Chapitre 1. Les enjeux d’un monde en évolutionpays riches. 30 Sans la croissance, il est beaucoup<strong>plus</strong> difficile de vivre en paix et sans la paix, lacroissance stagne : une guerre civile réduit enmoyenne la croissance d’un pays d’environ 2,3 %par année, généralement sur une durée de septans, et entraîne une chute de 15 % de la richessenationale. 34Il ne faut pas sous-estimer l’impact d’une stagnationassociée à la présence de combats. Lesconflits sont directement à l’origine de dommagesconsidérables en termes de souffrances, de maladieset de mortalité. En Républi<strong>que</strong> démocrati<strong>que</strong>du Congo, par exemple, les combats qui se sontdéroulés entre 1998 et 2004 ont été à l’origined’une surmortalité de 450 000 décès par an. 35Toute stratégie visant à faire disparaître les disparitéssanitaires entre les pays et à combattreles inégalités qui existent à l’intérieur d’un mêmepays doit prendre en considération la nécessitéde créer les conditions de paix, de stabilité et deprospérité qui permettront d’investir dans le secteursanitaire.Là où la croissance a été médiocre, il s’estensuivi une stagnation des ressources allouées à lasanté. Ce qui s’est passé en Afri<strong>que</strong> subsaharienneau cours des années qui ont suivi Alma-Ata illustrebien cette situation fâcheuse. Compte tenu de l’inflation,le PIB par habitant des pays d’Afri<strong>que</strong> subsahariennea reculé pres<strong>que</strong> cha<strong>que</strong> année entre1980 et 1994, 36 ne laissant guère de possibilitésd’améliorer l’accès aux soins ou de transformerles systèmes de santé. Au début des années 1980par exemple, le budget pour les médicaments de laRépubli<strong>que</strong> démocrati<strong>que</strong> du Congo appelée alorsZaïre est tombé à zéro et les dépenses publi<strong>que</strong>sen faveur des districts sanitaires sont passées àmoins de US $0,1 par habitant ; en Zambie, lebudget de la santé publi<strong>que</strong> a été amputé desdeux tiers et dans des pays comme le Cameroun,le Ghana, le Soudan et la Républi<strong>que</strong>-Unie de Tanzanie,les fonds alloués aux dépenses de fonctionnementainsi qu’à la rémunération du personnelde la fonction publi<strong>que</strong> dont les effectifs étaienten expansion, ont reculé dans une proportionallant jusqu’à 70 %. 36 Au cours des années 1980et 1990, les autorités sanitaires de cette partie dumonde ont dû faire face à des budgets publics endiminution et au désinvestissement. Pour la population,cette période de contraction budgétaire aété synonyme de participation financière ruineuseà des prestations sanitaires devenues insuffisantespar man<strong>que</strong> de financement.Dans la majeure partie du monde, le secteursanitaire souffre souvent d’insuffisances considérablesen matière de financement. En 2005, lesdépenses de santé par habitant ont été inférieuresà I $100 – y compris l’aide extérieure – dans 45pays. 38 Inversement, dans 16 pays à revenu élevé,ces dépenses ont dépassé I $3000 par habitant. Lespays à faible revenu affectent en général une <strong>plus</strong>faible proportion de leur PIB au secteur sanitaire<strong>que</strong> les pays à revenu élevé, alors <strong>que</strong> leur PIB estdéjà <strong>plus</strong> faible et <strong>que</strong> leur charge de morbiditéest <strong>plus</strong> importante.Des dépenses sanitaires élevées permettentd’obtenir de bons résultats sur le plan sanitaire,mais ceux‐ci sont sensibles aux choix des politi<strong>que</strong>set du contexte dans les<strong>que</strong>ls celles-ci sontmenées (Encadré 1.2) : lors<strong>que</strong> les fonds sont rares,les consé<strong>que</strong>nces de toute erreur ou omission sontamplifiées. En revanche, lors<strong>que</strong> les dépenses augmententrapidement, il existe des perspectives detransformation et d’adaptation des systèmes desanté qui seraient beaucoup <strong>plus</strong> limitées en casde stagnation de la croissance.S’adapter aux nouveaux enjeuxde santéUn monde globalisé, urbanisé et vieillissantLe monde a changé au cours des 30 dernièresannées : qui aurait imaginé <strong>que</strong> les enfants d’Afri<strong>que</strong>seraient aujourd’hui davantage exposés auris<strong>que</strong> de mourir d’un accident de la route <strong>que</strong>ceux des pays à revenu élevé, intermédiaire ou faiblede la Région européenne (Figure 1.7). Nombredes transformations qui touchent la santé étaientdéjà en cours en 1978, mais elles se sont accéléréeset la tendance va se poursuivre.Figure 1.7 Les enfants d’Afri<strong>que</strong> sont davantage exposés au ris<strong>que</strong> de mourirlors d’un accident de la route <strong>que</strong> les enfants européens :nombre d’accidents mortels de la route impliquant des enfantspour 100 000 habitants 41Décès pour 100 00050403020100Afri<strong>que</strong>Europe, pays à revenu faible ou intermédiaireEurope, pays à revenu élevé0–4 5–9 10–14 15–197
