Le petit monde de Raymond Bigot - Université de Caen Basse ...
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A cette époque vaguement insouciante (on chevauchait les prési<strong>de</strong>nces Loubet et Fallières),<br />
on allait aux bains <strong>de</strong> mer à Saint Aubin, au nord <strong>de</strong> <strong>Caen</strong>. Et on aimait se déguiser pour un<br />
oui pour un non, et si Ma<strong>de</strong>leine jouait les marquises ou les fermières, Paul faisait plus<br />
exotique. Quant à Jeanne, elle se déguisait en elle-même.<br />
Pourquoi Paul ne se maria-t-il pas ? Nous ne lui avons pas posé cette question, car celui que<br />
nous appelions Tonton était un concentré d’habitu<strong>de</strong>s bien établies qu’il n’avait pu développer<br />
qu’en solitaire, <strong>de</strong> cela nous étions convaincus. C’est le seul <strong>de</strong> la famille qui s’autorisait à aller<br />
en bas au café boire un coup avec <strong>de</strong>s amis et qui faisait jusqu’au bout les mots croisés <strong>de</strong><br />
l’Indépendant honfleurais. Et sa chambre ressemblait à celle d’un loup <strong>de</strong> mer à la retraite<br />
alors qu’il n’avait jamais voyagé bien loin. Et pourquoi Ma<strong>de</strong>leine, belle comme un <strong>petit</strong> cœur,<br />
et que nous appelions Tata, ne se maria-t-elle pas ? Si elle chercha, elle ne trouva pas.<br />
Jeanne cherchait. En 1909, elle finit par trouver <strong>Raymond</strong>, le <strong>Raymond</strong> <strong>de</strong> la partie B qui<br />
semblait vivre alors à cheval entre Paris et Orbec, chez ses parents je pense. Elle avait 33 ans<br />
et lui 37. Comment une jeune femme <strong>de</strong> Bernay pouvait-elle dénicher un fiancé à Orbec,<br />
surtout un <strong>Raymond</strong> qui passait plus <strong>de</strong> temps à regar<strong>de</strong>r les chouettes et les hiboux que les<br />
dames... ? Pour sûr, Marie <strong>Bigot</strong>, veuve, avait du mettre en route ses limiers pour trouver<br />
l’épouse voulue. Il est possible que cela se soit noué via les acheteurs <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong><br />
<strong>Raymond</strong>, la moyenne bourgeoisie norman<strong>de</strong>, les mé<strong>de</strong>cins, les notaires, les propriétaires <strong>de</strong>s<br />
domaines qu’arpentait l’artiste avec ses carnets et ses crayons. Mais plus prosaïquement, les<br />
pères <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux mariés, tous <strong>de</strong>ux marchands <strong>de</strong> nouveauté, avaient du se connaître.<br />
<strong>Le</strong>s fiançailles eurent lieu en 1909. A cette occasion, une jolie photo fut prise sur le <strong>petit</strong> pont<br />
(ci-<strong>de</strong>ssus). <strong>Raymond</strong> et son chapeau (qu’il gardait pour dormir, pensions-nous), son frère<br />
Léon sans chapeau, la maman Camus et ses <strong>de</strong>ux filles. Ma<strong>de</strong>leine toujours en position un peu<br />
soumise. C’est certainement Paul qui prit la photo. <strong>Le</strong>s choses sérieuses pouvaient<br />
commencer. On notera que le <strong>petit</strong> pont était vraiment très <strong>petit</strong>.<br />
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