Chapitre 1. Les enjeux d’un monde en évolutionL’urbanisation, le vieillissement et la mondialisationdes changements de modes de vie seconjuguent pour amener les maladies chroni<strong>que</strong>set les non transmissibles – notamment la dépression,le diabète, les affections cardio-vasculaireset les cancers – de même <strong>que</strong> les traumatismes,au rang des causes de morbidité et de mortalitédont l’importance s’accroît (Figure 1.8). 51 L’évolutionde la distribution des décès et des maladiesvers les classes d’âge <strong>plus</strong> âgées est frappante,tout comme l’est le passage des maladies infectieusespérinatales et maternelles aux maladiesnon transmissibles. La proportion d’accidents dela route va augmenter ; les décès liés au tabagismevont dépasser ceux qui résultent de l’infection àVIH et du sida. Même en Afri<strong>que</strong>, où la populationreste <strong>plus</strong> jeune, le tabagisme, l’hypertension artérielleet l’hypercholestérolémie figurent parmi les10 principaux facteurs de ris<strong>que</strong> qui concourent àla charge morbide globale de ces pays. 52 Au coursdes dernières décennies, une grande part de l’absencede progrès et la pres<strong>que</strong> totalité des cas derecul de l’espérance de vie ont été en rapport avecdes crises sanitaires frappant les adultes commepar exemple en Russie ou en Afri<strong>que</strong> australe. Al’avenir, améliorer la santé consistera de <strong>plus</strong> en<strong>plus</strong> à améliorer la santé du sujet adulte.Le vieillissement a attiré l’attention sur une<strong>que</strong>stion particulièrement importante pour l’organisationdes prestations sanitaires : il s’agit del’augmentation de la fré<strong>que</strong>nce des pathologiesmultiples. Dans le monde industrialisé, jusqu’à25 % des 65-69 ans et 50 % des 80-84 ans souffrentsimultanément d’au moins deux maladieschroni<strong>que</strong>s. Dans les populations socialementdéfavorisées, les enfants et les jeunes adultes ontégalement des chances d’être touchés. 53,54,55 La fré<strong>que</strong>ncedes pathologies multiples dans les pays àfaible revenu est moins bien documentée sauf dansle cas de l’épidémie de VIH/sida, de la malnutritionou du paludisme, mais elles sont probablementtrès sous-estimées. 56,57 Comme les maladies de lapauvreté sont liées entre elles, avec de multiplescauses communes qui se conjuguent pour entraînerdavantage d’invalidités et aggraver l’état desanté, les pathologies multiples sont probablement<strong>plus</strong> fré<strong>que</strong>ntes <strong>que</strong> le contraire dans les pays pauvres.La prise en compte de cette comorbidité etnotamment des problèmes de santé mentale, desaddictions et de la violence rappelle combien il estimportant de traiter le patient dans sa globalité.C’est aussi important dans les pays en développement<strong>que</strong> dans le monde industrialisé. 58On ne se rend pas suffisamment compte du fait<strong>que</strong> cette <strong>que</strong>stion de l’évolution vers les maladieschroni<strong>que</strong>s et les problèmes de santé de l’adulte vavenir s’ajouter à des programmes encore inachevésrelatifs aux maladies transmissibles, ainsi qu’àla santé maternelle, néonatale et juvéno-infantile.Il va falloir multiplier les efforts dans ce dernierdomaine, en particulier dans les pays les <strong>plus</strong> pauvresoù la couverture reste insuffisante. 12 Maistous les systèmes de santé, y compris ceux despays les <strong>plus</strong> pauvres, vont également devoir faireface à des besoins et à des demandes croissants enmatière de soins pour les maladies chroni<strong>que</strong>s etnon transmissibles : on n’y parviendra pas sansaccorder beaucoup <strong>plus</strong> d’attention qu’on ne le faitaujourd’hui à la mise en place d’une gamme complètede soins. On n’y parviendra pas non <strong>plus</strong> sansse préoccuper davantage des disparités sanitairesomniprésentes dans tous les pays (Encadré 1.3).Insuffisance de la prévision et lenteurdes réactionsAu cours des dernières