Rapport sur la santé dans le monde, 2008Les soins de santé primaires – <strong>Maintenant</strong> <strong>plus</strong> <strong>que</strong> <strong>jamais</strong>Il y a 30 ans, environ 38 % de la populationétait urbanisée ; en 2008, cette proportion dépasse50 %, pour atteindre 3,3 milliards d’habitants. En2030, c’est près de 5 milliards de personnes quivivront en zone urbaine. La croissance aura lieu,pour l’essentiel, dans les agglomérations de taillemoyenne des pays en développement et dans lesmétropoles d’une taille et d’une complexité sansprécédent de l’Asie méridionale et orientale. 42Bien <strong>que</strong> les indicateurs sanitaires moyenssoient meilleurs en zone urbaine qu’en zone rurale,la stratification sociale et économi<strong>que</strong> considérablequi existe en milieu urbain conduit à des inégalitésimportantes sur le plan sanitaire. 43,44,45,46 Dans lapartie de la ville de Nairobi où le revenu est élevé,la mortalité des moins de cinq ans est inférieureà 15 ‰, mais dans cette même ville, le bidonvilled’Emabakasi connaît un taux de 254 ‰. 47 Cetexemple et d’autres du même genre conduisent àformuler une observation <strong>plus</strong> générale, à savoir<strong>que</strong> dans les pays en développement, la meilleureadministration locale peut apporter une espérancede vie de 75 ans ou davantage alors qu’avec unemauvaise administration urbaine, l’espérance devie peut ne pas dépasser 35 ans. 48 Aujourd’hui,un tiers de la population urbaine – soit <strong>plus</strong> d’unmilliard de personnes – vit dans des bidonvilles :des lieux où il n’y a pas d’habitations en dur, pasassez d’espace vital, pas d’accès à l’eau potableni aux moyens d’assainissement, et aucune sécuritéd’emploi. 49 Ces bidonvilles sont exposés auxincendies, aux inondations et aux glissements deterrain ; leurs habitants courent un ris<strong>que</strong> disproportionnéde souffrir de la pollution, des accidents– notamment des accidents du travail – et de laviolence urbaine. Le man<strong>que</strong> de cohésion socialeet la généralisation des modes de vie malsainscontribuent à créer un environnement qui estvéritablement nocif pour la santé.C’est dans ces villes <strong>que</strong> se retrouve une grandepartie de près de 200 millions de migrants internationauxdénombrés dans le monde. 50 Dans41 pays, dont 31 % comptent moins d’un milliond’habitants, ils représentent au moins 20 % dela population. Refuser à ces migrants l’accès auxsoins revient à dénier le droit à la santé à toute lapopulation d’un pays comme le Brésil. Certainsdes pays qui ont pourtant fait de très importantsefforts pour garantir à leurs citoyens l’accès auxsoins, n’accordent pas les mêmes droits aux autresrésidents. <strong>Maintenant</strong> <strong>que</strong> les migrations vont ens’amplifiant, on ne peut <strong>plus</strong> considérer <strong>que</strong> lesdroits des résidents non nationaux et la capacitédu système de soins à faire face de façon équitableet effective à une diversité linguisti<strong>que</strong> et culturellecroissante, constituent encore des <strong>que</strong>stionsd’intérêt secondaire.Ce monde mobile et urbanisé vieillit rapidementet cette tendance va se poursuivre. En 2050, ily aura dans le monde 2 milliards de personnesâgées de <strong>plus</strong> de 60 ans, dont environ 85 % habiterontles pays actuellement en développement,principalement en zones urbaines. Contrairementà ce qui se passe dans le cas des pays riches, lespays à revenu faible ou intermédiaire vieillissentrapidement avant d’avoir accédé à la richesse, cequi compli<strong>que</strong> encore les choses.Figure 1.8 L’évolution vers les maladies non transmissibles et les accidents de la route en tant<strong>que</strong> causes de décès*Nombre de décès (en millions)Accidents de la routeAccidents vasculaires cérébraux35Cardiopathies ischémi<strong>que</strong>s30CancersCauses périnatales25Infections respiratoires aiguësMaladies diarrhéi<strong>que</strong>s20PaludismeVIH/sida15Tuberculose10502004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2018 2020 2022 2024 2026 2028 2030*Quel<strong>que</strong>s-unes desprincipales causes.8