40 ans d’astrophysique spatiale au <strong>CEA</strong>ANALYSER LA MATIÈRE COSMIQUEAnalyser la matière venue du cosmos, c’est la première tâche à laquelle se sont attelés lesastrophysiciens du SAp.1A la différence <strong>de</strong>s rayons X et gamma, les « rayonscosmiques » sont constitués <strong>de</strong> particules <strong>de</strong> matière etnon pas <strong>de</strong> grains <strong>de</strong> « lumière ». Ces particules, essentiellement<strong>de</strong>s protons, sont accélérées à <strong>de</strong>s énergiesdéfiant l’imagination. L’Univers contient <strong>de</strong> gigantesquesaccélérateurs <strong>de</strong> particules, près <strong>de</strong> cent mille fois pluspuissants que ne le sera l’accélérateur le plus performant<strong>de</strong> la planète, actuellement en construction au CERN 1 .Cette matière, composée également d’électrons et d’autreséléments en quantités infimes, est la seule qui nousparvienne d’au-<strong>de</strong>là du système solaire. Pour comprendreoù et comment cesparticules se forment, ilfaut mesurer leur énergieet leur composition.Ces mesures sont délicatescar les particulescosmiques sont rares.Par ailleurs, les appareilsdoivent être adaptés àun usage spatial. Parexemple, les détecteursTcherenkov 2 <strong>de</strong> HEAO Csont astucieusementallégés en remplaçant<strong>de</strong>s gaz sous hautepression par <strong>de</strong>s blocsd’aérogel <strong>de</strong> silice, aussi peu <strong>de</strong>nses que le brouillard.2l’explosion, se propagent dans le milieu interstellaire.Alors qu’on sait <strong>de</strong>puis longtemps que les éléments lourdssont issus du « chaudron » <strong>de</strong>s étoiles, l’origine <strong>de</strong>séléments légers est longtemps restée une énigme, qui a étéfinalement résolue par Hubert Reeves dans les années 1970.Il a mis en évi<strong>de</strong>nce le mécanisme <strong>de</strong> formation <strong>de</strong> certainséléments chimiques : les collisions entre les particulescosmiques et les atomes <strong>de</strong>s milieux traversés engendrent<strong>de</strong>s éléments légers comme le lithium, le béryllium et le bore.1 CERN : Organisation européenne pour la recherche nucléaire, près <strong>de</strong>Genève.2 Détecteur Tcherenkov : en traversant le liqui<strong>de</strong> ou le gaz à une vitessesupérieure à celle <strong>de</strong> la lumière dans ce milieu, les particules cosmiquesinduisent une émission <strong>de</strong> lumière bleutée par les atomes du milieu.C’est cette lumière qui est détectée.3 Supernova : étoile massive qui explose au terme <strong>de</strong> sa «vie » d’étoileen <strong>de</strong>venant momentanément très lumineuse.Quelle composition ?On s’attendait à retrouver dans les rayons cosmiques lacomposition <strong>de</strong>s supernovae 3 , soupçonnées d’être lessources <strong>de</strong> ces particules. Or la mesure a révélé unecomposition plus proche <strong>de</strong> celle du milieu interstellaire que<strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s supernovae. Pourquoi ? Celles-ci apportentbien l’énergie nécessaire pour accélérer les particules,mais par l’intermédiaire <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>s <strong>de</strong> choc, qui, suite à12À bord du satellite HEAO C lancé en 1979, une expérience <strong>de</strong>350 kg seulement mesure la composition <strong>de</strong>s particulescosmiques qui sillonnent la Galaxie, un résultat inégaléjusqu’à aujourd’hui.Ulysse est la première son<strong>de</strong> à quitter le plan <strong>de</strong>s planètespour aller explorer les pôles du Soleil. A son bord, un instrumentmesure pour la première fois les paramètres du ventsolaire et <strong>de</strong>s particules cosmiques.4Expériences « tout terrain »« Le ballon était lancé en fin <strong>de</strong> nuit. Il fallait attendre le moment le plus favorable où les vents d’altitu<strong>de</strong> se renversent. Le matériel<strong>de</strong>vait être récupéré pour que les plaques photo puissent être analysées. Il est arrivé que cette quête se transforme en véritableexpédition dans les Alpes, à dos <strong>de</strong> mulets, dans la neige. Une fois, le matériel est tombé sur le toit d’une porcherie. Il n’y a jamaiseu <strong>de</strong> blessé, pas même un cochon… »Lydie Koch-Miramond, astrophysicienne au SAp
