Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000fraction de seconde où tous les élémentsde l’image sont à leurmeilleur. Il sait qu’il lui faut ensuitetenir compte de la lumièreambiante, puis trouver le meilleurpoint de vue possible pour prendrela photo. Et l'on pourrait allonger laliste de ses savoir-faire et préciserleur place dans le processusrattaché à la compétence.DÉBUSQUER L’INVARIANTUne autre caractéristique des compétencestransversales et disciplinairestient dans la capacité despersonnes qui les possèdent dereconnaître les situations danslesquelles elles s’avèrent utiles.Comme ces situations peuvent grandementdifférer les unes des autres,les personnes compétentes saventpercevoir ce qui ne change pas del’une à l’autre. Elles savent repérerl’invariant, c’est-à-dire les caractéristiquesfondamentales des situations,caractéristiques qui ne changentpas d'une situation à l'autre etqui font en sorte que la compétencepeut y être utilisée efficacement.Souvent, l’invariant saute aux yeux,mais, d’autres fois, il se dissimulesous les caractéristiques uniques etinédites d’une situation. Imaginons,par exemple, un adulte qui construitde nouveaux murs à l’intérieurde sa maison. Parce qu’il n’a pasd’équerre ou de rapporteur d’angle,il ne sait pas comment s’assurerque les nouveaux murs forment unangle droit avec les murs adjacents.On peut dire de cette personnequ’elle ne possède pas la compétenceà résoudre des problèmesmathématiques, parce qu’elle nevoit pas les caractéristiques invariablesdu problème mathématiquesous l’enrobage du problème deconstruction. Si elle savait reconnaîtrecet invariant, elle pourraitposer le problème d’une façon mathématiqueet recourir au théorèmede Pythagore.Comme les compétences transversaless’exercent dans des situationsencore plus diverses et bigarréesque les compétences disciplinaires,la capacité à débusquer l’invariantqui leur est attaché s’avère souventplus complexe que celle que l’ondoit mettre en œuvre avec les compétencesdisciplinaires. Ainsi, lacompétence transversale à mettreen œuvre sa pensée créatrice peutse révéler utile dans des situationsdiverses et apparemment sanspoints communs. À y regarder deprès, cette compétence transversaleserait fort utile dans des situationsaussi différentes que les suivantes :1) communiquer d’une manièreoriginale les résultats d’unerecherche sur l’apport des peuplesamérindiens à la société québécoiseactuelle; 2) trouver des façons deremédier à la violence dans la courde récréation; 3) énoncer desexplications possibles au mouvementde rotation de la terre.LES DIFFÉRENCESÀ partir de ce qui précède, on aurasaisi qu’une des principales différencesentre les compétences disciplinaireset transversales est lecontexte dans lequel on les utilise.Les compétences disciplinaires sontévidemment utilisées dans un contextedisciplinaire. Elles s’appliquentdonc à une branche particulièredu savoir. Les compétencestransversales quant à elles sont plusPhoto : Denis Garonuniverselles. On dit aussi, dans lamême ligne, qu’elles sont décontextualisées,orphelines de contexte.Elles ne se rattachent ni au contextede la mathématique ni à ceux de lascience et des arts, mais elles peuventservir dans tous ces contextes.Il est donc tout aussi vrai de direqu’aucun contexte ne s’y rattache(elles sont décontextualisées) ouqu’elles valent pour tous les contextes(ou, du moins, pour ungrand nombre). Ainsi, la compétencetransversale à résoudre desproblèmes n’est ni langagière, nimathématique, ni morale ou sportive.Elle peut être tout cela selonles circonstances particulières danslesquelles on l’active.On pourrait dire les choses autrement: une compétence ne peut êtredite transversale que si on l’utiliseefficacement dans plusieurs disciplines.Un élève qui excelle dans larésolution de problèmes mathématiquesne possède pas nécessairementla compétence transversale àrésoudre des problèmes, même sisa compétence en mathématiqueexiste bel et bien. Pour que sa compétenceà résoudre des problèmesdevienne transversale, il doitpouvoir l’utiliser efficacement enfrançais, en histoire, géographie etéducation à la citoyenneté, en éducationphysique. S’il y arrive, lacompétence peut être dite transversaleau sens étymologique du mot,parce qu’elle traverse plusieurs disciplines(« transversal » vient dumot latin transversus qui a d'aborddonné le mot français « travers »,puis le verbe « traverser »). Danscette logique, l’apprentissage d’unecompétence transversale passeobligatoirement par des apprentissagesdans plusieurs disciplines.L’élève manifestera une compétencetransversale s’il peut l’utiliser efficacementdans plusieurs disciplines,s'il peut changer de discipline,traverser d'une discipline àl'autre, tout en manifestant le mêmesavoir-agir.LIENS EXPLICITES ETIMPLICITESOn mentionne dans le Programmede formation, une cinquantaine decompétences disciplinaires et onzecompétences transversales. Existe-tildes liens entre chacune des compétencesdisciplinaires et chacunedes compétences