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GzD04-Notruf

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‹ Rédaction › français<br />

français ‹ Rédaction ›<br />

Une patrouille mobile dans l’espace frontalier<br />

à Chiasso (photo Roland Schmid)<br />

toire n’est pas seule en cause:le tourisme criminel reste un grand<br />

problème, en particulier au Tessin, certaines régions proches de<br />

la frontière subissant régulièrement les visites de bandes de cambrioleurs.<br />

DES RENFORTS À LA FRONTIÈRE SUD<br />

Cette situation tendue a eu deux conséquences: d’une part, le<br />

personnel permanent des régions méridionales a été affecté en<br />

fonction de la situation; d’autre part, des collaborateurs supplémentaires<br />

issus d’autres régions ont été déplacés à la frontière<br />

sud. C’est ainsi que quelque 20 gardes-frontière venus d’autres<br />

parties du pays effectuent leur service avec leurs collègues tessinois,<br />

qui sont actuellement au nombre de 310. En fonction de la<br />

situation, ces engagements de renfort peuvent encore s’amplifier.<br />

Cependant, s’il devait à l’avenir être nécessaire de renforcer notablement<br />

certains tronçons de la frontière, cela aurait des conséquences<br />

en raison de la faiblesse des ressources. Par exemple, il se<br />

pourrait que les prestations douanières doivent être réduites dans<br />

les régions qui détachent du personnel. Les mesures de renforcement<br />

actuelles sont-elles suffisantes? «Oui, nous travaillons avec<br />

les moyens à notre disposition», répond Patrick Benz. «Comme<br />

dans d’autres domaines, le succès est avant tout conditionné<br />

par l’information et par un engagement ciblé du personnel.<br />

Les constatations faites à la frontière et dans l’espace frontalier<br />

sont traitées par des responsables régionaux du renseignement<br />

et transmises au Centre d’analyse et de renseignement (CAR),<br />

sis à Berne. Le domaine spécialisé Migration reçoit par ailleurs<br />

des informations spécifiques d’autorités partenaires suisses et<br />

étrangères très diverses. Le domaine spécialisé dépouille ces informations<br />

et les rend accessibles aux collaborateurs et à d’autres<br />

services concernés. De plus, le Cgfr dispose d’agents de liaison<br />

au Secrétariat d’Etat aux migrations.»<br />

LES PASSEURS RÉAGISSENT<br />

Dans le domaine de la migration comme ailleurs, les engagements<br />

du Cgfr sont effectués sur la base de tableaux de situation,<br />

d’informations diverses et de ce qu’on appelle des profils<br />

de risques. C’est le seul moyen d’opérer des concentrations de<br />

surveillance efficaces à l’aide du personnel et des moyens disponibles.<br />

Jusqu’à la fin de septembre de cette année, 48% (9371)<br />

de toutes les personnes en séjour illégal ont été découvertes au<br />

Tessin, et 20% de ces personnes (3880) ont été interceptées à la<br />

frontière sud du Valais. La plupart de ces personnes sont entrées<br />

dans le pays par Chiasso ou par Brigue, principalement en train.<br />

«Ces constatations ont naturellement des conséquences sur notre<br />

manière de fixer les priorités et sur les endroits où nous les<br />

appliquons.» Et qu’en est-il des passeurs? «A l’heure actuelle, on<br />

les rencontre avant tout dans le trafic routier. Ils utilisent aussi<br />

bien des postes frontières occupés, où ils espèrent se fondre<br />

dans la masse, que des postes frontières inoccupés.» C’est ainsi<br />

que, pendant les neuf premiers mois de l’année 2015, le Cgfr a<br />

intercepté quelque 77% des passeurs dans le trafic routier. Et<br />

comment la «partie adverse» réagit-elle aux contrôles du Cgfr?<br />

Patrick Benz reconnaît que c’est le jeu du chat et de la souris.<br />

«Dans le domaine de la migration, nous constatons sur le plan<br />

régional une légère tendance à se rabattre sur d’autres modes<br />

de transport, tels que les autocars transfrontaliers. Sur le plan<br />

international, il y a un transfert de la Méditerranée aux Balkans.»<br />

Un nombre croissant de migrants et de passeurs utilisent la route<br />

passant par la Turquie, la Grèce et la Serbie afin d’accéder à l’Europe<br />

centrale et septentrionale par la Hongrie. Cependant, au vu<br />

de l’énorme quantité de personnes actuellement sur les routes,<br />