1IMAGES DES HAUTES ÉNERGIESA partir <strong>de</strong>s développements <strong>de</strong> détecteurs X et gamma, le SAp s’est forgé une spécialité à la foisinstrumentale et scientifique en astrophysique <strong>de</strong>s hautes énergies.Au cours <strong>de</strong> leur propagation dans le milieu interstellaire,les rayons cosmiques interagissent avec la matière et lerayonnement et produisent une émission <strong>de</strong> rayonsgamma. Le signal correspondant a pu être mis enévi<strong>de</strong>nce par COS B à haute énergie puis par le satelliteaméricain GRO (Gamma Ray Observatory) à basse énergie.Ce signal apparaît commeun fond diffus galactique.Au cours <strong>de</strong> leur accélérationinitiale, les particulescosmiques émettent également<strong>de</strong>s rayonnementsassez intenses pour êtremesurés : <strong>de</strong>s rayons X ontété observés par XMM-Newton dans un reste <strong>de</strong>supernova (voir photo 1), <strong>de</strong>s rayons gamma <strong>de</strong> très hauteénergie ont été détectés par le télescope Hess (situé enNamibie).D’autres signaux X et gamma, sans lien avec les rayonscosmiques, ont pu être attribués à <strong>de</strong>s sources localisées,dont la nature n’a pas pu être i<strong>de</strong>ntifiée immédiatement.« Voir » <strong>de</strong>s rayons invisiblesPour détecter les rayons gamma, les premiers instruments(TD1, COS B) utilisent <strong>de</strong>s chambres à étincelles, sensiblesà la fois aux particules et aux photons gamma.Il faut donc éliminer la contribution prédominante <strong>de</strong>sparticules cosmiques (une surface d’un centimètre carréen voit passer une par secon<strong>de</strong>). Heureusement, celles-cidéposent <strong>de</strong>s traces spécifiques. Pour COS B, les enregistrementsont été analysés manuellement : seul un surcent en moyenne était exploitable…De nombreux dispositifs (SIGMA) intègrent <strong>de</strong>s matériauxscintillants capables d’absorber complètement l’énergieinci<strong>de</strong>nte et <strong>de</strong> restituer cette énergie en lumière visible ouultraviolette, pour laquelle ils sont transparents. Ces instrumentsmatérialisent les traces fugaces laissées par uneparticule ou <strong>de</strong>s rayons X ou gamma. « Voir ces tracesdans les scintillateurs, voir enfin ce qui, jusque-là, étaitinvisible : c’était une gran<strong>de</strong> émotion ! », raconte BernardAgrinier, ancien chercheur au SAp.Un bijou technologiqueAvec Integral est apparue une nouvelle génération <strong>de</strong>détecteurs à semi-conducteur (CdTe : tellurure <strong>de</strong>cadmium), qui n’exigeait plus <strong>de</strong> refroidissement poussécomme auparavant le germanium, et présentait une excellenterésolution en énergie. Pour Integral, le SAp a développéla technologie CdTe en collaboration avec d’autresservices du Dapnia 1 et a conçu une électronique <strong>de</strong> détectionadaptée. La miniaturisation <strong>de</strong> l’ensemble a été menéeen collaboration avec le Léti et la Direction <strong>de</strong>s applicationsmilitaires. Le résultat <strong>de</strong> ce travail est la caméragamma ISGRI : un véritable bijou technologique <strong>de</strong> plus<strong>de</strong> 16 000 pixels !40 ans d’astrophysiquespatiale au <strong>CEA</strong>Former <strong>de</strong>s imagesDétecter ne suffit pas, il faut également concentrer lalumière pour former une image. C’est réalisable en rayons X2Le saviez-vous ?Compter les photonsL’observation en X ou gamma est très différente <strong>de</strong> l’observationen visible : les photons sont rares et sont détectés un par un.L’avantage <strong>de</strong> cette situation est que le signal détecté mesuredirectement l’énergie.5