transversales ?Probablement pas. Mais même si ladémonstration reste à faire, on peutaffirmer sans se tromper quechaque compétence disciplinaireest en relation avec plusieurs compétencestransversales. Encore fautilpréciser que ces liens ne sautentpas tous aux yeux avec la même évidence.Il existe, entre les deux typesde compétences, des relations tantôtexplicites, tantôt implicites.Relations explicitesLes relations explicites entre les deuxtypes de compétences sont souvent lefait d’une parenté des formulations. Ilne faut pas être fin limier, par exemple,pour voir la proximité de la compétencetransversale à communiquerde façon appropriée avec lacompétence disciplinaire à communiqueren utilisant les ressourcesde la langue (éducation préscolaire)ou, en y regardant d’un peu plusprès, avec celle à interagir dans lesrôles de récepteur et d’émetteur(anglais, langue maternelle). De lamême manière, bien que le libellédes compétences diffère, on perçoitaisément la proximité de la compétencetransversale à mettre enœuvre sa pensée créatrice avec lacompétence disciplinaire à inventerdes pièces vocales ou instrumentales(musique).Relations implicitesCet exemple de la créativité permetd’envisager des relations moinsexplicites entre les compétencesdisciplinaires et transversales. Eneffet, si l’on associe spontanémentla créativité et les arts, il n’endemeure pas moins qu'elle s’avèretout aussi nécessaire en mathématique,en science ou en morale, àmoins que l’on n’ait une visiontoute mécaniste de ces disciplineset que l’on considère que l’on yapplique rigoureusement, sans lemoindre écart, des processus établisd’avance. Pourtant, il est bienclair que, à des niveaux très élevéscomme à des niveaux simples, despersonnes peuvent faire preuve decréativité en morale ou en mathématique.Einstein n’était pas unsimple applicateur de processusquand il a conçu la théorie de larelativité. Des élèves du primaire nesont pas non plus esclaves desprocessus quand on leur laissedéterminer à leur manière, pendantle cours de mathématique, la superficiede la cour d’école. Ils fontpreuve de créativité.En fait, pour déterminer lesrelations qui existent entre unePÉDAGOGIQUE 41<strong>DOSSIER</strong>
<strong>DOSSIER</strong>compétence transversale et unecompétence disciplinaire, il fautsouvent se référer à une situationd’apprentissage. Si l’on se demande,par exemple, s’il existe une parentéentre la compétence disciplinaire àlire des textes variés (français,langue maternelle) et la compétencetransversale à faire preuve de senséthique, la réponse peut changerradicalement selon la situation d’apprentissageà laquelle on se réfère.Selon que le texte proposé auxélèves est un manifeste en faveur dela stérilisation des personnes handicapéesou un poème sur la beautédu printemps, on pourra ou on nepourra pas établir de relations entrela compétence transversale et lacompétence disciplinaire.On pourrait dire aussi que les liensentre les compétences transversaleset disciplinaires apparaissent deplus en plus explicites à mesure queprogresse la compréhension quel’on a de chacune des compétencestransversales et disciplinaires. <strong>Au</strong>delàdes mots utilisés pour décrireune compétence et ses composantes,il existe des parentés quel’on ne peut pas saisir avant de lesavoir scrutées de près. Ainsi, seulun œil averti reconnaîtra que lacompétence transversale à résoudredes problèmes possède beaucoupde similitudes avec la compétencedisciplinaire à prendre uneposition éclairée sur des situationscomportant un enjeu moral(enseignement moral). On pourraitaffirmer, sans trahir le programmed’enseignement moral, que cettedernière compétence correspondjustement à la résolution de problèmesdans cette branche particulièredu savoir qu’est la morale.Prendre une position éclairée surdes situations comportant unenjeu moral, c’est résoudre desproblèmes moraux. Une fois familiariséavec les compétences disciplinaireset transversales, un enseignantpeut repérer, au-delà desapparences, les parentés et les convergencesentre elles.L’INTERSECTIONUne bonne façon de comprendreles relations entre les compétencesdisciplinaires et transversales consisteà les comparer à des routes. Lemot « transversal » est d’ailleursutilisé depuis des siècles pour parlerde chemins. Dès le 13 e siècle, enfrançais provençal, on disait viatransversala pour « chemin de traverse». <strong>Au</strong>jourd’hui encore, onutilise l’adjectif « transversal » dansle langage de la voirie. Une route estappelée transversale lorsqu’elle encoupe une autre perpendiculairement,lorsqu’elle la traverse à angledroit. Dans cette logique, on peutimaginer que plusieurs compétencestransversales coupent plusieurscompétences disciplinaires perpendiculairement.Qu’est-ce à dire ? Il ya une intersection, un point de rencontre,entre plusieurs compétencesdisciplinaires et plusieurs compétencestransversales. Il s’agit dechemins qui se croisent, se rencontrent,à l’intersection desquels ilexiste une nouvelle réalité. Quandon s’y