JOURNAL ASMAC No 3 - juin 2019

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Point de mire Des prestidigitateurs chez les délinquants Parmi leurs armes, on citera un sens aigu de la répartie, du charme et un certain manque de scrupule lorsqu’il s’agit de mentir. Mais les arnaqueurs sont-ils dangereux, malades ou bien des personnes comme toi et moi? D r méd. Josef Sachs, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, formation approfondie en psychiatrie et psychothérapie forensique, Brugg Parfait camouflage pour la chasse aux personnes crédules: le loup sous une peau de mouton. Naturellement, beaucoup d’entre nous ont déjà un peu fraudé, que ce soit au jeu de cartes, en remplissant une déclaration d’impôt, pendant un examen ou dans leur couple. Malgré cela, nous ne nous qualifierions pas «d’arnaqueurs». Nous nous démarquons clairement des vrais arnaqueurs, tels que ceux qui utilisent l’astuce du neveu ou l’imposteur de tinder qui, sous un faux nom, prétendait être l’héritier d’un empire du diamant valant des milliards sur l’application mobile de rencontres, et proposait des affaires soi-disant lucratives à des entreprises. Et pourtant nous admirons quelquefois les personnes qui parviennent, sans aucune violence, à en tromper d’autres et à devenir riches du jour au lendemain. Mentir de manière amusante Un arnaqueur est quelqu’un qui tire un avantage pour lui-même en trompant intentionnellement une autre personne. Un tel comportement est répréhensible et passible de poursuites dans certaines conditions. Les arnaqueurs peuvent être condamnés à une peine d’emprisonnement maximale de dix ans. La police a de Photo: © AdobeStock/Grizzlybärin 38 3/19 VSAO /ASMAC Journal
Point de mire plus en plus souvent affaire à ce type de délinquants. En Suisse, le nombre de fraudes a doublé au cours des dix dernières années. La principale raison de cette augmentation est l’Internet. Cela simplifie considérablement le travail des arnaqueurs. En 2016, l’Office fédéral de la police a reporté 14 033 cas de cybercriminalité, ce qui correspond à une multiplication par presque trois en cinq ans. Les arnaqueurs sont-ils donc des personnes comme nous, de sorte que nous sommes tous des arnaqueurs potentiels? Ou bien ces personnes sont-elles malades? Ou bien s’agit-il même de criminels dangereux, prêts à tout? La condition préalable à une arnaque réussie est la capacité à mentir de manière à ce que personne ne découvre la combine. La meilleure manière d’y parvenir est de s’exercer assidûment et de se rabâcher les mêmes fausses histoires jusqu’à presque y croire soi-même. Pour ceux qui le font de manière pathologique, la psychiatrie a inventé le terme de «pseudologia fantastica». Ce phénomène se rencontre chez les imposteurs, les narcissiques extravertis en quête de reconnaissance et les hypocondriaques. Viktor Lustig, originaire de Bohême, était un arnaqueur particulièrement talentueux de la première moitié du 20 e siècle. Il a même piégé Al Capone, inondé le marché américain de fausse monnaie et réussi par deux fois à vendre la Tour Eiffel à un ferrailleur. Il a résumé sa recette dans les «Dix commandements de l’arnaqueur». Il y est par exemple écrit qu’un arnaqueur doit savoir écouter, qu’il doit toujours approuver les opinions politiques de ses interlocuteurs, attendre patiemment que l’autre dévoile des détails de sa vie privée, ne jamais s’habiller de manière négligée et ne jamais se saouler. Un bon arnaqueur doit toujours aussi être un bon amuseur. En bonne santé, mais dérangé La fraude est un délit qui ne peut être qu’intentionnel. La fraude par négligence n’existe pas. Ainsi, seul celui qui possède également la mentalité adéquate peut frauder. C’est pourquoi l’acte de fraude impose certaines exigences à son auteur. Celui qui n’est pas capable de prendre une résolution, que ce soit pour des raisons intellectuelles ou en raison d’un trouble psychique, ne peut pas non plus frauder. Les criminologues et les psychiatres forensiques ont identifié certains traits de caractère qui sont typiques des