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NOT, André, « La satire sociale dans Le Journal d'une femme

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volontiers associée à la souffrance, au sang répandu, aux plumes dispersées, auxpoils souillés de sang. Poil de carotte s’exhibe comme celui qui peut séduire en secouvrant de sang. Et, évidemment, cette exhibition est désespérée, elle est lareconnaissance du fait qu’il est une sorte d’intouchable à qui l’on a réservé un certainnombre de tâches subalternes, ce qui permet d’être dégoûté de lui assezrapidement.Et, évidemment, ce thème de la cruauté va être encore renforcé par saconcomitance avec le thème de la scatologie.On a, au début du livre, une série de chapitres qui sont assez insupportablesaussi et qui concernent les difficultés de continence de Poil de carotte, appelons celacomme ça.Après une première épreuve nocturne qui consiste à partager le lit de sa mèreet à se faire pincer les fesses à chaque fois qu’on se laisse aller à ronfler, le livrenous révèle comment Poil de carotte se laisse aller et est malpropre. Il se laisse allerà des incontinences urinaires et parfois certainement un peu plus qu’urinaires. EtMme <strong>Le</strong>pic, pour le punir, au réveil de Poil de carotte, lui apporte sa soupe au lit,<strong>«</strong> une soupe soignée, où Mme <strong>Le</strong>pic, avec une palette de bois, en a délayé un peu,oh ! très peu. »…délayé…quoi ? vous pouvez toujours vous l’imaginer. Et sous leregard amusé de ses deux enfants les plus grands, elle dit : <strong>«</strong> - Attention ! préparevous! – Oui, maman ! -. Par avance, ils s’amusent des grimaces futures. » On vafaire boire à Poil de carotte, mélangées à sa soupe, ses propres déjections. Et Mme<strong>Le</strong>pic <strong>«</strong> lève lentement la dernière cuillerée, l’enfonce jusqu’à la gorge, <strong>dans</strong> labouche grande ouverte de Poil de carotte, le bourre, le gave, et lui dit, à la foisgoguenarde et dégoûtée : - Ah ! ma petite salissure, tu en as mangé, tu en asmangé, et de la tienne encore, de celle d’hier. – Je m’en doutais – répondsimplement Poil de carotte, sans faire la figure espérée. »En même temps, on va avoir ce drame nocturne, le drame du <strong>«</strong> pot », où lechapitre est déployé en trois actes très précisément numérotés et indiqués <strong>dans</strong> lelivre :- D’abord le premier acte des préparatifs nocturnes et de la premièreangoisse à laquelle cède Poil de carotte ; il s’oublie délibérément <strong>dans</strong>le lit : <strong>«</strong> si je fais pipi tout de suite, je ferai peu, et mes draps auront letemps de sécher à la chaleur de mon corps. Je suis sûr, parexpérience, que maman n’y verra goutte. » et il s’endort parfaitementsereinement.- Deuxième acte : les choses sont beaucoup plus grandes. Dans <strong>«</strong> sonventre », dit-il, <strong>«</strong> ça se gâte ! ». Il essaie absolument d’assouvir cebesoin qui est irrépressible, <strong>«</strong> il rampe par terre et ses mains ramentsous le lit à la recherche d’un pot qu’il sait absent », et finit par selaisser aller entre les chenets de la cheminée.- <strong>Le</strong> lendemain, troisième acte : découverte de la catastrophe et punitionde la mère qui ameute tous les voisins et leur fait constater qu’elle a unfils suffisamment animal pour se laisser aller à faire son <strong>«</strong> grosbesoin », comme dit Sartre <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s mots, <strong>dans</strong> la cheminée.Donc, cette scatologie, cette insistance sur l’excrémentiel, nous livre une obsessiondu corps scandaleux, et le corps de Poil de carotte est à la fois scandaleux et risible,je voudrais attirer votre attention sur la première des lettres échangée entre Poil decarotte et son père : <strong>«</strong> Mon cher papa, mes parties de pêches des vacances m’ontmis l’humeur en mouvement ». Alors, l ‘ <strong>«</strong> humeur », on est au 19 ème siècle, à une

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