You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
36 TÉMOIGNAGE<br />
téraires, je n’imaginais pas de me faire une place<br />
au panthéon de la littérature francophone. Écrire,<br />
c’était répondre à l’appel de mes morts, me laver<br />
de la faute impardonnable de leur avoir survécu. J’ai<br />
aimé appeler ce premier livre «un tombeau de papier».<br />
Mais pour que ce tombeau soit digne d’eux,<br />
il fallait l’écrire avec soin. Je me souvenais de mon<br />
père qui veillait à ce que ses enfants parlent un beau<br />
kinyarwanda. J’ai donc écrit ce livre du mieux que j’ai<br />
pu, sans aucune référence littéraire. J’ai envoyé mon<br />
manuscrit par la poste à plusieurs éditeurs. J’avais<br />
écrit une histoire, cette histoire, celle d’un génocide,<br />
qui avait une portée universelle, je ne pouvais<br />
la garder pour moi seule. J’avais fait mienne sans la<br />
connaître encore cette belle phrase de Primo Levi:<br />
«Survivre et témoigner sont inextricablement liés.»<br />
Et je ne fus pas plus étonnée quand Gallimard m’a<br />
proposé de la publier. Je vivais comme en apesanteur<br />
et mon livre a continué à mener sa vie de livre:<br />
au-delà du témoignage, il était devenu une œuvre<br />
littéraire à part entière et écrire était devenu pour<br />
moi une nécessité. Comme à mon insu, je devenais<br />
une écrivaine.<br />
Inutile de le nier plus longtemps: au bout de six<br />
livres, d’un prix Renaudot et de quelques autres,<br />
je suis bien devenue une écrivaine. J’ai toujours eu<br />
la chance de rencontrer auprès des critiques et –<br />
allons, lâchons le mot – auprès des confrères que<br />
j’admire compréhension et encouragements. Je<br />
reste autant que possible à distance de la scène médiatique<br />
et littéraire: je vis en Normandie, au bord<br />
de la mer, auprès des plages du Débarquement et<br />
des cimetières de ceux qui y laissèrent leur vie: ces<br />
mémoriaux ont, sans aucun doute, été une source<br />
d’inspiration. J’exerce toujours ma profession d’assistante<br />
sociale malgré l’incompréhension que cela<br />
suscite parfois autour de moi. II faut bien payer<br />
quelque part la rançon d’une certaine notoriété.<br />
Qui suis-je? Écrivaine rwandaise d’expression française,<br />
écrivaine française d’origine rwandaise, écrivaine<br />
franco-rwandaise, écrivaine africaine francophone?<br />
Je ne veux pas choisir. Je me sens à l’aise<br />
dans ce qu’on pourrait appeler un espace linguistique<br />
et littéraire francophone. J’aime parler à Marrakech,<br />
devant un amphithéâtre bondé d’étudiants,<br />
j’aime que ceux de Constance me disent que la langue<br />
française est une langue romantique, j’aime qu’à<br />
Brooklyn un chauffeur de taxi me parle de sa vieille<br />
mère à Thiès, j’aime que les accents créoles se mêlent<br />
à celui du Québec et à celui de Ouagadougou...<br />
Langue vivante, langue d’ailleurs, langue de la diversité:<br />
francophonie? II va falloir trouver un plus joli<br />
mot pour désigner ce français de tous les horizons<br />
Avec tous nos remerciements à l’auteur et à la Revue<br />
des deux mondes qui nous ont autorisés à reprendre<br />
cet article, paru dans le numéro de mai <strong>2016</strong>.<br />
Commission de l’Europe de l’Ouest<br />
Fédération internationale des professeurs de français<br />
CONCOURS DE LA COMMISSION DE L’EUROPE DE L’OUEST DE LA FIPF<br />
Dans le cadre de l’Année internationale du tourisme durable pour le développement, la CEO organise la<br />
sixième édition de son concours de création vidéo et de production en français et propose aux élèves<br />
et étudiants européens de réaliser un travail en format numérique, sur le thème suivant : Un voyage de<br />
rêve…<br />
Au cœur de la nature se cachent des chemins aux parfums d’aventure. À l’orée d’un bois, au détour d’un<br />
sentier, au bord d’un ruisseau, l’esprit s’évade, voyage et rencontre une faune et une flore bien souvent<br />
insoupçonnées. Combien de trésors, d’architectures fantastiques, de mondes merveilleux recèlent un<br />
grain de sable, une feuille d’automne, un flocon de neige ou un brin d’herbe printanier. L’eau scintille, la<br />
terre respire, le vent nous emporte vers d’autres provinces, sous d’autres cieux….Pourtant cette nature<br />
idéale et idéalisée, dangereusement menacée, souffre sous les coups des bulldozers qui défrichent<br />
et tracent des pistes d’atterrissage pour des avions au service d’un tourisme de masse destructeur.<br />
Pour savoir comment participer, rendez-vous sur http://ceo.fipf.org/actualite/concours-<strong>2016</strong>-2017-unvoyage-de-reve<br />
<strong>2016</strong>-<strong>04</strong>.indd 36 6/12/<strong>2016</strong> 22:57:27