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30 Courrier international | n° 1103-1104 | du 22 décembre 2011 au 4 janvier 2012<br />
Amériques<br />
Cuba<br />
Premiers travaux de démontage<br />
d’un Etat totalitaire<br />
L’écrivain et exilé cubain José<br />
Manuel Prieto revient à La Havane,<br />
sa ville natale, après dix ans<br />
d’absence. Etonné, il remarque<br />
à travers les détails de la vie<br />
quotidienne le repli de l’Etat,<br />
qui fut omniprésent pendant<br />
près de soixante-dix ans.<br />
Letras Libres Mexico<br />
<br />
ans cette agence de Queens,<br />
D lorsque j’ai acheté mon billet<br />
d’avion pour le seul vol direct<br />
New York-La Havane, j’ai aussi reçu la liste<br />
des produits que je pouvais apporter à<br />
Cuba : 10 kilos de médicaments et 20 kilos<br />
de produits alimentaires exempts de droits<br />
de douane. Cuba étant toujours sous<br />
embargo commercial des Etats-Unis, ce<br />
sont les exilés cubains qui se chargent de<br />
maintenir le pays à flot. Le jour du départ,<br />
à l’aéroport, j’ai vu de nombreux passagers<br />
transportant non seulement de gros<br />
paquets – contenant, j’imagine, les médicaments<br />
et la nourriture en question –,<br />
mais aussi des téléviseurs à plasma dans<br />
leur emballage, des chaînes hi-fi et des<br />
appareils électroménagers. <strong>En</strong> 2009, sur<br />
les 324 000 touristes provenant par vol<br />
direct des Etats-Unis, 95 % étaient d’origine<br />
cubaine, selon La Jornada. D’après les<br />
calculs de différents économistes, les<br />
envois d’argent des émigrés représentent<br />
chaque année plus de 1 milliard de dollars<br />
[769 millions d’euros] et environ 35 % des<br />
entrées de devises du pays.<br />
Cette aide est pourtant insuffisante. Je<br />
suis arrivé dans une Havane plongée dans<br />
une obscurité presque totale. Le célèbre<br />
carrefour situé entre les rues 23 et L, l’équivalent<br />
local de Times Square, est désert à<br />
cette heure, 22 heures. Cela donne une<br />
impression funeste – à croire que le pays<br />
vient d’être frappé par une catastrophe. Il<br />
règne un sentiment d’abandon et de crise<br />
très profonde. Cuba va mal. Et c’est en<br />
somme ce même diagnostic qu’a posé,<br />
quelques jours après mon arrivée, le 18 avril<br />
2011, l’actuel président cubain, Raúl Castro,<br />
devant le Parlement. Evoquant les temps<br />
difficiles que traverse l’île, il a averti : “Soit<br />
nous procédons à des rectifications, soit c’en<br />
est fini, nous ne pourrons plus longer le précipice,<br />
nous allons sombrer, et avec nous […] les<br />
efforts de générations entières.”<br />
Nul doute que les symptômes de cette<br />
crise profonde existent depuis au moins<br />
vingt ans. Mais ce qui saute aux yeux<br />
aujourd’hui, c’est que la crise n’est pas<br />
conjoncturelle, mais bien structurelle. Il<br />
ne s’agit plus de continuer à accuser le<br />
“blocus” [l’embargo] américain et la chute<br />
“Les transport sont toujours problématiques.”<br />
LES PHOTOS DE CE REPORTAGE ONT ÉTÉ RÉALISÉES PAR ORLANDO LUIS PARDO LAZO.