Macbeth est en scène et dit ceci à propos de Duncan :Cette lecture est indispensable <strong>dans</strong> la mesure où ce sont des détails qui vont êtrerapprochés de la première scène d’Ubu Roi :
<strong>La</strong> clef de la transmission se trouve me semble-t-il <strong>dans</strong> le rapprochement de deuxdétails analogues. <strong>La</strong>dy Macbeth dit à son époux : <strong>«</strong> Voudrais-tu […] vivre couard<strong>dans</strong> ta propre estime, laissant un je n’ose pas suivre un je voudrais, comme lapauvre chat de l’adage ? ». <strong>Le</strong> père Ubu répond ainsi à sa <strong>femme</strong> qui le soupçonnede vouloir rester <strong>«</strong> gueux comme un rat » : <strong>«</strong> j’aime mieux être gueux comme unmaigre et brave rat que riche comme un méchant et gros chat. » <strong>Le</strong> proverbeshakespearien (ou plutôt l’allusion shakespearienne à un proverbe non cité) devientchez Jarry une sorte de radotage marqué par une cacophonie de consonnes quisemblent n’avoir été convoquées que pour embrasser la diction du comédien.Quelque chose de l’ordre des <strong>«</strong> chaussettes de l’archiduchesse ». En outre, <strong>La</strong>dyMacbeth, pour pousser son mari à l’action et lui rappeler qu’il a juré et qu’il doitrespecter son serment, lui dit : <strong>«</strong> (si je m’étais parjuré comme vous, mon enfant, quime tétait) au moment où il souriait à ma face, j’aurais arraché le bout de mon sein deses gencives sans os, et lui aurait fait jaillir la cervelle si je l’avais juré comme vousavez juré ceci ! ». Cette cruauté démesurée, très shakespearienne, on la retrouve<strong>dans</strong> les menaces du père Ubu à la mère Ubu : <strong>«</strong> Moi je commence : torsion du nez,arrachement des cheveux, pénétration du petit bout de bois <strong>dans</strong> les oreilles,extraction de la cervelle par les talons, lacération du postérieur, suppression partielleou même totale de la moëlle épinière (si au moins ça pouvait lui ôter les épines ducaractère), sans oublier l’ouverture de la vessie natatoire et finalement la grandedécollation renouvelée de Saint Jean-Baptiste, le tout tiré des très saintes Écritures,etc… » Donc, cette cruauté, effrayante <strong>dans</strong> le texte de Shakespeare, devientparfaitement bouffonne chez Jarry. De même, la formule lapidaire et mystérieuse delady Macbeth : <strong>«</strong> soyez plus que vous n’étiez, vous n’en serez que plus homme »devient, de façon beaucoup plus prosaïque, <strong>dans</strong> la bouche de la mère Ubu : <strong>«</strong> à taplace, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône. »Quant aux détails de la conspiration, lady Macbeth les suggère à son mari(dernière tirade : <strong>«</strong> lorsque Duncan sera endormi »…) tandis que, chez Jarry, ils sontfixés lors de la scène de la conspiration (acte I, scène 7) :