée en 1995, s’efforce de lutter contre les divers<br />
risques qui pèsent sur l’équilibre <strong>du</strong> parc archéologique : la dégradation<br />
des structures endiguées, l’épuisement de la nappe phréatique,<br />
la déforestation sauvage ou l’abandon des terres cultivées<br />
par les paysans. Ces derniers sont victimes d’expulsions foncières<br />
et, paradoxalement, des réglementations qui, tout en préservant le<br />
site, gênent leur mode de vie : l’interdiction de la coupe <strong>du</strong> bois les<br />
empêche de cuisiner ou d’ériger des barrières pour protéger leurs<br />
cultures. Surtout, Angkor, longtemps difficile d’accès, est devenue<br />
une des destinations privilégiées <strong>du</strong> tourisme international (Siem<br />
Reap possède désormais son propre aéroport).<br />
Les Accords de Paris signés en 1991 ont abouti en 1993 à la tenue<br />
d’élections aux termes desquelles le Cambodge est redevenu une<br />
monarchie constitutionnelle. La paix rétablie sur la majorité <strong>du</strong><br />
territoire, le pays s’est petit à petit rouvert au monde. Il a connu un<br />
afflux considérable de touristes étrangers : 50000 visiteurs s’y rendaient<br />
à la fin des années 1960 ; ils étaient 300000 en 2002 et 2 millions<br />
en 2010. Une vague de spéculation foncière a passablement<br />
dénaturé la « ville-jardin » de Siem Reap autrefois célébrée, alors<br />
que l’Administration cambodgienne peine à contrôler l’urbanisation<br />
galopante et les aménagements illicites qui se construisent de<br />
plus en plus près des temples.<br />
Pour valoriser la cité hydraulique, un nouveau circuit touristique<br />
est en cours d’aménagement autour <strong>du</strong> baray nord, un des réservoirs<br />
d’Angkor : maisons-témoins traditionnelles sur pilotis permettant<br />
la résistance aux crues et la circulation de l’air sous le sol<br />
(on habite le rez-de-chaussée et on dort à l’étage), aménagement<br />
d’embarcadères, location de pirogues à rames ou encore développement<br />
d’un circuit botanique, présentant plantes médicinales,<br />
libellules et papillons (plus de 168 espèces ont été recensées). L’eau<br />
apporte une unité au vaste ensemble d’Angkor. Elle y reprend aujourd’hui<br />
toute sa<br />
RdM<br />
place.<br />
« L’Autorité pour la protection <strong>du</strong> site et l’aménagement<br />
de la région d’Angkor […] s’efforce de lutter contre les divers<br />
risques qui pèsent sur l’équilibre <strong>du</strong> parc archéologique »<br />
045 N° 1 / 2015