40 ans d’astrophysique spatiale au <strong>CEA</strong>34avec <strong>de</strong>s miroirs fonctionnant en inci<strong>de</strong>nce rasante 2(XMM-Newton) mais totalement impossible en rayonsgamma. Un progrès décisif se produit avec l’obtentiond’image par « masque codé », une technique validée surSIGMA et reprise pour Integral. Ce procédé consiste àobserver l’ombre portée d’un masque, percé <strong>de</strong> trous etéclairé par la source à étudier, et, à partir <strong>de</strong> là, à calculerl’image <strong>de</strong> cette source, grâce à un décodage numérique.Du fond diffus aux sourcesSi le fond diffus observé par COS B a pu être bien expliquépar l’interaction du rayonnement cosmique avec lamatière interstellaire, il n’en est pas <strong>de</strong> même pour le fonddiffus observé à plus basse énergie par le satellite américainGRO, qui s’est avéré bien plus intense que prévu. Unpremier voile a été levé sur ce mystère grâce au satelliteSIGMA, dont la bonne « acuité » a permis <strong>de</strong> montrer que <strong>de</strong>ssources ponctuelles contribuaient à l’émission galactique.SIGMA a également permis <strong>de</strong> découvrir une nouvelleclasse <strong>de</strong> sources, baptiséesmicroquasars 3 . Cesobjets, dont le moteur estun trou noir <strong>de</strong> quelquesmasses solaires, émet<strong>de</strong>s jets <strong>de</strong> matièreobservables à uneéchelle <strong>de</strong> tempshumaine, contrairementaux quasars dont ils sontpar certains aspects <strong>de</strong>smodèles réduits. Pouravoir le fin mot sur l’originedu fond diffus àbasse énergie, il a falluattendre le satellite Integral, qui, grâce à une acuité et unesensibilité encore accrues, a permis <strong>de</strong> montrer que ce quiavait été pris pour du fond diffus était en fait un ensemble<strong>de</strong> sources ponctuelles. Plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cents sources émettrices<strong>de</strong> rayons gamma ont été recensées dans notreGalaxie ; la plupart sont <strong>de</strong>s « duos », composés d’unastre compact et d’une étoile qu’il phagocyte.Encore <strong>de</strong>s énigmes…Le centre <strong>de</strong> notre Galaxie abrite, on le sait, un trou noirsuper-massif. SIGMA a livré une surprise, confirmée parIntegral : contrairement à ce que les astrophysiciens imaginaient,cet astre n’émet presque rien en X ou gamma, cequi signifie qu’il n’avale plus grand-chose ou bien qu’il s’alimentesuivant un processus encore inconnu.Integral a également mis en évi<strong>de</strong>nce la présence d’unegigantesque zone <strong>de</strong> création <strong>de</strong> paires d’électrons et <strong>de</strong>positons, autour du centre <strong>de</strong> notre Galaxie. Aucune explicationastrophysique convaincante n’a pu être trouvée àce jour et d’autres interprétations plus spéculativescomme la désintégration <strong>de</strong> « matière noire » ont étéévoquées (voir p.9). Encore une énigme dont raffolent lesthéoriciens…1 Dapnia : laboratoire <strong>de</strong> recherches sur les lois fondamentales <strong>de</strong>l’Univers, à <strong>Saclay</strong>.2 La direction <strong>de</strong>s rayons inci<strong>de</strong>nts est très proche <strong>de</strong> la surface du miroir.3 Les quasars sont <strong>de</strong>s cœurs <strong>de</strong> galaxies formés d’un trou noir d’unemasse équivalente à plusieurs millions (voire milliards) <strong>de</strong> Soleils. En attirantla matière <strong>de</strong> la galaxie qui l’entoure, cet astre compact produit undisque d’accrétion et <strong>de</strong>s jets relativistes <strong>de</strong> matière se forment dans ladirection perpendiculaire au disque.1 Image d’XMM-Newton : en blanc les zones où les on<strong>de</strong>s <strong>de</strong>choc d’une supernova accélèrent <strong>de</strong>s atomes du milieu interstellaire.Le « reste » <strong>de</strong> supernova (orange) est une bulle <strong>de</strong>gaz chaud en expansion.2 Un <strong>de</strong>s trois modules <strong>de</strong> miroirs d’XMM-Newton, vu <strong>de</strong> l’arrière.Chacun <strong>de</strong>s éléments concentriques intercepte un mince« anneau » <strong>de</strong> rayonnement.3 Certains objets observés en rayons gamma sont <strong>de</strong>s étoiles<strong>de</strong>nses en rotation rapi<strong>de</strong>, avalant la matière <strong>de</strong> leur étoilecompagnon. Vue d’artiste.4 Test du satellite Integral dans les laboratoires <strong>de</strong> l’Agencespatiale européenne aux Pays-bas. A l’extrémité du télescope,on distingue le masque codé (damier noir et blanc), quipermet d’obtenir <strong>de</strong>s images à partir <strong>de</strong> rayons gamma.6