ces tendances ne sont pas encore nettes. Les passeurs sont également<br />

devenus plus prudents et évitent le plus souvent d’accompagner<br />

personnellement les migrants. C’est précisément dans le<br />

cas des passeurs que se pose la question de l’objectif de notre<br />

lutte. Les arrestations de passeurs présumés empêchent-elles la<br />

migration irrégulière? Résoudraient-elles le problème? Patrick<br />

Benz répond par la négative et explique que la lutte contre<br />

l’activité des passeurs n’a pas pour objectif exclusif d’empêcher la<br />

migration, mais vise en premier lieu à réprimer une infraction. Il<br />

complète sa pensée en déclarant que les hommes fuient en raison<br />

de la guerre, de la pauvreté ou de l’absence de perspectives, et<br />

pas à cause des passeurs. Il précise cependant ce qui suit: «Les<br />

passeurs sont des criminels qui exploitent la détresse des réfugiés<br />

afin d’en tirer profit. Ils enfreignent la législation suisse, quelle<br />

que soit la raison qui a poussé les migrants à quitter leur patrie et<br />

à s’en remettre aux passeurs.»<br />

Grâce aux investigations des autorités judiciaires, Patrick<br />

Benz sait que des organisations de passeurs peuvent facilement<br />

gagner jusqu’à 100000 euros par mois grâce à leur activité. Il y<br />

a peu, les médias italiens ont rapporté que la criminalité organisée<br />

tire elle aussi de gros profits de la détresse des migrants.<br />

Mais la détresse et l’ignorance de ces derniers sont également<br />

exploitées à plus petite échelle. Par exemple, à la gare de Milan,<br />

des personnes prétendant aider les migrants qui ne connaissent<br />

pas les lieux leur achètent le billet et leur expliquent comment<br />

se rendre en Suisse. Lors de ses engagements à Chiasso, Patrick<br />

Benz a déjà vu bon nombre de ces billets. «Un voyage de Milan<br />

à Chiasso en 2 e classe coûte environ 20 euros. Or, les personnes<br />

qui offrent leurs "services" aux migrants dans les gares réclament<br />

souvent un multiple de cette somme.»<br />

DES QUATRE COINS DE LA PLANÈTE<br />

Il est actuellement beaucoup question de la guerre civile en Syrie,<br />

qui a semé la destruction dans cette région. Des centaines<br />

de milliers de Syriens ont trouvé un abri en tant que réfugiés,<br />

principalement dans les pays voisins. A la frontière sud de notre<br />

pays, les Syriens ne sont pas encore très nombreux. Des nations<br />

africaines telles que l’Erythrée, la Gambie, la Somalie, le Nigé-<br />

ria et le Sénégal sont en tête de la statistique régionale du Cgfr<br />

concernant les personnes en séjour illégal au Tessin. Pour l’ensemble<br />

de la Suisse, les Erythréens sont également en tête, tandis<br />

que les Syriens occupent le 10 e rang.<br />

Il en va autrement des passeurs. Les ressortissants du Kosovo<br />

sont les plus nombreux, suivis de ceux de Suisse, d’Erythrée,<br />

de Somalie, de Serbie, de Syrie, de Turquie, du Pakistan, d’Irak<br />

et d’Allemagne. Mais pourquoi le Kosovo? «C’est en relation<br />

avec l’exode des Kosovars, qui a commencé à la fin de 2014 et<br />

que nous avons constaté à partir de novembre/décembre 2014,<br />

principalement aux frontières nord et est.» De nombreux passeurs<br />

semblent provenir du même milieu culturel que les personnes<br />

qu’ils aident à franchir la frontière. Certains d’entre eux<br />

semblent aussi déjà posséder la nationalité d’un pays de l’UE ou<br />

de l’AELE. Les raisons sont de nature pratique, par exemple<br />

la communication ou les relations avec le pays de provenance.<br />

Cette particularité complique également les investigations menées<br />

contre les passeurs. Par ailleurs, depuis que le Secrétariat<br />

d’Etat aux migrations (SEM) a introduit la procédure d’asile en<br />

48 heures, entre autres pour les Kosovars, la motivation de ces<br />

personnes à venir en Suisse et à y déposer une demande d’asile a<br />

fortement baissé.<br />

DES GARDES-FRONTIÈRE FLEXIBLES<br />

Les gardes-frontière ont régulièrement l’occasion de montrer à<br />

quel point ils sont flexibles. «J’ai le plus grand respect pour le<br />

travail de nos collaborateurs, qui sont quotidiennement confrontés,<br />

en particulier à la frontière méridionale, à la pression migratoire<br />

venue du sud et à de nombreux destins humains», nous dit<br />

