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NOT, André, « La satire sociale dans Le Journal d'une femme

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<strong>La</strong>zare, le dreyfusisme faisait des adeptes […] Parmi les normaliens, charles Péguyse fit l’un des sergents recruteurs du mouvement. » (L’affaire Dreyfus). On a une idéede la virulence et de l’efficacité polémique et stylistique de Péguy si on lit l’un de sesarticles, paru le 15 septembre 1899 <strong>dans</strong> la Revue blanche (L’affaire Dreyfus,p.155) :<strong>«</strong> - Nous avons signalé tout ce que le retentissement universel del’affaire Dreyfus devait aux anti-dreyfusistes. Ce sont eux, disionsnous, qui ont fait de l’accusation une accusation exceptionnelle, dela condamnation, un condamnation exceptionnelle, de la sanction unesanction exceptonnelle. Cela seul conduisait à ce que laréhabilitation fut exceptionnelle. Ce n’était pas assez dire : nonseulement les anti-dreyfusistes avaient fait une injusticeexceptionnelle, mais ils avaient voulu faire une injustice sacrée ;ils avaient fait une injustice religieuse. Entendons-nous bien sur lesens de ce mot. Que la culpabilité de Dreyfus ait été feinte,imaginée, cultivée par les Jésuites et par une immense majorité deCatholiques, c’est un fait évident, important, et nous y reviendrons.Mais outre cela, tout ce qui touchait à l’affaire Dreyfus eut, dès leprincipe, un caractère propre vraiment religieux au sens le plusrespectable de ce mot. L’accusation fut mystérieuse, obscure. <strong>La</strong>condamnation fut mystérieuse, douloureuse à prononcer car il estdifficile à Dieu de venger les injures qu’on lui a faites. <strong>Le</strong>svengeurs du Dieu militaire ne parlaient de l’accusé, du condamné, dumaudit, qu’avec ces périphrases dévotes et douloureuses dont ilconvient d’user pour désigner les sacrilèges. <strong>La</strong> sanction futextraordinaire, savamment cruelle, infernale autant qu’il est permisà de bons catholiques, simples créatures d’imiter l’enfer de leurcréateur. Dreyfus était devenu anathème ; Quiconque le défendaitserait anathème avec lui. L’arrêt du conseil de guerre était unarticle de foi. Ces mots : <strong>«</strong> l’honneur de l’Armée » devinrent uneformule sainte prête pour le latin des prochaines litanies. Et lesfidèles désiraient pieusement massacrer les infidèles. Aussi tous leshommes <strong>dans</strong> la France et <strong>dans</strong> le monde, en quelque partie que la vieles ait classés jusqu’alors ; tous les hommes qui avaient encore aufond de l’âme, je ne dis pas même l’amour, la passion, le désir de lalibre pensée, mais simplement le sens de la franchise, le goût de laclarté, de la propreté, se sont soulevés d’instinct contre cettereligion naissante moins vénérable et non moins mauvaise que lesreligions des anciens dieux. Et inversement, tous ceux qui ont l’âmeserve ont joyeusement fait cortège à la croyance nouvelle. »Donc d’un côté le culte de l’ordre, le culte de l’armée, ordre et armée étantdivinisés ; de l’autre côté le culte de la liberté. <strong>Le</strong> combat pour ou contre Dreyfus est,pour Péguy, un combat qui est d’ordre religieux et qui suppose donc une attitudemystique, j’aurais largement l’occasion de revenir sur ce terme.Quand Péguy parle de la dimension religieuse du conflit, il ne faut pas oublierque ce dreyfusiste est, en même temps, un chrétien. En même temps où deuxcamps antagonistes, celui de l’Église et celui de la République, vont s’affronter surtous les plans et, en particulier sur celui de l’École, Péguy revendique et fait vivre uneextraordinaire et assez inhabituelle liberté de conscience. Sa Jeanne d’Arc, drame en3 pièces et 24 actes, entreprise en 1895, après un voyage à Domrémy et àVaucouleurs, sera publiée en 1897. Il réitérera en 1910, avec <strong>Le</strong> mystère de lacharité de Jeanne d’Arc. À cette occasion, la droite catholique partisane espère lerécupérer. Mais, comme l’écrit Alain Finkielkraut, <strong>«</strong> les recruteurs en sont pour leursfrais : Péguy n’est pas un transfuge. Il s’est modifié mais il est resté le même.Répliquant aux innombrables nouveaux amis qui se réjouissaient de sa conversion età la poignée de fidèles qui s’en alarmaient, il proteste de la constance et de lacohérence de son cheminement intérieur. L’homme nouveau en lui n’a pas tué lejeune homme, le catholique qu’il est (re)devenu assume les engagements de sapériode mécréante et rejette violemment l’étiquette d’ancien dreyfusard bien qu’ellefut alors un passeport pour la célébrité : <strong>«</strong> Non seulement nous n’avons rien à

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