JOURNAL ASMAC No 3 - juin 2019

Point de mire
Lorsque des
chercheurs créent
un savoir falsifié
La célébrité et l’argent ou, au moins, un pas vers le haut sur l’échelle
de la carrière – les raisons de falsifier une étude sont presque toujours les
mêmes. En revanche, les moyens sont plus variés.
Lukas Staub, spécialiste en épidémiologie clinique, membre de la rédaction du Journal ASMAC
Du poison pour toute la population: les études falsifiées ne nuisent pas seulement à la réputation de ceux qui font de la recherche,
elles peuvent également mettre la santé en péril.
En février 1998, le médecin anglais,
Andrew Wakefield publia
un article dans The Lancet, lequel
établissait un lien entre les
vaccinations ROR et l’autisme sur la base
de douze enfants examinés. En conséquence,
les taux pour la triple vaccination
connurent une baisse considérable en
Grande-Bretagne. Dans le même temps,
les autres chercheurs échouèrent dans
toutes leurs tentatives visant à reproduire
les résultats de Wakefield. En février
2004, le Sunday Times révéla que Wakefield
avait reçu d’importants versements
de la part d’avocats qui défendaient des
parents d’enfants autistes contre le fabricant
du vaccin ROR, avant sa publication.
Ce conflit d’intérêts de Wakefield n’était
connu ni des coauteurs, ni des éditeurs de
la revue. Après des enquêtes officielles de
l’Ordre des médecins britannique, The
Lancet retira complètement la publication
en 2010 et une interdiction d’exercer
en Grande-Bretagne fut promulguée à
l’encontre de Wakefield.
Lorsqu’en 2003, la jeune Elizabeth
Holmes interrompit ses études à l’Université
de Stanford, elle était convaincue de
révolutionner le diagnostic sanguin avec
sa société nouvellement fondée, Theranos.
Les tests génétiques développés par son
entreprise permettraient de réaliser parallèlement
des centaines de tests sur des
quantités infimes de sang. Holmes s’assura
des centaines de millions en fonds d’investisseurs,
elle employa près de 800 personnes
dans sa société et fut citée en 2015
dans le Time Magazine parmi les 100 personnes
les plus influentes du monde. Cependant,
en octobre 2015, de premiers
doutes sur la qualité de l’analyseur de Theranos
furent rendus publics, après quoi
plusieurs autorités américaines, dont la
FDA, commencèrent des enquêtes. En
mars 2018, l’autorité de surveillance de la
Bourse américaine confirma que Theranos
était une fraude de grande ampleur. Manifestement,
l’appareil développé par la société
n’était pas opérationnel, au lieu de
cela, Theranos analysait les échantillons
sanguins envoyés avec des analyseurs classiques
de Siemens. Elizabeth Holmes fut
ensuite licenciée de ses fonctions de chef
de l’entreprise et dut payer USD 500 000,–
d’amende. En outre, elle a interdiction de
diriger une entreprise cotée en Bourse au
cours des dix prochaines années.
Wakefield et Holmes font partie des
exemples les plus spectaculaires de fautes
scientifiques des années passées. La recherche
falsifiée a cependant lieu beaucoup
plus souvent à une petite échelle et de
manière cachée sans faire les gros titres de
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