LA RÉVOLUTION DE L’INFRAROUGEComplémentaire <strong>de</strong> l’astrophysique <strong>de</strong>s hautes énergies, l’astrophysique infrarouge s’est imposée peuà peu comme un outil irremplaçable.Les poussières <strong>de</strong>s milieux interstellaires absorbent plusou moins les rayonnements qui les traversent : beaucoupen visible, un peu moins en rayons X et encore moins enrayons gamma. Ainsi, certaines sources gamma « vues »par Integral n’avaient pas été détectées en X. Les poussièresarrêtent en effet les rayons X et restituent une partie <strong>de</strong>l’énergie emmagasinée en émettant <strong>de</strong>s photons infrarouges.De la même manière, les nuages <strong>de</strong> poussières oùnaissent les étoiles absorbent l’éclat <strong>de</strong>s jeunes astres :l’observation infrarouge s’est donc imposée comme unoutil indispensable pour étudier la formation <strong>de</strong>s étoiles.40 ans d’astrophysiquespatiale au <strong>CEA</strong>1ISOCAM, une caméra « ma<strong>de</strong> in <strong>CEA</strong> »En matière <strong>de</strong> détecteurs, un pas important est franchiavec le satellite européen ISO lancé en 1995. Il est équipé<strong>de</strong> la première caméra spatiale infrarouge (ISOCAM), réaliséeen collaboration européenne sous la direction scientifiqueet la maîtrise d’œuvre technique du SAp. Cette camérautilise <strong>de</strong>s matrices <strong>de</strong> détecteurs <strong>de</strong> 1 024 pixels. Baséesur <strong>de</strong>s composants en silicium dopé au gallium, cettetechnologie a été mise au point au Laboratoire infrarouge(LIR) du Léti, au centre <strong>CEA</strong> <strong>de</strong> Grenoble, à l’origine pour<strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong> Défense. Herschel, qui sera lancé en 2007,utilise une autre technologie du Léti, dédiée àl’infrarouge plus lointain.1 Montage <strong>de</strong> la mosaïque <strong>de</strong> détecteurs du satellite Herschel,qui sera lancé en 2007 pour recenser les régions <strong>de</strong> formationd’étoiles.2 ISO révèle une région <strong>de</strong> formation d’étoiles dans la nébuleuse<strong>de</strong> l’Aigle.2Comment naissent les étoilesAu terme d’un dépouillement qui aura duré plus <strong>de</strong> troisans, les observations d’ISO sont comparées à celles dutélescope spatial Hubble : ISO « voit » dix fois plus d’étoilesque Hubble ! Ce sont en particulier les « pouponnières »d’étoiles, entourées d’une enveloppe opaque <strong>de</strong> poussières,qui ont échappé à Hubble. Leur étu<strong>de</strong> conduit à unerévision complète à leur sujet : le plus souvent, elles ne seforment pas spontanément mais dans <strong>de</strong>s flambées« violentes », suite à <strong>de</strong>s événements à gran<strong>de</strong> échelle telsqu’une collision <strong>de</strong> la galaxie hôte avec une autre galaxie.ISO ne permettait pas d’observer avant les <strong>de</strong>rniers huitmilliards d’années <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’Univers 1 . Les matrices <strong>de</strong>plusieurs milliers <strong>de</strong> détecteurs d’Herschel permettront <strong>de</strong>cartographier en trois ans les flambées <strong>de</strong> formation d’étoilesqui se sont produites <strong>de</strong>puis le milliard d’années qui asuivi le Big Bang.1 Plus on observe loin, plus on observe <strong>de</strong>s objets <strong>de</strong> l’Univers jeune.Age <strong>de</strong> l’Univers : 13,5 milliards d’années.Le saviez-vous ?Le successeur <strong>de</strong> Hubble « verra » rougeGrand projet international auquel participe le Dapnia, le télescopespatial James Webb, successeur <strong>de</strong> Hubble, fonctionneradans l’infrarouge vers 2013. Il son<strong>de</strong>ra l’Univers lointain(jeune) : il observera en particulier la première générationd’étoiles, un milliard d’années seulement après le Big Bang.7