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MCT/ZUMA/REA<br />

Roumanie<br />

Rosia Montana, la mine<br />

de toutes les convoitises<br />

Associé à une société canadienne,<br />

l’Etat roumain compte bien profiter<br />

de la flambée de l’or en rouvrant<br />

la mine de Rosia Montana.<br />

Un projet controversé.<br />

Revista 22 Bucarest<br />

On dit que chaque maison de<br />

mineur de Rosia Montana recelait<br />

un passage qui conduisait<br />

aux carrières d’or. On ne peut<br />

plus vérifier cette histoire, car<br />

Romania Gold Corporation les<br />

a toutes rachetées. Avant de pouvoir exploiter l’or<br />

de Rosia Montana, ce joint-venture entre la<br />

société canadienne Gabriel Resources et l’entreprise<br />

publique roumaine Mininvest n’attend plus<br />

qu’une licence environnementale. La guerre est<br />

totale. Le noyau dur d’opposants à la réouverture<br />

de la mine fermée en 2006 soutient que le projet<br />

rayerait de la carte le massif Carnic, réduirait en<br />

poussière un patrimoine culturel antique, datant<br />

de l’époque où les Romains exploitaient l’or de la<br />

région, et que l’environnement pourrait être gravement<br />

pollué par la technique d’extraction au<br />

cyanure. Gold Corporation soutient pour sa part<br />

qu’elle prendra soin des sites archéologiques.<br />

La bataille se déroule sur un territoire fortement<br />

marqué par son histoire minière, dont les<br />

effets écologiques ont laissé un héritage difficile<br />

à gérer. Les eaux des ruisseaux à proximité des<br />

mines sont rouges [à cause de la pollution au cyanure],<br />

et les collines éventrées semblent avoir été<br />

frappées par un cataclysme. Pendant l’“âge d’or”<br />

[la dictature de Ceausescu], réduire la pollution<br />

n’était pas une priorité du régime communiste.<br />

La qualité de vie des gens ne comptait pas. Ils ont<br />

donc toutes les raisons d’être effrayés. L’un des<br />

principaux problèmes du projet Rosia Montana<br />

est le manque de confiance qu’il suscite. Le profil<br />

des principaux actionnaires de Gabriel Resources,<br />

cotée à la Bourse de Toronto, est typique : des<br />

milliardaires avec un gros appétit pour la spéculation<br />

financière. Parmi eux, Paulson & Co. et<br />

Electrum Strategic Holdings, des fonds d’investissement<br />

spécialisés dans l’or, ainsi que Newmont<br />

Mining Corp (Etats-Unis), l’un des principaux<br />

producteurs d’or du monde.<br />

République bananière<br />

L’Etat roumain, via la société Mininvest, est le<br />

plus gros actionnaire de l’entreprise, avec 19 %<br />

des parts. Mais sa participation semble sousévaluée.<br />

Etre assis sur une montagne qui, selon<br />

les estimations, cache dans ses entrailles jusqu’à<br />

300 tonnes d’or devrait inciter à prendre une participation<br />

plus consistante. Le contrat de la participation<br />

de l’Etat roumain au projet est<br />

maintenu secret, et la Roumanie semble être traitée<br />

comme une République bananière par des<br />

investisseurs véreux. Ailleurs en Europe en<br />

revanche, la Suède et la Norvège exploitent activement<br />

des mines d’or. L’Etat suédois a émis des<br />

concessions sur ses gisements d’or, et le respect<br />

des normes est soumis à un contrôle strict. Chez<br />

nous, ce genre de chose fait défaut. L’enjeu reste<br />

la ruée vers l’or. Le projet Rosia Montana prévoit<br />

d’extraire de l’or pour une valeur de plus de<br />

16 milliards de dollars en seize ans. Mais si l’investisseur<br />

canadien était chassé, il pourrait<br />

demander à l’Etat roumain des dédommagements<br />

ahurissants. Rosia Montana, elle, risque de rester<br />

fantomatique, car 80 % des bâtiments appartiennent<br />

désormais à Gold Corporation. Les<br />

quelques auberges de la région sont loin d’être<br />

rentables, et la bourgade n’est devenue attractive<br />

qu’avec toute cette controverse.<br />

Lidia Moise<br />

Courrier international | n° 1103-1104 | du 22 décembre 2011 au 4 janvier 2012 17<br />

