En couverture
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BRENDAN MCDERMID/REUTERS<br />
Colombie<br />
Nouvelle cocaïne<br />
des groupes armés<br />
Cartels de la drogue, mafias<br />
et paramilitaires s’intéressent<br />
aux ressources aurifères du pays,<br />
premier producteur d’or de la région.<br />
Car le métal précieux rapporte<br />
plus que le trafic de drogue…<br />
Foreign Policy Washington<br />
<strong>En</strong> Colombie, à plus de 4 000 km de<br />
Wall Street, le boom de l’or attire<br />
bien des opportunistes, générant<br />
une tout autre crise. Le pays, premier<br />
producteur d’or d’Amérique<br />
latine depuis 1937, a triplé sa production<br />
annuelle entre 2006 et 2010. Celle-ci a<br />
atteint 59 tonnes, une quantité qui pourrait<br />
encore doubler l’an prochain grâce aux investissements<br />
de grandes multinationales comme<br />
AngloGold Ashanti et Cambridge Mineral<br />
Resources. Mais ces entreprises ne sont pas les<br />
seules à entrer en action : guérillas de gauche, cartels<br />
de la drogue et criminels de tout poil veulent<br />
aussi leur part du gâteau. Sachant que le prix des<br />
denrées ne cesse d’augmenter et que le trafic de<br />
drogue est de moins en moins facile, l’or est<br />
devenu la nouvelle cocaïne.<br />
L’essor de ce secteur porteur est tel que les<br />
efforts de réglementation et de surveillance ont<br />
du mal à suivre. Il y a simplement trop de candidats<br />
à ces nouvelles activités et pas assez d’yeux<br />
entraînés pour s’assurer de leur légalité. Les autorités<br />
locales prêtent facilement leur concours à<br />
ces opérations en échange d’un profit. Et, surtout,<br />
le produit – l’or – n’est pas illégal : il peut<br />
être librement exporté par des entreprises ou des<br />
intermédiaires.<br />
“Les mines attirent toutes sortes d’acteurs armés”,<br />
explique Victor Hugo Vidal, responsable de la section<br />
locale du Processus des communautés noires<br />
de Colombie, une association régionale qui œuvre<br />
pour la justice sociale et surveille les opérations<br />
DR<br />
Tendance<br />
Ruée sur les détecteurs<br />
Le prix du métal jaune a augmenté de<br />
25 % depuis le début de l’année,<br />
rapporte The Australian, qui constate<br />
un boom de la fréquentation des<br />
gisements rappelant la ruée vers l’or des<br />
années 1850. Mais, contrairement à<br />
leurs ancêtres qui fouillaient les rivières<br />
Raid policier<br />
dans une mine<br />
d’or de la région<br />
d’Antioquia.<br />
Le président<br />
Santos s’inquiète<br />
de l’infiltration<br />
des guérillas dans<br />
le secteur minier.<br />
Milliardaire<br />
Au début des années<br />
1980, le Brésilien Eike<br />
Batista n’a que 22 ans<br />
mais est déjà à la tête<br />
de 6 millions<br />
de dollars. Il fait<br />
du commerce avec l’or<br />
de l’Amazone et<br />
s’achète sa propre<br />
mine. Son père n’est<br />
autre que l’ex-ministre<br />
des Mines et patron<br />
du groupe Companhia<br />
Vale do Rio Doce,<br />
devenu le groupe Vale.<br />
Depuis, le fiston<br />
a plutôt réussi dans<br />
les affaires : à 55 ans,<br />
il est aujourd’hui<br />
la première fortune<br />
brésilienne et<br />
la 8 e mondiale selon<br />
le magazine Forbes.<br />
Or des villes, or des champs<br />
à la main, les nouveaux chercheurs d’or<br />
sont équipés de détecteurs de métaux.<br />
Une aubaine pour Peter Charlesworth,<br />
président de la société Minelab, qui a<br />
vu ses ventes de détecteurs exploser<br />
depuis 2009 : “Les ventes sont<br />
particulièrement importantes en<br />
Afrique, mais on assiste à une<br />
croissance solide sur tous les<br />
continents”, confie-t-il.<br />
So trendy !<br />
A en croire les défilés de la<br />
Fashion week 2011 à Milan<br />
– rendez-vous incontournable de<br />
la mode –, c’est la tendance à venir :<br />
Courrier international | n° 1103-1104 | du 22 décembre 2011 au 4 janvier 2012 15<br />
