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NOT, André, « La satire sociale dans Le Journal d'une femme

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extrêmement inattendue, un compliment de Mme <strong>Le</strong>pic : <strong>«</strong> - À la bonne heure, ditelle,tu nous a pêché une belle friture aujourd’hui. Tu n’est pas maladroit, quand tuveux -. Elle lui caresse le cou et les épaules (chose absolument inattendue), mais,comme elle retire sa main, elle pousse des cris de douleur. Elle a un hameçon piquéau bout du doigt. » Là encore, nouvelle scène de sauvetage avec sœur Ernestine quiaccourt et grand frère Félix qui la suit (on remarque qu’il est en retrait , en arrière,c’est vrai que c’est un garçon qui s’évanouit à la vue du sang, alors qu’Ernestine aplutôt une âme de sœur de charité), et le traitement de la blessure va êtreépouvantable : <strong>«</strong> l’hameçon est arrêté d’un côté par son dard et de l’autre côté par saboucle. » ; et quand Mme <strong>Le</strong>pic finit par <strong>«</strong> se trouver mal, heureusement, M. <strong>Le</strong>picen profite. Blanc, affolé, il charcute, fouit la chair, et le doigt n’est plus qu’une plaiesanglante d’où l’hameçon tombe. » Et là Poil de carotte se sauve : <strong>«</strong> Assis surl’escalier, la tête en ses mains, il s’explique l’aventure. Sans doute, une fois qu’illançait sa ligne au loin son hameçon lui est resté <strong>dans</strong> le dos. – Je ne m’étonne plusque ça ne mordait pas – dit-il. » Et nous avons de nouveau un élément de comiquequi vient suspendre le frisson de la cruauté. Cette cruauté est pourtant bien présenteet elle pose Poil de carotte en coupable involontaire. Au fond, que ce soit lui quisaigne où quelqu’un d’autre, et là en l’occurrence sa victime involontaire, il esttoujours coupable. Et le sang répandu est toujours une horreur pour grand frère Félixmais ne peut pas l’être pour lui : ce sang répandu relève de ce à quoi il est presquefatalement condamné, puisqu’il est maladroit, qu’il est capable de se blesser et deblesser les autres. L’horreur du sang répandu fait partie de la panoplie descaractéristiques de Poil de carotte.Voyez donc comment ces deux textes se font écho : <strong>«</strong> <strong>La</strong> pioche » qui fait dePoil de carotte une victime culpabilisée et ensuite <strong>«</strong> L’hameçon », qui fait de lui uncoupable malheureux, déplorable, parce qu’il sentait bien qu’il était <strong>dans</strong> un momentoù sa mère aurait pu lui manifesté de la tendresse. Ces deux textes encadrent, d’unecertaine manière, les textes <strong>dans</strong> lesquels la cruauté se fait beaucoup plus délibérée.Avant <strong>«</strong> <strong>La</strong> pioche », toutefois, nous avons <strong>dans</strong> le début du livre le texteintitulé <strong>«</strong> <strong>Le</strong>s perdrix » <strong>dans</strong> lequel nous voyons Poil de carotte qui n’arrive pas àachever les perdrix blessées à la chasse par son père : <strong>«</strong> <strong>Le</strong>s perdrix se défendent,convulsives, et, les ailes battantes, éparpillent leurs plumes. Jamais elles nevoudront mourir. Il étranglerait plus aisément, d’une main, un camarade. Il les metentre ses deux genoux pour les contenir, et, tantôt rouge, tantôt blanc, en sueur, latête haute afin de ne rien voir, il serre plus fort. » Là, nous avons un spectacle familialqui est installé : tout cela se passe sous le regard de Mme et M. <strong>Le</strong>pic, de grand frèreFélix et de sœur Ernestine, qui protestent : <strong>«</strong> Oh ! le bourreau ! le bourreau ! »s’écrient les enfants. <strong>«</strong> <strong>Le</strong> fait est qu’il raffine, dit Mme <strong>Le</strong>pic. […] M. <strong>Le</strong>pic, un vieuxchasseur pourtant, sort écœuré. […] Mme <strong>Le</strong>pic les tourne et les retourne. Des petitscrânes brisés du sang coule, un peu de cervelle. – Il était temps de les lui arracher –dit-elle. – Est-ce assez cochonné ? – Grand frère Félix dit : - C’est positif qu’il ne lesa pas réussi comme les autres fois -. » Ce massacre des perdrix qui est une tâcheobligatoire de Poil de carotte, l’institue en personnage cruel. Au fond, il est cruelparce qu’il est Poil de carotte, je l’ai déjà dit, et <strong>«</strong> <strong>Le</strong>s perdrix » nous l’annonçait avantque <strong>«</strong> <strong>La</strong> pioche » et <strong>«</strong> L’hameçon » ne viennent nous le confirmer.Au milieu, nous avons trois textes littéralement effrayant sous l’angle de lacruauté :- <strong>«</strong> <strong>La</strong> taupe » qui montre (encore) cet espèce d’affolement devant lamort qui ne vient pas. Poil de carotte tue une taupe ; jusque là, il n’y a rien de bienrépréhensible, tuer une taupe c’est nécessaire pour que le jardin reste en bon état

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