Réserves<br />

Où est l’or allemand ?<br />

La Bundesbank est à la tête des<br />

deuxièmes réserves d’or de<br />

la planète. Le lieu où elles sont<br />

stockées est un secret d’Etat.<br />

Celui qui voudrait mettre la main<br />

sur les réserves d’or de<br />

l’Allemagne – qui s’élèvent<br />

actuellement à environ<br />

3 401 tonnes, pour une valeur<br />

marchande de 196 milliards de<br />

dollars – se trouve face à un<br />

problème : où sont-elles ?<br />

Cette question simple fait l’objet<br />

de folles spéculations.<br />

D’après les esprits critiques,<br />

le métal précieux se trouve<br />

essentiellement aux Etats-Unis,<br />

où il a été déposé pendant la<br />

guerre froide, d’une part pour<br />

l’éloigner le plus possible<br />

du rideau de fer, d’autre part<br />

pour donner un gage<br />

idéologique de la<br />

loyauté de<br />

l’Allemagne vis-àvis<br />

des Etats-<br />

Unis. Les esprits<br />

supercritiques<br />

doutent même<br />

que la<br />

Bundesbank<br />

détienne cet or<br />

tout court.<br />

Prenons les choses<br />

une par une. Les réserves<br />

d’or de la République fédérale<br />

remontent aux années 1950.<br />

Avec le miracle économique, les<br />

exportations de l’Allemagne de<br />

l’Ouest explosaient, et nombre de<br />

pays payaient en or. L’Allemagne<br />

détenait 4 000 tonnes d’or<br />

en 1968. Une grande partie<br />

d’entre elles ne fut toutefois<br />

jamais déplacée pour des raisons<br />

à la fois logistiques et<br />

actuarielles. L’or changea tout<br />

simplement de main dans<br />

les grands centres d’échange<br />

de New York, Londres ou Paris,<br />

tout en restant stocké au même<br />

endroit. Pendant la guerre froide,<br />

il semblait trop incertain<br />

d’entreposer l’or à Francfort,<br />

au siège de la Bundesbank.<br />

La métropole financière n’est en<br />

effet qu’à 100 kilomètres de<br />

la “trouée de Fulda”, un point<br />

de la frontière intérieure<br />

allemande qui aurait été idéal<br />

pour une invasion des troupes<br />

du pacte de Varsovie en raison<br />

de sa topographie. Quand le prix<br />

de l’or se mit à augmenter,<br />

dans les années 2000,<br />

un nombre croissant d’esprits<br />

critiques voulurent savoir<br />

où était l’or allemand.<br />

La Bundesbank resta muette.<br />

Hans-Helmut Kotz, le directeur<br />

de l’époque, déclara au magazine<br />

Stern en 2004 : “La plus grande<br />

partie de nos réserves d’or se<br />

trouve à la Réserve fédérale des<br />

Etats-Unis, à la Banque<br />

d’Angleterre et à la Banque<br />

de France, dans cet ordre.”<br />

Aucun représentant de la<br />

Bundesbank ne s’est depuis<br />

exprimé avec autant de détails.<br />

Les chasseurs de trésors<br />

doivent donc commencer<br />

par se fabriquer une carte : par<br />

exemple, la rumeur veut que<br />

sur les 3 400 tonnes d’or,<br />

2 400 se trouvent dans les<br />

coffres de la Federal Reserve<br />

Bank, à Manhattan. Thorsten<br />

Schulte n’a ni jambe de bois<br />

ni bandeau sur l’œil – seul son<br />

surnom, Silver Boy, correspond<br />

à l’imagerie de la chasse<br />

au trésor. Il est expert<br />

en métaux précieux.<br />

“Bien sûr que le fait<br />

que la Bundesbank<br />

en dise aussi peu<br />

est suspect”,<br />

déclare-t-il. Il y a<br />

plusieurs<br />

explications à cela.<br />

L’une d’entre elles<br />

touche à des<br />

considérations de<br />

sécurité et de politique<br />

commerciale.<br />

Sur plusieurs forums Internet, les<br />

observateurs se demandent si<br />

les réserves allemandes n’étaient<br />

pas une garantie accordée aux<br />

Etats-Unis, mais la Bundesbank<br />

dément catégoriquement. “Nous<br />

sommes guidés par des objectifs<br />

de sécurité, d’efficacité et de<br />

trésorerie”, déclare une porteparole.<br />

La Bundesbank n’a rien<br />

a priori contre un changement<br />

de lieu de stockage, mais le<br />

transfert de l’or dans les coffres<br />

allemands entraînerait des coûts<br />

élevés. C’est pour cette raison<br />

qu’il demeure à l’étranger.<br />

Les réserves d’or qui se trouvent<br />

dans les coffres de la<br />

Bundesbank à Mayence et<br />

à Francfort n’ont pendant<br />

longtemps pas représenté plus<br />

de 4 % du total, selon les<br />

spéculations. La Bundesbank<br />

affirme au FTD que “la plus<br />

grande partie de ses réserves<br />

d’or” se trouve en Allemagne.<br />

On n’en saura toutefois pas<br />

plus pour le moment,<br />

et les amateurs de théories du<br />

complot continueront à se<br />

raconter les histoires les plus<br />

folles sur l’or allemand autour<br />

de la cheminée.<br />

Peter Vollmerl<br />

Financial Times Deutschland<br />

Francfort<br />

ANTHONY BRADSHAW/GETTY IMAGES

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