Du mardi 18 au samedi 22 novembre, opération exclusive et ... - IPM
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PHILIPPE MATSAS<br />
É P I N G L É<br />
Un livre <strong>et</strong> une<br />
conférence<br />
CHIRURGIEN, THIERRY JANSSEN est <strong>au</strong>ssi<br />
un psychothérapeute spécialisé dans l’accompagnement<br />
des patients atteints de maladies<br />
physiques. Il est également l’<strong>au</strong>teur de<br />
nombreux ouvrages dont “La solution<br />
intérieure” - vers une nouvelle<br />
médecine du corps <strong>et</strong> de l’esprit<br />
(Fayard 2006) <strong>et</strong> de “La maladie at-elle<br />
un sens? - enquête <strong>au</strong>-delà<br />
des croyances” (Fayard 2008)qui<br />
vient de paraître.<br />
Sur le thème de son dernier livre <strong>et</strong><br />
à l’initiative de l’ASBL T<strong>et</strong>ra, Thierry Janssen<br />
donnera une conférence le mercredi 26 <strong>novembre</strong><br />
à 20 heures, à l’ULB-Auditoire P<strong>au</strong>l-<br />
Emile Janson, 50 avenue Franklin Roosevelt,<br />
1050 Bruxelles. n<br />
w Réservation:T<strong>et</strong>ra<strong>au</strong>02.771.28.81ouinfo@t<strong>et</strong>ra-asbl.be.<br />
D’<strong>au</strong>tres dates de conférences sont prévues en Belgique<br />
(voirwww.thierryjanssen.com).<br />
D É B A T S<br />
Opinion - SANTÉ<br />
Lamaladiea-t-elleunsens?<br />
w Oui <strong>et</strong> même plusieurs. A nous de distinguer le sens biologique<br />
défini par la science, le sens symbolique exprimé par les malades <strong>et</strong> le<br />
sens collectif qui responsabilise la société <strong>et</strong> pousse à la prévention.<br />
Thierry JANSSEN<br />
Chirurgien. Psychothérapeute<br />
Auteur notamment de “La maladie a-t-elle un sens ?<br />
(voir encadré)<br />
(Vient de paraître) – Conférencier<br />
Comme tous les anim<strong>au</strong>x, nous<br />
percevons le monde à travers le<br />
filtre de nos organes sensoriels.<br />
Nos perceptions engendrent<br />
alors dans notre cerve<strong>au</strong> de mammifères<br />
une série d’émotions qui constituent<br />
<strong>au</strong>tant de sign<strong>au</strong>x alarmants ou, <strong>au</strong> contraire,<br />
rassurants. Et, parce que nous possédons<br />
un cortex cérébral spécifiquement<br />
humain, nos émotions sont finalement<br />
transformées en images – en représentations<br />
– <strong>au</strong>xquelles nous associons des<br />
sons, des mots, des sentiments. C’est ainsi<br />
que naissent nos pensées <strong>et</strong> nos discours.<br />
C’est <strong>au</strong>ssi comme cela que commence notre<br />
quête de sens. Car, personne ne peut<br />
vivre sans représentations de la réalité.<br />
Nous avons besoin de pouvoir organiser<br />
nos perceptions du monde selon un mode<br />
cohérent, rassurant <strong>et</strong> apaisant. Croire<br />
que la réalité n’est pas absurde nous est<br />
indispensable. Il en va de notre survie.<br />
“Avoir l’espoir ne veut pas dire que nous<br />
pensons que les choses vont se produire<br />
bien”, écrivait Vaclav Havel. “Cela signifie<br />
simplement que nous pensons que les choses<br />
<strong>au</strong>ront un sens.” La capacité d’attribuer<br />
un sens <strong>au</strong>x évènements de l’existence<br />
perm<strong>et</strong> <strong>au</strong>x humains d’affronter les<br />
pires difficultés. L’espoir qui s’éveille en<br />
nous constitue une “émotion agréable”<br />
qui, à l’instar de la joie ou de l’enthousiasme,<br />
activent nos défenses immunitaires<br />
<strong>et</strong> stimulent les mécanismes réparateurs<br />
de notre organisme. Sans ces émotions<br />
positives nous serions anéantis sous<br />
le poids de nos peurs. De nombreuses études<br />
le montrent : privés d’espoir nous ne<br />
pourrions pas continuer à vivre.<br />
Notre besoin de sens est donc fondamental.<br />
En particulier lorsque nous sommes<br />
confrontés à la maladie. Car celle-ci<br />
provoque un chaos dans notre existence.<br />
Subitement, nous perdons nos repères,<br />
nous réalisons l’illusion de notre toutepuissance,<br />
nous connaissons le doute <strong>et</strong><br />
l’incertitude. Dans ces circonstances, il<br />
est urgent de pouvoir redéfinir la représentation<br />