fraudeurs: – La plupart d’entre eux ont déjà eu affaire à la loi lorsqu’ils étaient jeunes et sont des «criminels polyvalents». Ils ont encore d’autres délits à leur actif. – Nombre d’entre eux sont professionnellement instables, d’autres sont commerçants ou représentants dans des branches changeantes. Les gérants d’entreprise sont également légèrement surreprésentés. Les artisans, les fonctionnaires et les employés ont moins tendance à frauder. – Les fraudeurs font le plus souvent preuve d’assurance et d’aisance. A l’extérieur, ils ont l’air d’honnêtes gens. – La plupart des fraudeurs ont au moins un niveau d’intelligence moyen. – De nombreux fraudeurs possèdent une volonté forte et un entrain exceptionnel. Lorsqu’ils ont des idées, ils les mettent immédiatement en œuvre sans se poser de questions. – Parfois, les fraudeurs ont tendance à se surestimer, ce qui les pousse à commettre des actes irréfléchis. – Le fraudeur typique n’est pas capable d’avoir des sentiments vraiment profonds. Il est doué d’un sens du contact superficiel mais reste en quelque sorte distant. – Souvent, les fraudeurs sont émotionnellement instables, souffrent de changements d’humeur fréquents et ont du mal à mener quelque chose à terme dans leur vie. En règle générale, les fraudeurs ont une bonne santé psychique. Chez certains, les traits de personnalité du «fraudeur typique» sont tellement pathologiques que nous parlons de l’existence d’un trouble de la personnalité. Il peut en l’occurrence s’agir d’un trouble de la personnalité antisociale. C’est-à-dire de personnes qui ne sont pas capables de s’en tenir aux règles, qui commettent un grand nombre d’actes répréhensibles et qui ne peuvent apprendre de leurs erreurs. Elles sont superficiellement charmantes mais ne connaissent pas de sentiments plus profonds. La peur et la crainte leur sont étrangères. Il est encore plus fréquent que les fraudeurs présentant un trouble de la personnalité narcissique soient fermement convaincus de leur singularité et de leur grandeur. Ils sont si enthousiasmés par leurs prétendues capacités qu’ils n’ont pas de mal à en convaincre également les autres. La plupart d’entre eux mènent un style de vie dispendieux parce que l’autoreprésentation est essentielle à leur équilibre psychique. Certains fraudeurs souffrent d’une dépendance à l’alcool ou à des drogues. Ils commettent des fraudes pour financer leur consommation de drogues. D’autres encore peuvent commettre des fraudes en raison d’un trouble affectif, c’est-à-dire d’une dépression ou d’une manie, parce qu’ils ne peuvent pas satisfaire autrement leurs obligations ou qu’ils ont des dépenses trop élevées. Pas de profil type La dangerosité des fraudeurs au sens d’un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité corporelle de tiers est faible. Certains traits de personnalité ou symptômes de maladie peuvent cependant augmenter la dangerosité. Le mépris général des règles, des changements d’humeur fréquents et une superficialité des sentiments en font partie. On peut supposer un risque particulier si les fraudeurs ont déjà montré une propension accrue à la violence auparavant. Dans ces cas, les menaces sont toujours à prendre au sérieux. Les personnes qui ont professionnellement affaire à des fraudeurs doivent donc disposer d’un dispositif de sécurité et d’une formation dans la gestion des menaces. Les agressions physiques étant rares, cela a pour conséquence que personne ne peut recourir à ses propres expériences riches d’enseignements. Une formation spécifique est d’autant plus importante. Nous voyons ainsi que les fraudeurs ne constituent pas un groupe uniforme de personnes, de la même façon qu’il n’existe pas non plus de type de personnalité des voleurs à l’étalage ou des incendiaires. La plupart sont en bonne santé psychique et sont inoffensifs en ce qui concerne la violence physique, mais certains souffrent de troubles psychiques et quelques-uns présentent une propension accrue à la violence. VSAO /ASMAC Journal 3/19 39
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