minières sur la côte pacifique. “C’est souvent le<br />
patron du trafic de drogue [de la région] qui exploite<br />
la mine.”<br />
Le gouvernement est conscient du danger.<br />
<strong>En</strong> septembre dernier, le président Juan Manuel<br />
Santos [élu en juin 2011] a annoncé que des<br />
groupes rebelles étaient en train d’infiltrer le<br />
secteur minier. Le gouvernement a réagi rapidement<br />
en suspendant, dès le mois de février,<br />
les concessions de licences minières, déjà très<br />
nombreuses. <strong>En</strong> mai, le ministère des Mines et<br />
de l’<strong>En</strong>ergie a annoncé une enquête sur la corruption<br />
dans le secteur.<br />
Bataille économique<br />
Mais, pendant ce temps, les mines “informelles”<br />
continuent de voir le jour. Le plus inquiétant est<br />
peut-être la diversité des groupes armés impliqués<br />
: les Forces armées révolutionnaires de<br />
Colombie (FARC, principal groupe de guérilla de<br />
gauche) et l’Armée de libération nationale (ELN,<br />
deuxième groupe de guérilla), mais aussi un<br />
réseau grandissant de bandes criminelles qui<br />
commencent à peupler les villes colombiennes.<br />
Connues sous le nom de bacrim (raccourci de<br />
bandas criminales), ces structures mafieuses sont<br />
apparues à la suite du vide créé ces dernières<br />
années dans le trafic de drogue et d’autres activités<br />
illégales par la démobilisation des parami-<br />
l’or va se décliner sous toutes les formes<br />
possibles et imaginables. Sandales<br />
dorées, robes à paillettes, broderies<br />
scintillantes, bustiers chamarrés d’or,<br />
maquillage étincelant… selon le magazine<br />
Forbes, tous les grands créateurs,<br />
de Giorgio Armani à Donatella<br />
Versace, adoptent la golden touch.<br />
Tout ce qui brille n’est pas or…<br />
Distributeur de lingots<br />
Ce ne sont pas des canettes de<br />
soda qui sortent de cette<br />
machine, mais bien des<br />
pièces d’or. Le distributeur,<br />
installé fin septembre à Pékin,<br />
concernés depuis 2006], acteurs traditionnels du<br />
conflit. Ces bacrim luttent également pour le<br />
contrôle économique. Sur une route non pavée<br />
de Buenaventura [principal port de la côte pacifique<br />
colombienne], un mineur artisanal qui, il y<br />
a encore quelques mois, se rendait régulièrement<br />
à une mine “informelle” située à quarante-cinq<br />
minutes m’a raconté les scènes de cohue dont il<br />
a été le témoin. Les groupes armés qui cherchaient<br />
à contrôler une part de la mine étaient si<br />
nombreux qu’“il était impossible de savoir qui ils<br />
étaient”, m’a-t-il dit, sous couvert de l’anonymat.<br />
Quelque 250 pelleteuses appartenant à autant de<br />
propriétaires creusent où bon leur semble dans<br />
le lit d’une rivière alluviale. Au milieu de la mêlée,<br />
des groupes locaux de la société civile recueillent<br />
des informations sur la centaine d’homicides<br />
commis entre 2009 et 2010.<br />
Les signes de ce nouveau commerce sont<br />
visibles un peu partout. Selon des observateurs<br />
recrutés pour les prochaines élections locales, les<br />
plus grandes violences touchent les zones riches<br />
en ressources, y compris les sites aurifères. Le<br />
25 juillet, l’International Crisis Group (ICG, ONG<br />
indépendante) a dénoncé des “alliances entre les<br />
criminels et une partie de l’élite économique locale”.<br />
Dans le but de s’assurer l’appui de responsables<br />
locaux susceptibles de leur faciliter l’accès aux<br />
mines, les groupes armés n’hésitent pas, pour<br />
faire élire leurs candidats, à recourir à<br />
litaires [près de 30 000 paramilitaires ont été 16<br />
a la capacité de produire 320 pièces<br />
ou minilingots par jour et ajuste son prix<br />
toutes les dix minutes pour coller aux<br />
fluctuations des cours du métal précieux,<br />
rapporte le WantChinaTimes.<br />
IMAGINECHINA<br />
STEPHEN FERRY/REDUX-REA<br />
FILIPPO MONTEFORTE/AFP