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110 Magazine Quoi faire à Québec - juillet <strong>2018</strong><br />
CHRONIQUEUSE LITTÉRAIRE<br />
Florence Vézina<br />
LITTÉRAIRE<br />
Amour ultime<br />
On attend le grand amour de film en fermant<br />
les yeux sur le reste. On pense qu’il n’en<br />
existe qu’un seul. Le grand, le vrai. On voit<br />
ses grands-parents s’aimer depuis un nombre<br />
d’années à deux chiffres et on se dit que c’est<br />
la seule chose qui mériterait que l’on dise<br />
adieu à son célibat.<br />
On ferme les yeux sur le reste en cherchant à<br />
l’aveuglette son âme sœur sans savoir si elle<br />
existe vraiment. On baisse les bras à la moindre<br />
engueulade en se disant qu’il était con ou<br />
qu’elle était folle.<br />
IL N’EN EXISTE PAS QU’UN SEUL,<br />
IL EN EXISTE des milliers<br />
On fréquente rapidement sans se donner<br />
la peine de connaître l’autre. On se déshabille<br />
dans la lumière sans se voir. Des mains<br />
pressées d’une chorégraphie en accéléré.<br />
Quand c’est fini, on ne se rappelle pas.<br />
On se recroise sans se faire la bise.<br />
On s’attend à une histoire d’amour de livre.<br />
On oublie les premières amours. Celles que<br />
l’on vit trop jeunes. Qui brisent nos attentes<br />
des phrases que l’on entend depuis l’enfance.<br />
Ils ne vécurent pas heureux et n’eurent pas<br />
beaucoup d’enfants. Et c’est tant mieux ! Nos<br />
cœurs ne méritent pas de se faire mal aimer.<br />
On oublie les amours condensées. Qu’elles durent<br />
une heure ou une semaine. Celles qu’on<br />
raconte aux soupers d’amis du vendredi soir.<br />
Les petites aventures qui font du bien, sans<br />
attache, sans peine.<br />
On oublie l’amour de sa famille. L’inconditionnel.<br />
Le seul assez fort pour traverser le meilleur<br />
et le pire. On parle fort de ses écorchures et<br />
de ses beaux moments autour d’un repas du<br />
dimanche soir. On peut hurler et cracher des<br />
mots, sachant pertinemment qu’on finira par se<br />
pardonner. On oublie l’amour de ses amis. On<br />
cherche tellement ailleurs, qu’on ne perçoit pas<br />
le plus simple. Des gens qui nous ont choisis<br />
pour ce que nous sommes. De l’amour sélectionné<br />
pour se sentir privilégiés de partager<br />
leur existence.<br />
On oublie l’amour que l’on porte à soi-même.<br />
Celui du reflet du miroir. Un amour-haine sur<br />
lequel on travaillera toute sa vie. On va passer<br />
sa vie avec soi-même. On va se dire des mots<br />
doux et des moins doux aussi. Un jour on va<br />
se regarder et s’aimer tout au complet. C’est<br />
l’amour ultime. Le seul que l’on se devrait de<br />
chercher.<br />
Nous oublions l’amour pour nos travaux. Pour<br />
nos repas préférés. Pour nos chiens. Pour les<br />
gens fins et même moins fins. Pour les belles<br />
soirées. Pour les jours de pluie. Pour tout le<br />
reste. L’amour se faufile dans toutes<br />
les facettes de nos vies. Il s’impose<br />
pour se retrouver partout.