trouve, on n’est plus ni surl’une ni sur l’autre, mais au coin deSherbrooke et Papineau, par exemple.Il appartient à l’enseignant decréer des situations d’apprentissagequi donneront l'occasion aux élèvesde se trouver dans des lieux decroisement des deux types de compétences.L’ÉCHANGEURLa relation entre une compétencedisciplinaire et une compétencetransversale risque toutefois d’êtreà l’étroit dans l’image d’une intersectionentre deux voies routières,même si celles-ci sont d’immensesboulevards comme les compétencesà écrire des textes variés (français,langue maternelle) ou à exploiterl’information (compétence transversaled’ordre intellectuel). Unesituation d’apprentissage, un projetmené par plusieurs enseignants parexemple, peut se situer au carrefourde plusieurs compétencestransversales et disciplinaires.L’imagerie routière doit alors quitterle coin de la rue pour se déplacervers les immenses échangeursque l’on trouve à la croisée deplusieurs autoroutes. Une situationd’apprentissage dans laquelle lesélèves seraient amenés à créer unepièce de théâtre pour sensibiliserleurs compagnons et compagnes àl’importance de l’activité physique,par exemple, serait au carrefourd’un grand nombre de compétencestransversales et disciplinaires.En voici quelques-unes, à titre indicatif: parmi les compétences transversales,exploiter l’information,mettre en œuvre sa pensée créatrice,pratiquer des méthodes efficacesde travail et travailler en coopération;parmi les compétencesdisciplinaires, inventer des séquencesdramatiques (art dramatique),mettre en œuvre une démarchevisant à améliorer unehabitude de vie (éducation physique)et agir en prenant en comptedes modes de raisonnement propresaux sciences et à la technologie(science et technologie).SITUATIONS D'APPRENTISSAGECOMPLEXESQuelles sont les conséquences dece qui précède sur l’apprentissagedes compétences transversales etdisciplinaires ?D'abord, comme les compétencesdes deux types sont des savoir-fairecomplexes, leur développement nepeut pas se réduire au seul apprentissagede leurs éléments les plussimples. Il est certes fort utiled'apprendre à parler suffisammentfort pour communiquer oralementd’une manière efficace. Mais 50exercices de projection de la voix neferont pas d'un élève un communicateurefficace. On pourra luiapprendre à présenter ses idées defaçon cohérente, mais 10 exercicessur les relations entre les idées etl'ordre de leur présentation n'enferont pas non plus un orateur persuasif.Il faudra tôt ou tard, et le plustôt sera le mieux, le mettre en situationde communiquer réellement. Ilfaudra le placer en situation complexe,c'est-à-dire dans une situationoù il aura à coordonner, àorchestrer toutes les ressources querequiert la compétence. Dans cettesituation complexe, adaptée à sondéveloppement, il devra bien sûrparler clairement et d’une façonaudible et présenter ses idées selonun déroulement cohérent, tout enmettant en œuvre encore beaucoupd'autres habiletés.<strong>Au</strong> développement de savoir-fairecomplexes correspond donc lamise en place de situations d'apprentissagecomplexes. On dit souventque pour manger un éléphant,il suffit de le découper en petitesbouchées. Cette perspective est partiellementfausse en ce qui touche ledéveloppement des compétencestransversales et disciplinaires. Pourapprendre à interpréter le changementdans une société et lestransformations apportées à sonterritoire (géographie, histoire etéducation à la citoyenneté), on nepeut s'en tenir uniquement auxpetites bouchées comme situer lasociété dans le temps ou situer desévénements sur la ligne du temps.Ces deux opérations sont indispensablesmais insuffisantes. Il fautaffronter cet éléphant qu'est l'interprétationdu changement, quitte àne pas prendre un éléphant tropâgé et trop encombrant pour tenircompte de l'âge et du développementdes élèves. <strong>Au</strong>trement dit,l’enseignant doit créer des situationsdont la complexité est réelle,mais adaptée à l'élève.S'il fallait un argument de plus enfaveur des situations complexes, onpourrait en ajouter un de taille. Unevéritable compétence est destinée àêtre utilisée dans la vraie vie. Or lavraie vie nous place souvent dansdes situations complexes qui requièrentdes savoir-faire de haut niveau.CARREFOUR DESAPPRENTISSAGESUne autre des caractéristiques dessituations qui visent l'apprentissagede compétences disciplinaires ettransversales, c'est qu'elles se trouventtoujours à une intersection decompétences. Dans le plus simpledes cas, il s'agit de l'intersectiond'une compétence transversale etd'une compétence disciplinaire.Pourquoi en va-t-il ainsi ? D'abord,comme on l'a déjà dit, parce qu'ilexiste plusieurs points de rencontreentre les compétences disciplinaireset les compétences transversales.Toutefois, cette raison seuleserait insuffisante. Il faut ajouterque les compétences transversalesVIE 42 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000Photo : Denis Garon
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