360° magazine / septembre 2021
No.206
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ACTIVISME<br />
Par Laure Dasinières<br />
Deux militantes, trente ans d'écart, s'interrogent sur<br />
les malentendus qui s'installent au sein du mouvement.<br />
Un malaise grandissant, mais pas irréversible.<br />
Fossé générationnel entre les<br />
militant·e·x·s LGBTIQ+ ? Discutons!<br />
© Diana Davis<br />
© Pierre Albouy<br />
la première Christopher Street Libération Day<br />
à New York le 28 juin 1970<br />
Genève, le 6 juillet - Geneva Pride 2019 - La marche des Fiertés<br />
entre le palais Wilson et la Parc des Bastions.<br />
Lorsque l’on écoute les quinquas militant·e·x·s ou<br />
ex-militant·e·x·s LGBTIQ+, un discours revient souvent.<br />
Celui-ci évoque une perte de sens par rapport<br />
aux nouvelles formes de militantisme, vues comme<br />
moins structurées et plus individualistes. Il pointe<br />
du doigt des divergences et des incompréhensions<br />
en termes de revendications, faisant notamment<br />
des questions de genre une priorité remplaçant les<br />
questions de sexualité. Et il déplore une rupture nette<br />
avec des jeunes qui seraient déconnecté·e·x·s de l’histoire<br />
du mouvement et peu désireux·ses de s’affirmer<br />
comme des héritier·e·x·s. Au final, c’est une sorte de<br />
désenchantement, sinon de résignation que l’on observe<br />
de la part de bon nombre de celleux qui ont pris<br />
de plein fouet la pandémie de sida et qui ont lutté pour<br />
l’égalité des droits. « J’ai le sentiment d’être dépossédé<br />
de nos luttes », glisse un de ces « dinosaures » du militantisme<br />
LGBTIQ+. « Je vois bien qu’il y a un bouillonnement<br />
en ce moment, mais je ne m’y sens plus vraiment<br />
à ma place, il est peut-être temps de passer la main »,<br />
s’interroge-t-il, fataliste. Celleux qui ont commencé<br />
à militer dès les 90s sont-iels désormais « inutiles et<br />
hors d’usage » pour reprendre l’expression chantée par<br />
Daniel Darc ? Les jeunes générations n'ont-elles plus<br />
rien à apprendre d’elleux – et inversement – alors que<br />
les discriminations et les violences LGBTIQ-phobes<br />
persistent et que nous avons toujours des causes et<br />
des ennemi·e·x·s commun·e·x·s ?<br />
Pour y réfléchir, il faut écouter celleux qui sont sur le<br />
terrain toute l’année. « De toute évidence, il existe des<br />
ruptures générationnelles », admet Gwen Fauchois,<br />
militante et activiste lesbienne, ex-chargée de communication<br />
et vice-présidente d’Act-up, 56 ans. « Les<br />
priorités sont différentes et la jeune génération qui se<br />
prend en pleine gueule l’immobilisme de l’État sur les<br />
questions de droits se retourne vers l’autogestion.»<br />
Ce qui la heurte aujourd’hui, c’est avant tout la manière<br />
dont les jeunes semblent refuser le débat d’idées : « Ces<br />
jeunes sont à fleur de peau. Ils ont tendance à prendre<br />
la contradiction pour de l’agression, ce qui nous prive<br />
d’échanges pourtant essentiels. »<br />
Sasha Anxiety, militante trans* lesbienne et<br />
co-fondatrice de XY Média (lire pages 14-16),<br />
24 ans, le concède et explique qu’une unité<br />
totale et entière du mouvement est parfois<br />
difficile : « De toute évidence, c’est extrêmement<br />
précieux d’échanger entre générations»,<br />
explique-t-elle. « Mais, pour les personnes<br />
trans*, il est parfois délicat de débattre avec<br />
des personnes cis et de militer à leurs côtés,<br />
soit parce qu’elles sont maladroites, soit parce<br />
qu’elles sont franchement désagréables. »<br />
Et force est de reconnaître que les personnes trans*<br />
sont aujourd’hui écartées d’un certain nombre d’avancées<br />
concrètes telles que l’accès à la PMA en Suisse<br />
et en France, alors que celle-ci devrait être possible<br />
pour les femmes seules et les couples de lesbiennes au<br />
début de l’automne <strong>2021</strong> en France. Ces disparités sont<br />
ainsi susceptibles d’induire des ruptures qui ne sont<br />
pas tant générationnelles que revendicatives. Sasha<br />
22 Société 360 SEPTEMBRE <strong>2021</strong>