Patrick Benz. Se référant à la routine des contrôles au poste de<br />

gardes-frontière de la gare de Chiasso, il nous déclare: «Il n’est<br />

pas rare qu’un garde-frontière ayant effectué le contrôle des migrants<br />

doive ensuite se rendre à la caisse pour y faire le décompte<br />

des redevances d’entrée dues par les adeptes du tourisme d’achat.<br />

Cela aussi fait partie des tâches des gardes-frontière.»<br />

DES PASSEURS AGRESSIFS<br />

Avec la plupart des migrants, les contrôles se déroulent sans problèmes.<br />

Les gardes-frontière découvrent rarement de la drogue,<br />

des armes ou de faux papiers sur eux. En général, ils n’emportent<br />

guère plus qu’un billet de train et un peu d’argent. D’après Patrick<br />

Benz, il est également très rare qu’ils opposent de la résistance.<br />

Par contre, avec les passeurs, il en va autrement. «Avec eux, le<br />

potentiel de violence et le danger sont beaucoup plus élevés.»<br />

Alors qu’en 2014 on a enregistré 154 cas de violence envers des<br />

membres du Cgfr, le nombre de cas a été de 274 l’année passée.<br />

La plupart des migrants ont un long et pénible chemin derrière<br />

eux et sont marqués par ce qu’ils ont vécu. Comment les<br />

gardes-frontière gèrent-ils de telles situations? Patrick Benz:<br />

«Nous sommes conscients que bon nombre de ces personnes<br />

ont vécu des événements traumatisants en relation avec des uniformes.<br />

Nous en tenons compte lorsque certaines d’entre elles<br />

ont une attitude défensive ou semblent apeurées.» Les murs du<br />

poste de gardes-frontière de Chiasso Stazione portent également<br />

des affiches rédigées en différentes langues qui expliquent à ces<br />

personnes qu’elles se trouvent sur territoire suisse. Ce simple fait<br />

apaise nombre d’entre elles.<br />

Les gardes-frontière sont régulièrement confrontés à des<br />

personnes malades: «Il arrive que des migrants soient atteints<br />

de la gale, et nous avons déjà eu des cas de tuberculose.» C’est<br />

pourquoi les gardes-frontière portent toujours des gants pendant<br />

leurs contrôles. Si l’on soupçonne une maladie contagieuse, les<br />

personnes concernées sont mises à l’écart et l’on fait immédiatement<br />

appel à du personnel médical. En outre, chaque poste<br />

de gardes-frontière est équipé de combinaisons protectrices et<br />

hygiéniques.<br />

L’officier Patrick Benz fait un sort à un cliché relatif aux<br />

migrants: «Ce ne sont de loin pas tous des analphabètes. Les<br />

personnes arrivant du Proche-Orient, en particulier, sont souvent<br />

issues de la classe moyenne et ont un bon parcours scolaire<br />

et professionnel.» La plupart d’entre elles se font comprendre<br />

en anglais, en français ou en italien, ou alors par gestes. Les<br />

questionnaires que tous les arrivants doivent remplir sont disponibles<br />

dans les langues les plus courantes. Comment Patrick<br />

Benz évalue-t-il les flux migratoires actuels? «Nous avons déjà<br />

été confrontés à des flux migratoires par le passé. Je me souviens<br />

de la situation des réfugiés dans les années 80 et 90, lorsque les<br />

guerres civiles du Sri Lanka et de l’ex-Yougoslavie déclenchaient<br />

de forts mouvements migratoires.»<br />

ET MAINTENANT?<br />

Malgré la vague migratoire actuelle, les gardes-frontière remplissent<br />

leur mandat. Celui-ci consiste essentiellement en la découverte<br />

des personnes en séjour illégal et en l’arrestation des<br />

passeurs. Ces derniers sont remis pour la suite des investigations<br />

aux autorités cantonales de police compétentes. Les personnes<br />

en séjour illégal qui déposent une demande d’asile sont attribuées<br />

aux centres d’enregistrement et de procédure (CEP) du SEM.<br />

Si elles ne demandent pas l’asile, elles sont renvoyées. Si de la<br />

drogue, des armes ou des faux papiers sont découverts, le Cgfr<br />

procède dans chaque cas à une remise à la police.<br />

Cependant, toutes les personnes en séjour illégal – qu’elles<br />

déposent une demande d’asile ou qu’elles soient en transit – et<br />

tous les passeurs sont contrôlés de façon approfondie et si nécessaire<br />

enregistrés par les gardes-frontière. z<br />

Patrick Benz en plein entretien<br />

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