Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000sont sans contexte, donc sans objet,mais qu'il faut les développer dansun contexte qui a du sens. <strong>Au</strong>trementdit, les compétences transversalesservent à tout, ou serventpartout si l'on préfère, mais on nepeut les acquérir qu'en les utilisantpour quelque chose, quelque part.Quant aux disciplines, elles sont desoccasions en or pour exercer etdévelopper des compétences transversales.Ainsi, en éducation physique,développer la compétence àmettre en œuvre une démarchevisant à améliorer une habitudede vie offre une belle occasion dedévelopper, en même temps, lacompétence transversale à développerson identité personnelle. Eneffet, cette compétence transversaledoit permettre à l'élève de cernerles valeurs et les buts qui guidentson agir et de réaliser ses intentions.Les habitudes de vie constituentun contexte signifiant etpertinent pour incarner cette compétence.En fait, dans ce cas-cicomme dans tous les autres, la disciplinen'est pas seulement un lieud'enracinement de la compétencetransversale dans la vraie vie. Il y aplus encore. Il y a convergenceentre la compétence transversale etla compétence disciplinaire. Lesdeux mènent dans la même direction.On peut les développer ensynergie, non pas l'une à côté del'autre, mais l'une grâce à l'autre,l'une en même temps que l'autre.L'APPRENTISSAGE EXPLICITEIl existe une autre caractéristiquedes situations d'apprentissage quifavorisent le développement descompétences transversales et disciplinairesqui n'a pas été citée oupréparée par ce qui précède, maisqui semble incontournable. Lescompétences transversales et disciplinairess'apprennent d’une manièreexplicite. Cela signifie quel'élève sait quelles compétences disciplinaireset transversales il al'occasion de développer dans unesituation d'apprentissage. Cela supposede plus que l’élève connaît etutilise les processus généraux descompétences qu'il développe.On n'acquiert pas une compétenceà son insu, sans en avoir conscience.On ne se réveille pas unbeau matin en disant : « Tiens, voilàque je suis quelqu'un qui sait bienécrire. Comment ai-je pu en arriverlà ? » ou « Je suis capable d'expliquercomment le Québec d'aujourd'huiest façonné par des événementsqui se sont produits il y a 200ans, mais je ne peux pas dire commentj'ai acquis cette compétence ».Conséquemment, l'enseignant nejoue pas à la cachette avec lesélèves. Il ne se dit pas : « Je vais leurconcocter une belle situation d'apprentissageet je verrai avec eux,lorsqu'elle sera terminée, s'ils peuventreconnaître les compétencesqu'ils ont améliorées ». Bien sûr, ilfaut faire cet exercice au termed'une situation d'apprentissage,mais c'est aussi dès le début et encours d'apprentissage que l'élèvedoit être conscient des compétencesqu'il développe, des processusqu'il met en œuvre, des connaissancesqu'il mobilise relativement àces compétences.Cette conscience de ce que l'onapprend et de la façon dont on l'apprendest inscrite d'une façon particulièredans le Programme de formationde l'école québécoise. Danstoutes les compétences transversaleset dans plusieurs compétencesdisciplinaires, on trouve, en effet,une composante métacognitive.Qu'est-ce à dire ? La formulationdes compétences comporte des élémentsqui rappellent qu'une personnecompétente prend consciencede ce qu'elle fait et de lafaçon dont elle le fait. C'est une partieimportante de son expertise.Ainsi l'enseignant qui aide un élèveà nommer et à expliquer ce qu'ilfait et comment il s'y prend ne seplie pas aux caprices d'une modepédagogique, mais lui donne unautre moyen de devenir de plus enplus expert et de plus en plusautonome pour affiner son expertise.On se trouve ici dans ledomaine de l'application pédagogiquedu proverbe Il vaut mieuxapprendre à pêcher que de