12.07.2015 Views

NOT, André, « La satire sociale dans Le Journal d'une femme

NOT, André, « La satire sociale dans Le Journal d'une femme

NOT, André, « La satire sociale dans Le Journal d'une femme

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

C.T.E.L2001-2002Cours de LMD 140Enregistrement N° 9Ubu Roi, manifeste pour une révolution de l’esthétique théâtraleDivertir, présenter des <strong>«</strong> documents » ou incarner les correspondancespoétiques : voilà en gros, les trois tentations du théâtre <strong>dans</strong> les années 1890. Cettetripartition recouvre, bien sûr, une distribution plus ou moins sociologique du public(grand public, intellectuels et artistes), mais surtout elle révèle que le genre théâtralest un alibi pour des écrivains qui en utilisent les formes convenues sans peut-êtreréfléchir vraiment à sa spécificité. C’est que la réflexion sur <strong>«</strong> la vraie nature duthéâtre » est encore à venir. Elle ne commencera vraiment qu’avec Gordon Craig etle décorateur et metteur en scène suisse Appia, se développera avec Meyerhold etArtaud, entre autres, et se poursuivra avec des gens comme Peter Brook. Ce que jesouhaite ici prouver c’est que, en précurseur, Jarry fournit déjà les bases initiales decette réflexion sur la vraie nature de théâtre.Un examen détaillé de la pièce m’aidera à le prouver. Avant de l’aborder, jemontrerai ce que révèle le parti pris d’un traitement outré des personnages et dessituations. Enfin, je décrirai les formes à travers lesquelles Jarry, jouant des registresscandaleux déploie un spectacle qui met sens dessus dessous les formes culturellesordinaires et instaure un cérémonial carnavalesque.1. <strong>Le</strong> parti pris de l’outrance <strong>dans</strong> la médiocrité<strong>Le</strong> père Ubu renverse le roi de Pologne et monte sur le trône à sa place. Iljoue Macbeth, on l’a vu. Pour autant, il n’est pas Macbeth, puisqu’il n’a aucunprestige et que le roi qu’il renverse n’a pas plus de prestige que lui. Ce roi n’est qu’unpère de famille bougon qui se dispute avec son épouse geignarde et querelle desenfants mal élevés. Souvenons nous ainsi de la scène où, peu avant l’attentat dont ilsera victime, il fait ses remontrances au jeune Bougrelas : <strong>«</strong> Monsieur Bougrelas,vous avez été ce matin fort impertinent avec M.Ubu, chevalier de mes ordres etComte de Sandomir. » Puis à sa <strong>femme</strong> : <strong>«</strong> Madame, je ne reviens jamais sur ce quej’ai dit. Vous me fatiguez avec vos sornettes. » Enfin, de nouveau, à l’impertinentBougrelas : <strong>«</strong> Taisez-vous, jeune sagouin. Et vous madame, pour vous prouvercombien je crains peu le père Ubu, je vais aller à la revue comme je suis, sans armeset sans épée. » Une relecture de ces répliques attentive aux registres de langagefera apparaître sans difficulté la coexistence de formules majestueuses et denotations triviales. L’ensemble fait de cette famille royale une famille très ordinaire,occupée de simples questions d’autorité domestique tout en exhibant l’autoritémonarchique.Si le monarque est un homme dénué de prestige, son ministre est pire encore.<strong>Le</strong> père Ubu et la mère Ubu (les Ub’s comme les appelle parfois Jarry) constituent uncouple de petits bourgeois aux ambitions mesquines, mais dotés des défautsordinaires de l’humanité poussés jusqu’au paroxysme. C’est le décalage entre cetteamplification des défauts et la petitesse ridicule des effets qu’ils visent qui les définit

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!