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Qualité Références n° 53

Perpectives 2011 : OUTILS & METHODES DE MANAGEMENT

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DOSSIER<br />

Comprendre la norme<br />

Les lignes directrices de<br />

l’ISO 26000 : quelle normativité ?<br />

Eric Pezet a organisé le 22 mars dernier, avec son groupe de recherche<br />

Primal, un colloque sur la norme ISO 26000, relative à la responsabilité<br />

sociétale des organisations. En voici la synthèse…<br />

Sans que personne n’y ait porté une grande<br />

attention (hormis quelques spécialistes), l’ISO<br />

(International Standard Organisation, agence<br />

de normalisation de l’ONU) a porté sur les<br />

fonds baptismaux le 1 er novembre 2010 une<br />

norme nouvelle de responsabilité sociale de<br />

l’entreprise, les lignes directrices relatives à<br />

la responsabilité sociétale, diffusée sous le<br />

nom de « Norme ISO 26000 ». Document<br />

dense et technique de 120 pages, la norme<br />

a un sens et une portée difficile à décrypter<br />

pour tout un chacun. Elle vise à définir un<br />

cadre mondial pour la responsabilité sociétale<br />

en proposant de définir des règles minimales<br />

applicables à toutes les entreprises,<br />

ONG, collectivités publiques dans leurs relations<br />

avec la société en envisageant spécialement<br />

les règles applicables aux conditions<br />

d’emploi et les règles de la responsabilité<br />

environnementale. Elle en appelle au<br />

respect de plus de 120 textes du droit international<br />

permettant de guider ces actions.<br />

Elle s’attache à mettre au premier plan les<br />

questions de développement durable, en<br />

imposant par exemple que les multinationales<br />

appelées à exercer des activités dans<br />

des pays peu respectueux des droits de<br />

l’homme soient tout de même soumises à<br />

des conditions minimales concernant l’emploi<br />

de leurs salariés ou le respect de l’environnement.<br />

Une mise en œuvre controversée<br />

La norme fait déjà l’objet de controverses<br />

fortes, opposant ceux qui voient dans cette<br />

norme une nouvelle forme de philanthropie<br />

destinée à améliorer les conditions du développement<br />

des échanges internationaux<br />

dans un sens plus favorable aux droits<br />

humains, et ceux qui au contraire, y voient<br />

une stratégie des entreprises pour définir<br />

elles-mêmes les règles applicables à ces<br />

échanges en assurant la promotion d’un<br />

« droit mou » incapable d’assurer la définition<br />

de règles suffisamment fermes pour<br />

imposer un cadre de responsabilité adapté<br />

aux défis humains et écologiques posés par<br />

la mondialisation.<br />

La réalité paraît cependant encore plus<br />

complexe en raison de la multiplicité des<br />

enjeux politiques, juridiques et de gestion des<br />

organisations. La multiplication d’analyses<br />

provenant de points de vue disciplinaires<br />

différents paraît donc particulièrement appropriée<br />

afin de proposer une compréhension<br />

de telles évolutions. C’est à cette tâche que<br />

s’est attelée le jeune réseau international de<br />

chercheurs Primal (Paris Research in Norms<br />

Management and Law), réunissant des<br />

gestionnaires, juristes et philosophes autour<br />

d’universitaires de l’université Paris Ouest<br />

Nanterre la Défense. Primal a organisé le<br />

22 mars dernier à Nanterre un colloque sur<br />

la norme ISO 26000. Gestionnaires, juristes<br />

et praticiens ont confronté leurs savoir pour<br />

essayer de comprendre l’apport de cette<br />

nouvelle norme, officiellement établie depuis<br />

le 1er novembre 2011 et distribuée en France<br />

par le groupe AFNOR. Quatre thèmes de<br />

réflexion ont émergé de cette rencontre, à la<br />

fois sérieuse et décontractée.<br />

L’incertitude quant au sens<br />

des évolutions à venir<br />

Deux éminents universitaires ont posé les<br />

premiers jalons de la réflexion en permettant<br />

d’établir comment les sciences de<br />

gestion et la science juridique pouvaient<br />

appréhender cet imposant document dont<br />

l’ambition est de fournir une référence<br />

mondiale afin d’appréhender la responsabilité<br />

sociale des entreprises et autres organisations,<br />

couvrant des champs aussi vastes<br />

que les relations des entreprises avec la<br />

société, les questions environnementales ou<br />

les conditions de travail et d’emploi, spécialement<br />

dans échanges internationaux.<br />

Du côté des juristes, le Professeur Antoine<br />

Lyon-Caen (Professeur à Nanterre) a<br />

d’abord présenté, sous un angle juridique<br />

les multiples incertitudes qui entourent le<br />

statut de la norme ISO 26000, que cellesci<br />

concernent les producteurs de la norme<br />

(qui sont les normalisteurs ?) ou son statut<br />

(décrit-elle ou prescrit-elle des comportements<br />

?). Cette norme constitue donc un<br />

défi aux catégories juridiques les mieux<br />

établies, l’apparentant sans doute à une<br />

norme quasiconstitutionnelle de rang<br />

mondial.<br />

Pierre-Louis Dubois (Professeur de gestion<br />

à l’Université Panthéon-Assas) montre que<br />

les sciences de gestion sont également<br />

confrontées au défi du sens à donner de<br />

cette norme qui s’inscrit dans une perspective<br />

de prolifération de normes les plus<br />

diverses à destination du monde économique<br />

et social. La question peut alors se<br />

poser des interactions entre les documents<br />

produits, leur influence sur les pratiques,<br />

la manière dont ils évoluent, ou encore les<br />

rapports que ces normes entretiennent<br />

avec le pouvoir.<br />

La singularité du processus<br />

de production de la norme<br />

Pierre Mazeau (EDF), l’un des principaux<br />

acteurs de l’élaboration de la norme, qui a<br />

présidé le groupe de travail chargé de l’élaboration<br />

et de la rédaction du chapitre de<br />

l’ISO 26000 consacré à la description des<br />

questions centrales de la responsabilité<br />

sociétale des organisations, a livré un<br />

témoignage intéressant du processus d’élaboration<br />

de la norme. Celle-ci a réuni plus<br />

de 500 délégués provenant de 99 pays,<br />

organisés en 6 catégories de parties<br />

prenantes : les entreprises, les gouvernements,<br />

les ONG, les syndicats, les consommateurs<br />

et des experts indépendants.<br />

La méthode d’élaboration a privilégié la<br />

recherche du plus grand consensus. La<br />

norme a ensuite été approuvée par l’ISO<br />

QUALITÉ RÉFÉRENCES ➤ JUILLET, AOÛT, SEPTEMBRE 2011 ➤ PAGE 33

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