donnerun poisson. Sur le plan pédagogiquecela se traduit ainsi : il vautmieux apprendre par soi-même àfaire le point sur sa compétence,ses forces et ses faiblesses et à tirerparti de toutes les situations pour laparfaire plutôt que de demeurer àla remorque de quelqu'un d'autrepour discerner ce que l’on est entrain d'apprendre.Comme on l'a déjà signalé, lapersonne compétente est cellequi reconnaît les caractéristiquesd'une situation dans laquelle sacompétence peut être utile. CettePhoto : Denis Garonreconnaissance de l'invariant doitaussi s’apprendre d’une manièreexplicite. C'est une raison de plus enfaveur de situations d'apprentissagependant lesquelles tous les élémentsdes situations elles-mêmes et de lacompétence visée sont clairementmis à jour, nommés et analysés.LA DÉRIVE DISCIPLINAIREArriver à créer des situations d'apprentissagequi favorisent le développementde compétences disciplinaireset transversales est un artqui demande le sens de l'équilibre.Cet art requiert de savoir doser lesdiverses composantes de la situationd'apprentissage que l'on proposeà l'élève. Quand cet équilibren'est pas respecté, au moins troisdérives sont possibles. Chacune deces dérives est causée par une insistanceexcessive sur un aspect essentield'une bonne situation d'apprentissage.La première est la dérive disciplinaire.Elle consiste à passer soussilence les compétences transversales,sous prétexte que chaquecompétence disciplinaire cache unecompétence transversale et que, desurcroît, la discipline fournit lecontexte nécessaire au développementde la compétence transversale.Cette attitude de l'enseignantne favorise pas l'acquisition d'acquistransversaux, parce qu'elle nepermet pas un apprentissage conscientet explicite des compétencestransversales. Elle présume que lescompétences transversales sontdonnées en prime et sans douleur àl'élève qui développe des compétencesdisciplinaires. Elles lui sontdonnées à la manière d'un cadeausurpriseque l'on glisserait à soninsu dans sa poche et dont il saurase servir naturellement au momentopportun sans même en connaîtrele mode d'emploi.Comme les apprentissages disciplinairessont bien ancrés dans lespratiques pédagogiques, la tentationde s'en tenir à eux est bien réelle.En y succombant, l'enseignant évitede relever réellement le défi de l'intégrationexplicite des compétencestransversales dans les situationsd'apprentissage.LA DÉRIVE TRANSVERSALELa deuxième dérive dans la constructiondes situations d'apprentissageest à l'opposé de la première.Elle consiste à ne se préoccuperque des compétences transversales,sous prétexte qu'elles contiennenttoutes les compétences disciplinaires.Dans cette logique, on pourradire que la compétence transversaleà mettre en œuvre sa penséecréatrice englobe un bon nombrede compétences en langue et en artpar exemple (écrire des textes variés,inventer des séquences dramatiques,réaliser des créationsplastiques personnelles, inventerdes danses, inventer des piècesvocales ou instrumentales). Enpoursuivant l'exercice de fusion descompétences disciplinaires dans lescompétences transversales, on peutsûrement se donner l'illusion queles premières peuvent toutes êtreabsorbées par les secondes.Dans cette perspective, on considèreles disciplines comme des accessoiresutiles mais non indispensables.Il suffit de saupoudrer unpeu de sucre disciplinaire sur lescompétences transversales pourleur donner bon goût, pour montrerqu'elles peuvent servir à quelquechose. On surfe sur les disciplinesavec la planche des compétencestransversales sans vraiment y entrer.PÉDAGOGIQUE 43<strong>DOSSIER</strong>
