11.07.2015 Views

Jacques Rousseau Lettres à Malesherbes - Le Livre de Poche

Jacques Rousseau Lettres à Malesherbes - Le Livre de Poche

Jacques Rousseau Lettres à Malesherbes - Le Livre de Poche

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

5tiel, ce bon heur étant évi <strong>de</strong>m ment pour lui la preuve qu’il a rai son <strong>de</strong> s’être retiré pour vivreselon son tem pé rament et qu’il doit ache ver <strong>de</strong> se déta cher <strong>de</strong> la société. L’invo ca tion <strong>de</strong> sonexpé rience sen sible consti tue donc pour Rous seau un <strong>de</strong>uxième argu ment.• <strong>Le</strong>ttre 4 (l. 527 <strong>à</strong> 727). <strong>Le</strong> <strong>de</strong>r nier mou ve ment était annoncé par la fin <strong>de</strong> la pre mière lettredans laquelle Rous seau pro cla mait : « <strong>de</strong> tous les hommes que j’ai connus en ma vie, aucun nefut meilleur que moi » (l. 152-153). Il jus ti fie main te nant le choix qu’il a fait <strong>de</strong> vivre <strong>à</strong> l’écartdu mon<strong>de</strong> en affir mant qu’il a pu ainsi « [se] rendre bon <strong>à</strong> [lui]-même et nul le ment méchantaux autres » (l. 537-538) et en déve lop pant ces <strong>de</strong>ux points dans l’ordre inverse : d’une part, loind’être inutile dans sa « retraite », comme le lui reprochent les « phi lo sophes », il a fait du bienaux hommes en pro cla mant les véri tés énon cées dans ses Dis cours et sa <strong>Le</strong>ttre <strong>à</strong> d’Alembert sur lesspec tacles (l. 542 <strong>à</strong> 606) ; d’autre part, il a vécu confor mé ment <strong>à</strong> sa nature en fuyant les grands,<strong>à</strong> la seule excep tion du maré chal <strong>de</strong> Luxembourg qui l’a secouru dans sa détresse et avec lequel,pour tant, il n’a pu ni sou haité éta blir une ami tié intime (l. 607-724). Rous seau réfute donc ici<strong>de</strong> nou velles cri tiques et objec tions (son inuti lité, ses liens avec le maré chal <strong>de</strong> Luxembourg)en déve lop pant <strong>de</strong> nou veaux para doxes. Il ter mine en appe lant <strong>Malesherbes</strong>, main te nant qu’ila « tout dit » (l. 139), <strong>à</strong> por ter, libre ment mais en connais sance <strong>de</strong> cause, un juge ment sur saper sonne et sa conduite.<strong>Le</strong> dés ir <strong>de</strong> convaincre est visible dans la pro gres sion <strong>de</strong> l’argu men ta tion qui fait alter ner argu -ments et réfu ta tions d’objec tions.L’unité thé ma tique<strong>Le</strong> dis cours <strong>de</strong> Rous seau s’orga nise autour <strong>de</strong> trois thèmes prin ci paux, étroi te ment liés :– La jus ti fi cation <strong>de</strong> soi en est le fil direc teur : Rous seau explique son atti tu<strong>de</strong> para doxale qui l’aamené <strong>à</strong> se retirer <strong>à</strong> la cam pagne tout en pour sui vant sa car rière d’écri vain. Il est animé par lesouci <strong>de</strong> réta blir la vérité sur sa per sonne, mal comprise ou calom niée, et oppose ainsi constam -ment le vrai au faux.– La cri tique <strong>de</strong> la vie sociale, <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> lettres et <strong>de</strong>s hommes en géné ral accom pagne donc sesexpli ca tions : Rous seau n’a pas les défauts du siècle.– L’auto bio gra phie <strong>de</strong> Rous seau se trouve ainsi som mai re ment esquis sée puisque, en décri vantce que sa per son na lité a <strong>de</strong> sin gu lier (1 re lettre), il évoque <strong>de</strong>s moments essen tiels <strong>de</strong> sa vie : sonenfance et ses débuts d’écri vain (2 e lettre), sa « retraite » (3 e et 4 e lettre).La visée auto bio gra phique, telle que la conçoit Rous seau, élar git donc très vite la perspec tive ini -tiale : elle appa raît <strong>à</strong> la fin <strong>de</strong> la pre mière lettre avec l’appel au juge ment du lec teur (<strong>Malesherbes</strong>),thème qui se déve loppe ensuite dans la qua trième lettre alors que les trois pre mières suf fi saient <strong>à</strong>rec ti fier les <strong>de</strong>ux erreurs <strong>de</strong> <strong>Malesherbes</strong> en lui expo sant les causes <strong>de</strong> la « retraite » <strong>de</strong> Rous seau(1 re et 2 e lettres) et en lui décri vant son bon heur dans la soli tu<strong>de</strong> et la nature (3 e lettre). Mani -fes te ment, l’auteur est passé <strong>de</strong> la jus ti fi cation <strong>de</strong> sa conduite sur un point essen tiel mais limité(sa « retraite ») <strong>à</strong> une auto justi fi cation glo bale condui sant <strong>à</strong> valo ri ser sa per sonne : les <strong><strong>Le</strong>ttres</strong> <strong>à</strong><strong>Malesherbes</strong> sont bien le « som maire » <strong>de</strong>s Confes sions.Un dis cours convain cant ?Ce dis cours est- il convain cant ? Certes, l’enchaî ne ment serré <strong>de</strong>s argu ments et <strong>de</strong>s réfu ta tionspro duit son effet, <strong>de</strong> même que l’invo ca tion, déve lop pée jus qu’au lyrisme, d’une expé riencesen sible qui paraît authen tique (3e lettre). Mais on peut aussi obser ver que Rous seau se laisseempor ter par le dés ir <strong>de</strong> trop prou ver, comme le montrent, d’une part, le carac tère para doxal<strong>de</strong> cer tains <strong>de</strong> ses argu ments, d’autre part, le fait qu’il reconstruit sa vie pour mieux se jus ti fier.Ainsi, par lant <strong>de</strong> ses débuts d’écri vain en 1749, il néglige d’évo quer les publi ca tions qui ont pré -cédé le pre mier Dis cours.En outre – et sur tout –, on peut être irrité par l’auto sa tis faction plus ou moins affi chée qui ins -pire et oriente tout le dis cours et esti mer qu’elle va <strong>à</strong> l’encontre <strong>de</strong> l’entre prise ini tiale <strong>de</strong> réta blis -se ment <strong>de</strong> la vérité. Rous seau, en effet, s’offre au juge ment <strong>de</strong> <strong>Malesherbes</strong> mais avec l’assu ranceque ce juge ment sera posi tif. Il le dit dès la fin <strong>de</strong> la pre mière lettre, avant même d’avoir achevé

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!