décennies, les autoritéssanitaires ne se sont guère montrées capables deprévoir cette évolution, de s’y préparer ou mêmede s’y adapter lorsqu’elle est devenue une réalité detous les jours. C’est inquiétant car cette évolutions’accélère. Sur le plan sanitaire, les effets de lamondialisation, de l’urbanisation et du vieillissementseront accentués par ceux d’autres phénomènesplanétaires tels <strong>que</strong> le changement climati<strong>que</strong>dont les répercussions seront probablement maximaleschez les communautés les <strong>plus</strong> vulnérablesdes pays les <strong>plus</strong> pauvres. Il est difficile de se faireune idée précise de la manière dont ces changementsvont affecter la santé au cours des années àvenir, mais on peut s’attendre à une modificationrapide de la charge de morbidité, à une augmentationdes inégalités dans le domaine sanitaire, àla décohésion sociale et à une perte de résiliencedu secteur sanitaire. La crise alimentaire actuellemontre combien les autorités sanitaires sont souventmal préparées à faire face aux changementsqui surviennent dans l’environnement au senslarge, même lors<strong>que</strong>, dans les autres secteurs,on sonne l’alarme depuis un bon moment. Tropsouvent, l’attitude léthargi<strong>que</strong> des systèmes nationauxde santé contraste avec l’évolution de <strong>plus</strong> en<strong>plus</strong> rapide et l’envergure mondiale des problèmesaux<strong>que</strong>ls ils ont à faire face.Même lorsqu’il s’agit de tendances bien connueset parfaitement documentées, comme celles quirésultent de la transition démographi<strong>que</strong> et épidémiologi<strong>que</strong>,la réaction est souvent d’une ampleur9
Rapport sur la santé dans le monde, 2008Les soins de santé primaires – <strong>Maintenant</strong> <strong>plus</strong> <strong>que</strong> <strong>jamais</strong>Encadré 1.3 L’amélioration de l’information fait ressortir la pluridimensionnalité desinégalités croissantes en matière de santéCes dernières années, l’ampleur des disparités au niveau national en ce qui concerne la vulnérabilité, l’accès aux soins et les résultatssanitaires a été expliquée beaucoup <strong>plus</strong> en détail (Figure 1.9). 60 Grâce à une meilleure information, on constate <strong>que</strong> ces inégalités tendentà s’accroître, ce qui souligne combien les systèmes de santé se sont révélés inadaptés et inéquitables dans leur manière de répondre auxbesoins sanitaires de la population. Bien qu’il ait été récemment décidé de privilégier la réduction de la pauvreté, les systèmes de santééprouvent toujours de la difficulté à atteindre les habitants pauvres des zones rurales et urbaines, et a fortiori, à s’atta<strong>que</strong>r aux causes etaux consé<strong>que</strong>nces multiples des inégalités sanitaires.Figure 1.9 Inégalités intranationales en matière de santé et de soinsDépenses de santé des ménages, par groupede revenus, en pourcentage des dépensestotales des ménages6543215040302010Durée moyenne du trajet jusqu’auservice de soins ambulatoires,par groupe de revenus0100Côte d’Ivoire1988Ghana1992Femmes qui prennent des antipaludéens à titreprophylacti<strong>que</strong> (%), par groupe de revenus0Madagascar1993–4Quintile le <strong>plus</strong> bas Quintile 2 Quintile 3 Quintile 4Bosnie-Herzégovine2003–4Quintile le <strong>plus</strong> haut100Comores2003–4Couverture vaccinale de base complète (%),par groupe de revenusEquateur2003–480806060404020200Guinée2005Malawi2004Niger2006Tanzanie2004Quintile le <strong>plus</strong> bas Quintile 2 Quintile 3 Quintile 4 Quintile le <strong>plus</strong> haut0Bangladesh2004Colombie2005Indonésie2002–3Mozambi<strong>que</strong>2003100Mortalité néonatale selon leniveau d’éducation de la mère100Accouchements assistés par un professionnel de santé,selon le niveau d’éducation de la mère (%)80806060404020200Bolivie2003Sources : (60, 61, 62, 63).Colombie2005Lesotho2003Népal2006Philippines2003Niveau zéro Primaire Secondaire ou au-delà0Bénin2001Bolivie2003Botswana1998Cambodge2005Pérou200010