<strong>DOSSIER</strong>LA DÉRIVE (OU LA FOLIE) DESGRANDEURSLa troisième dérive tient à la grandeparenté des compétences disciplinairesentre elles et avec les compétencestransversales. En concevantune situation d'apprentissage, il estfacile de s'emballer et d'établirqu'elle visera au développement desix compétences transversales et dequatre compétences disciplinaires.À cause de la parenté d'un grandnombre de compétences, il estévidemment aisé de démontrer lacohérence de l’agencement des dixcompétences. Et cette démonstrationne fait pas que jeter de lapoudre aux yeux. La convergenceet la complémentarité des dixcompétences sont réelles. Maispeut-on affirmer sans sourcillerqu'un élève peut réellementdévelopper en toute conscience dixcompétences dans une seule activitéd'apprentissage ? On aura beau consacrerdeux ou trois semaines àcette activité, on n'y parviendra pas.On entend ici l'écho du proverbeQui trop embrasse mal étreint.LA SYNERGIELes lignes qui précèdent, je l'espère,auront permis de percevoirque les relations entre les deuxtypes de compétences sont réellesen théorie et possibles dans la pratique.On pourrait retenir, en fait,que c'est par leur fusion dans lessituations d'apprentissage que lescompétences transversales et disciplinairesrévèlent tous les liens quiles unissent et prennent tout leurpouvoir formateur, toute leur force.On pourrait les comparer à l'eau etau sable qui revêtent une puissancenouvelle, différente, en devenant duciment. L'image est probablementusée, aussi vaut-il mieux laisser lepoète Gilles Vigneault la présenter.Sur l'eau et le sableOn bâtit rarementL'eau est insaisissableEt le sable mouvant.Mais tous les deux ensembleRenforcent le ciment(Les outils, chanson tirée del’album C'est ainsi que j'arrive àtoi.)Jean-François Giguère est responsabledu programme d’enseignementmoral à la Directionde la formation généraledes jeunes au ministère del’Éducation.D’entrée de jeu, il faut faire placenette de deux grands malentendus,dont le premier ressemble fort à unprocès : la machination pour dévaloriserles disciplines ou le complotpsychopédagogique, d’une part; laperception d’une approche duchangement par « table rase »,d’autre part.Le premier malentendu a connuune formulation haute en couleur,en vigueur rhétorique, en indignationd’avocat de la poursuite, toutrécemment, dans un ouvrage collectifintitulé Main basse sur l’éducation(Montréal, éd. Nota Bene,1999). Comme, dans le film néoréalisteMain basse sur la ville, lamafia détourne à son profit le pouvoirmunicipal, les psychopédagoguesauraient conquis la formationdes enseignants et l’école augrand détriment du sérieux des disciplines: lettres, arts, sciences, histoire,etc. Ce pamphlet repose surun postulat de « jeu à sommenulle », comme on dit dans lathéorie des jeux : plus l’école sera« pédagogique », moins elle serasavante et authentique, et viceversa.Nous sommes en pleine paranoïaet théorie du complot (disons :herméneutique du soupçon, pournous dédouaner auprès de quelquesaugustes sociologues !) : lapsychopédagogie se ferait passerpour un discours rigoureux en vuede soustraire des ressources uni-DUNE RÉFORME PARTICULIÈREMENTPROMETTEUSE POUR LE SECONDAIREpar Arthur MarsolaisD’une certaine façon, la réformedes programmes décrite de banaliser celles-ci dans les clasversitairesaux vraies disciplines etdans l'énoncé de politique ses en les réduisant à l’état de prétexteset d’occasions pour desL’école, tout un programme est plusprometteuse pour le secondaire que apprentissages détachés d’elles. Or,pour le primaire ou, du moins, plus nous ne sommes pas dans un jeu àorganiquement articulée en fonction somme nulle. Un enseignement dedes besoins et du potentiel du premierque du second. Pourtant, à langue et littérature, absolumentl’histoire, ou de la physique, ou del'heure actuelle, les effets du calendrierd’implantation laissent planer plinaire, mais en même tempsauthentique sur son terrain disci-le doute inverse, car on commence inspiré et