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Jacques Rousseau Lettres à Malesherbes - Le Livre de Poche

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12la cer ti tu<strong>de</strong>, l’évi <strong>de</strong>nce sen sible <strong>de</strong> l’exis tence divine, qui se confond avec le sen ti ment <strong>de</strong> l’exis -tence <strong>à</strong> l’état pur. En ne « rai sonna[nt] pas », il s’oppose encore aux « phi lo sophes » ; son atti tu<strong>de</strong>illustre la posi tion qu’il adopte en matière <strong>de</strong> reli gion et qu’il expli quait ainsi dans une lettre <strong>à</strong>Jacob Vernes : « J’ai donc laissé l<strong>à</strong> la rai son, et j’ai consulté la nature, c’est- <strong>à</strong>-dire le sen ti mentinté rieur qui dirige ma croyance, indé pen dam ment <strong>de</strong> ma rai son » (février 1758).Évo quer les sou ve nirs heu reux d’une époque qu’il juge révo lue a mani fes te ment été pour Rous -seau un plai sir, et l’on sai sit l<strong>à</strong> une <strong>de</strong>s rai sons qui l’ont amené <strong>à</strong> recou rir <strong>à</strong> l’écri ture auto bio gra -phique : « En me disant “j’ai joui”, je jouis encore 1 », notera- t-il plus tard dans un Art <strong>de</strong> jouirres té <strong>à</strong> l’état <strong>de</strong> frag ments. Mais en décri vant la plé ni tu<strong>de</strong> du bon heur qu’il trou vait dans lasoli tu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la forêt, il enten dait aussi – et sur tout – jus ti fier son choix <strong>de</strong> mener une vie reti réeet confir mer la sin gu la rité <strong>de</strong> sa per son na lité, infir mant ainsi les accu sa tions por tées contre lui.Il est bien l’homme <strong>de</strong>s para doxes : s’il fait l’éloge du plai sir, il s’agit <strong>de</strong> « plai sirs […] purs »(l. 441) que seule la retraite peut don ner, loin <strong>de</strong>s « pas sions fac tices » (l. 432) <strong>de</strong> la société ;s’il exalte la sen si bi lité, l’ima gi na tion, la rêve rie (au point d’ouvrir la voie au roman tisme fran -çais), c’est pour en tirer argu ment et mieux impo ser <strong>à</strong> son lec teur la bonne image qu’il a <strong>de</strong>lui- même.DEUXIÈME QUES TIOND’ENSEMBLE :LES LETTRES ÀMALES HERBES RELÈVENT- ELLES DE L’AUTO BIO GRA -PHIE OU DE L’APO LOGIE ?Cette ques tion naît d’un double constat : d’une part, ces lettres se pré sentent comme une ver -sion réduite, par anti ci pation, <strong>de</strong>s Confes sions (un « som maire », selon Rous seau lui- même) ;d’autre part, l’auto justi fi cation y occupe une place impor tante, comme l’ont mon tré les étu<strong>de</strong>s<strong>de</strong> textes. L’écri ture auto bio gra phique n’est- elle pas aussi, dans un tel cas, apo lo gé tique ?<strong>Le</strong>s <strong><strong>Le</strong>ttres</strong> <strong>à</strong> <strong>Malesherbes</strong> constituent- elles une auto bio gra phie ?– <strong>Le</strong> rap pel <strong>de</strong>s carac té ris tiques <strong>de</strong> l’auto bio gra phie va per mettre <strong>de</strong> sérier les pro blèmes.1. Contrai re ment au roman, le récit auto bio gra phique confond l’auteur, le nar ra teur et leper son nage.2. Tout y est vu <strong>à</strong> tra vers le per son nage prin ci pal, l’auteur, qui a pour objec tif d’expo ser,d’expli quer sa per son na lité.3. L’auteur- narrateur pré sente un récit rétros pec tif <strong>de</strong> son exis tence, <strong>de</strong> son enfance aumoment <strong>de</strong> l’écri ture, <strong>à</strong> par tir duquel il ordonne et recom pose sa vie ; il en sait plus que le lec -teur mais aussi que le per son nage (ou les per son nages) qu’il a été.4. Ce récit est adressé <strong>à</strong> un <strong>de</strong>s ti na taire, il fait appel <strong>à</strong> son juge ment et pré tend obéir <strong>à</strong> uneexi gence <strong>de</strong> vérité.– <strong>Le</strong>s <strong><strong>Le</strong>ttres</strong> <strong>à</strong> <strong>Malesherbes</strong> comportent bien les traits carac té ris tiques <strong>de</strong> l’auto bio gra phie.<strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux pre miers sont res pec tés : Rous seau cherche <strong>à</strong> rendre compte <strong>de</strong> lui- même. <strong>Le</strong> <strong>de</strong>r -nier est constam ment affirmé, mais avec une telle insis tance que le lec teur peut s’inter ro gersur la liberté <strong>de</strong> juge ment que lui laisse un auteur qui affirme d’emblée qu’« aucun [homme]ne fut meilleur que [lui] » (I, l. 152-153). <strong>Le</strong> troi sième est assez lar ge ment véri fié mal gré labriè veté <strong>de</strong> l’œuvre : certes, celle- ci ne pré sente pas un récit chro no lo gique, complet <strong>de</strong> la vie<strong>de</strong> l’auteur mais elle s’assigne le but <strong>de</strong> l’auto bio gra phie en cher chant <strong>à</strong> faire comprendre aulec teur la per son na lité <strong>de</strong> Rous seau, son tem pé rament soli taire et para doxal (pre mière lettre), <strong>à</strong>par tir <strong>de</strong> quelques évé ne ments déci sifs <strong>de</strong> son exis tence : son enfance et ses lec tures pré coces (II,l. 170-200), son entrée dans la car rière d’écri vain (II, l. 216-261), sa mala die et sa déci sion <strong>de</strong> seretirer du mon<strong>de</strong> (II, l. 275-291 ; III, 348-349 ; IV, 542-606), sa vie soli taire (troi sième lettre),la rup ture défi ni tive avec ses amis « phi lo sophes » (IV, l. 612) et la ren contre <strong>de</strong> M. et Mme <strong>de</strong>Luxembourg (l. 614-715), ainsi que l’« accès <strong>de</strong> folie » (évo quée <strong>de</strong> manière très allu sive dansla pre mière lettre, l. 9 et 47-70) qu’il a tra ver sée <strong>à</strong> la fin <strong>de</strong> 1761 et qui l’a conduit <strong>à</strong> écrire ceslettres. Cette œuvre auto bio gra phique contient ainsi les élé ments dis per sés d’un auto por traitqu’il convient main te nant <strong>de</strong> réunir.1. « Biblio thèque <strong>de</strong> la Pléia<strong>de</strong> », p. 1174.

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