que nous avons de nous-mêmes,<br />
de repréciser notre vision du monde, d’inventer<br />
de nouvelles croyances, de nouvelles<br />
certitudes. C’est à ce prix que nous<br />
pouvons r<strong>et</strong>rouver une raison d’exister,<br />
croire en la poursuite de notre proj<strong>et</strong>, choisir<br />
une nouvelle direction pour notre vie.<br />
Lorsque je pratiquais la chirurgie, je ne<br />
me rendais pas compte à quel point les patients<br />
avaient besoin de comprendre ce<br />
qui leur arrivait. Pourquoi eux ? Pourquoi<br />
maintenant ? Pourquoi de<br />
c<strong>et</strong>te façon là ? Je<br />
ne réalisais pas<br />
combien il était important<br />
pour eux<br />
d’attribuer un sens<br />
à leur expérience.<br />
Et pour c<strong>au</strong>se. A<br />
l’instar de la civilisation<br />
qui lui a<br />
donné naissance, la<br />
médecine moderne<br />
a évacué la question<br />
du sens du champ de<br />
ses préoccupations.<br />
Et, f<strong>au</strong>te de temps,<br />
les soignants n’écoutent<br />
plus ce que racontent<br />
leurs patients.<br />
A moins que<br />
cela soit par manque<br />
de sensibilisation à<br />
l’influence bénéfique<br />
des émotions agréables<br />
sur la guérison ?<br />
En eff<strong>et</strong>, depuis les<br />
Lumières, la médecine<br />
s’est construite<br />
<strong>au</strong>tour d’un postulat<br />
qui place l’être humain<br />
en dehors de la<br />
nature. Considérant<br />
la nature comme dangereuse,<br />
nous utilisons<br />
notre intelligence<br />
afin de la comprendre<br />
dans ses<br />
moindres détails pour<br />
la dominer, la contrôler,<br />
l’influencer. Ainsi<br />
est née la science moderne.<br />
“La voie du bonheur<br />
est la négation de<br />
la nature”, écrivait, <strong>au</strong><br />
XVII e siècle, le philosophe<br />
John Locke. La civilisation<br />
occidentale<br />
s’est fondée sur c<strong>et</strong>te<br />
croyance. Et, conformément<br />
<strong>au</strong> crédo scientifique,<br />
la médecine s’est<br />
attelée à soigner le<br />
corps comme un obj<strong>et</strong>. Oubliant par la<br />
même occasion le caractère multidimensionnel<br />
de l’être humain – individu indivisible,<br />
fait de chair, certes, mais <strong>au</strong>ssi de<br />
perceptions, d’émotions, de pensées <strong>et</strong> de<br />
croyances. Un être soumis <strong>au</strong> chaos de<br />
l’existence, un animal en quête de sens.<br />
Les anglo-saxons utilisent trois mots<br />
pour parler de la maladie. Disease désigne<br />
l’affection, la pathologie telle que la médecine<br />
scientifique l’étudie, la diagnostique<br />
<strong>et</strong> la soigne. Illness décrit le malaise ressenti<br />
par les patients, leur vécu subjectif.<br />
Sickness qualifie la maladie en tant que<br />
phénomène social qui touche l’ensemble<br />
de la collectivité. Il existe donc <strong>au</strong> moins<br />
trois nive<strong>au</strong>x de sens pour expliquer nos<br />
m<strong>au</strong>x. Le sens biologique de l’affection-disease<br />
qui perm<strong>et</strong> de la comprendre <strong>et</strong> de la<br />
soigner. Le sens symbolique que nous<br />
avons besoin d’attribuer à nos malaisesillnesses<br />
afin d’intégrer notre souffrance<br />
dans le récit de notre existence. Et, enfin,<br />
le sens collectif des pathologies-sicknesses<br />
qui implique la responsabilité de toute la<br />
société. Force est de constater que notre<br />
médecine ne s’intéresse qu’<strong>au</strong> premier de<br />
ces nive<strong>au</strong>x de sens. Or, comme toutes les<br />
crises, la maladie comporte à la fois un<br />
danger <strong>et</strong> une opportunité.<br />
Le danger de<br />
ne pas comprendre<br />
les c<strong>au</strong>ses qui nous<br />
ont précipités dans<br />
le chaos <strong>et</strong> de nous<br />
y enfoncer davantage.L’opportunité<br />
d’identifier<br />
les raisons de<br />
notre souffrance <strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre en place<br />
d’<strong>au</strong>tres c<strong>au</strong>ses pour obtenir une guérison<br />
ou, mieux encore, pour prévenir une récidive.<br />
Hélas, la prévention fait terriblement<br />
déf<strong>au</strong>t dans nos stratégies médicales.<br />
