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NOT, André, « La satire sociale dans Le Journal d'une femme

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Outre la description ahurissante de la belle capeline, la dispute des deuxpersonnages met à jour la prudence chafouine de l’épouse et de la témérité cyniquede l’époux. Un personnage <strong>«</strong> grandeur nature », pour lequel l’auteur aurait eu unsouci de vraisemblance, ne dirait pas (à propos de Bordure) : <strong>«</strong> Maintenant que jen’ai plus besoin de lui, il peut bien se brosser le ventre, il n’aura point son duché. » Etla sanction prévisible, partie d’une métaphore, finit par en prendre les termes au senspropre : <strong>«</strong> Fais à ta tête, père Ubu, il t’en cuira. – Et bien tu seras avec moi <strong>dans</strong> lamarmite. »Il est bien évident que ces décalages entre le portrait d’une ambition, sonfonctionnement, son déroulement, et l’objet auquel s’applique cette ambition, lesmoyens de celle-ci, provoquent le rire. En même temps, ils participent d’uneentreprise de déréalisation, de retrait hors des aspects extérieurs, je dirais, de laréalité. Et il est bien évident que le vocabulaire si particulier de la pièce participe decette entreprise de déréalisation. Michel Corvin l’indique fort bien : <strong>«</strong> Ce bâton àphynance, cette machine à décerveler, ce petit bout de bois <strong>dans</strong> les oreilles. Cette<strong>«</strong> Giborgne », cette <strong>«</strong> trappe à noble » ou autres, sont plus que des mots : deschoses qui <strong>dans</strong> leur irréalité dotent d’une réalité inquiétante les agissements du grosUbu. Parodie et rupture des niveaux de langue, de l’archaïque au savant et del’argotique au familier, clin d’œil d’intellectuel, calembours de potache, platitude etemphase, déformation et charabia, tout lui est bon pour creuser d’avantage l’écartavec le beau langage, seul autorisé jusqu’alors à restituer du monde une imagereconnaissable. Or justement Jarry travaille à rendre le théâtre méconnaissable. »(<strong>Le</strong> théâtre en France, p.830)

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