peut-être génial du pointlogiquement par le primaire dans la de vue pédagogique, sera toujoursrévision des programmes. Je voudraisdonc explorer ici en quoi cette ment inepte ou bébête.meilleur que le même pédagogique-réforme est attrayante et prometteuse Il y a un second malentendu possibleà prévenir : l’idée d’un change-pour les élèves et pour les enseignantsdu secondaire.ment qui fait table rase, qui est unerupture totale. Comme si, jusqu’ici,QUELQUES OBJECTIONSnous avions travaillé contre l’apprentissageet que c’était grâce PRÉALABLES À LEVERauxprogrammes révisés que nous commencerionsà travailler pour eux !En réalité, il y a une forte continuitémais aussi une certaine rupture,saine et prometteuse. Nous y reviendrons.L’important, pour aborder letout avec l’esprit libre et critique,c’est de comprendre que l’onaccentue la nouveauté pour des raisonsrhétoriques, de persuasion, derattachement du présent à un idéaldurable d’excellence de l’éducation.La réforme, cependant, n’estpas un retour à la case zéro : c’estun pas en avant, possible, exigeantet professionnellement gratifiant àpartir du point où nous sommesarrivés et des grands progrès réalisésdepuis 10, 20, 30 ans dansl’éducation scolaire.Pour procéder en toute clarté, regardonsce qui concerne chaquematière sur son terrain, ce qui concerneplus d’une matière, ce quiconcerne l’ensemble des matières et,enfin, ce qui relève de la structurationde la progression des élèves.CHAQUE MATIÈRE AU DÉFI DESOLLICITER PLUS DIRECTEMENTLES CAPACITÉS DES ÉLÈVESQue signifie, dans l’esprit de laréforme, relier une matière donnée,quelle qu’elle soit, à des compétencesintellectuelles transversales ?Pour mieux le comprendre, examinonsce que dit de plus en plusla recherche empirique sur cequi se passe dans les classes excellentes.La recherche, en effet, a beaucoupconsisté à observer ce que fontd’instinct les professeurs qui obtiennentd’excellents résultats. Ilressort qu’ils poussent leurs élèvesà se servir de capacités intellectuellesqui dépassent un seuilélémentaire. Ainsi, retenir del’information est élémentaire. Latraiter est déjà plus complexe.Traiter intellectuellement de l’informationcomporte toutes sortesd’actions : la trouver, la compléter,bien l’agencer, la vérifier parfois. Et,dans tout cela, la comprendre seprofile d'une manière inévitable :comprendre de mieux en mieux etde plus en plus.Si, dans une classe très ordinaire, lesélèves ne dépassent pas beaucoup latâche médiocre de retenir, d’engrangerpour ainsi dire, l’informationfournie par le professeur ou lemanuel, dans la classe plus performante,les élèves sont obligés d'appliquer,avec de l’aide mais en modeautonome croissant, des capacitésintellectuelles plus élevées. Si certainschanceux, comme la recherchea permis de l’observer, le font d’instinct,il est possible aussi de le fairede manière délibérée, avec méthode.Poser comme consigne, comme«souci partout » (d’où le qualificatiftransversal des compétences transversales),de pousser vers l’exercicede capacités intellectuelles plusélevées et plus complexes que simplementretenir pour répéter à l’examen,c’est le sens des compétencestransversales d’ordre intellectuel.Depuis très longtemps, il est questiondans les travaux de rechercheen Amérique du Nord de genericskills ou de higher skills. <strong>Au</strong>Québec, la réflexion sur ce sujet abeaucoup passé par le thème de laformation fondamentale. Ce n’est passi neuf, mais enfin reconnu etproclamé comme important, importantdans chaque matière.Il y a, en quelque sorte, une façoncomplice de la paresse intellectuellede faire apprendre l’histoireou la chimie ou la musique ouune langue vivante et une façonnon complice. Le grand psycho-VIE 44 Vie pédagogique 116, septembre-octobre2000
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