Conditionnés par les postulats philosophiques<br />
des Lumières, nous avons tendance<br />
à n’envisager que l’aspect négatif<br />
de nos m<strong>au</strong>x. <strong>Du</strong> coup, nous cherchons à<br />
comprendre les mécanismes pathologiques<br />
dans toutes leurs subtilités pour développer<br />
des moyens de lutter contre nos<br />
maladies d’une manière efficace. Notre<br />
médecine est devenue une médecine<br />
guerrière qui ne s’intéresse qu’<strong>au</strong> sens<br />
biologique de nos symptômes. Une “médecine<br />
de la maladie” qui prospère tant<br />
qu’elle peut chercher à comprendre, tant<br />
qu’elle peut innover pour soigner, tant<br />
qu’il existe des malades à guérir. Pourtant,<br />
Georges Canguilhem, Henri Laborit<br />
<strong>et</strong>, avant eux, les praticiens de médecines<br />
millénaires comme l’ayurvéda indienne<br />
ou la médecine traditionnelle chinoise,<br />
nous ont appris que la maladie peut <strong>au</strong>ssi<br />
être considérée comme une manifestation<br />
de la santé, une tentative de l’organisme<br />
de préserver ou de r<strong>et</strong>rouver son<br />
équilibre face à une situation<br />
perturbante. Quelles que<br />
NOTRE<br />
MÉDECINE<br />
soient ses c<strong>au</strong>ses – environnementales,<br />
sociales ou professionnelles<br />
–, la maladie survient<br />
parce qu’un déséquilibre<br />
s’installe dans la vie<br />
d’un individu, dans l’organisation<br />
de sa commun<strong>au</strong>té,<br />
ou dans les modes<br />
de fonctionnement de la<br />
civilisation à laquelle il<br />
appartient.<br />
En occultant c<strong>et</strong> aspect<br />
de la réalité, en<br />
om<strong>et</strong>tant de considérer<br />
la question du sens<br />
sous tous ses angles, la<br />
médecine s’expose <strong>au</strong><br />
risque d’avoir à soigner<br />
de plus en plus de maladies<br />
c<strong>au</strong>sées par un<br />
manque de sens. En eff<strong>et</strong>,<br />
si les progrès de la<br />
science perm<strong>et</strong>tent de<br />
vivre plus longtemps, il<br />
ne f<strong>au</strong>t pas oublier que<br />
bon nombre d’affections<br />
– maladies cardio-<br />
EST<br />
vasculaires,pathologies inflammatoires,<br />
DEVENUE<br />
diabète, cancers –, sont<br />
le résultat d’une usure<br />
UNE<br />
MÉDECINE<br />
due <strong>au</strong> temps, favorisée<br />
par de m<strong>au</strong>vaises habitudes<br />
alimentaires, des<br />
GUERRIÈRE<br />
pollutions environnementales<br />
ou des stress<br />
QUI NE<br />
psychologiques chroniques.<br />
S’INTÉ-<br />
RESSE<br />
Autant de facteurs<br />
pathogènes en constante<br />
<strong>au</strong>gmentation<br />
QU’AU SENS<br />
dans nos sociétés contemporaines.<br />
Or, face à<br />
BIOLOGIQUE<br />
l’accroissement de la<br />
longévité, dans un con-<br />
DE NOS<br />
SYMPTÔMES;<br />
À LA<br />
texte de plus en plus<br />
fragilisant, les usures<br />
dues <strong>au</strong> temps ne font<br />
qu’empirer. C’est un<br />
fait <strong>et</strong> il est inquiétant.<br />
MALADIE ET<br />
La seule compréhension<br />
biologique de nos<br />
NON À LA m<strong>au</strong>x ne suffira pas à y<br />
remédier. Tôt ou tard,<br />
SANTÉ.<br />
nous devrons nous interroger<br />
sur la signification<br />
symbolique <strong>et</strong>,<br />
surtout, collective des<br />
dégradations de notre<br />
santé. Tôt ou tard, nous<br />
serons obligés de remplacer notre “médecine<br />
de la maladie” par une “médecine de<br />
la santé” qui focalisera ses efforts sur<br />
l’éradication des facteurs pathogènes,<br />
m<strong>et</strong>tra sur pieds de véritables politiques<br />
de prévention <strong>et</strong> sera moins récompensée<br />
pour ses aptitudes à réparer le mal qu’à<br />
empêcher sa manifestation. Cela demandera<br />
de revoir certaines de nos représentations,<br />
d’abandonner certaines de nos<br />
croyances, d’oser imaginer une <strong>au</strong>tre civilisation.<br />
C’est une question de bon sens.<br />
Mais sommes-nous prêts à nous engager<br />
dans c<strong>et</strong>te direction ? n<br />
L A L I B R E 2 MARDI <strong>18</strong> NOVEMBRE 2008 31<br />
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