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MANI/ZEPPELINNETWORK<br />

68 Courrier international | n° 1103-1104 | du 22 décembre 2011 au 4 janvier 2012<br />

Hommage<br />

Printemps arabe,<br />

un lexique<br />

Voici un an, le Tunisien Mohamed Bouazizi s’immolait par<br />

le feu, donnant le signal d’un vaste mouvement de révolte.<br />

Pour cet anniversaire, un quotidien libanais a demandé<br />

à des écrivains et à des journalistes de dresser l’abécédaire<br />

des “mots de la liberté”. Extraits.<br />

L’Orient-Le Jour (extraits) Beyrouth<br />

Bouazizi<br />

Rien ne prédestinait Mohamed Bouazizi à devenir<br />

un mythe, “l’étincelle” qui, en Tunisie, a<br />

déclenché la révolution. Fils d’une famille de sept<br />

enfants, marchand ambulant, le jeune homme<br />

pousse sa charrette pour vendre fruits et légumes.<br />

Ne possédant pas d’autorisation officielle, il subit<br />

les vexations d’une administration à laquelle il ne<br />

peut verser de pots-de-vin. Le 17 décembre 2010,<br />

on lui confisque son outil de travail. Il essaie de<br />

plaider sa cause auprès du gouvernorat, mais il<br />

s’y fait insulter et chasser. Humilié, Mohamed<br />

Bouazizi décide alors de s’immoler par le feu<br />

devant le siège du gouvernorat. L’acte désespéré<br />

de cet être qui “préfère mourir plutôt que de vivre<br />

dans la misère” provoque la colère des habitants<br />

de Sidi Bouzid. Malgré la répression, le mouvement<br />

s’étend spontanément à d’autres municipalités<br />

du pays. A l’appel de militants syndicaux,<br />

la révolte atteint la capitale le 27 décembre… <strong>En</strong><br />

guise d’hommage, des avenues, des places portent<br />

désormais son nom, notamment à Tunis et<br />

à Paris. Un marchand des quatre saisons aura fait<br />

le printemps. Alexandre Najjar<br />

Syrie<br />

Homs, 31 octobre 2011.<br />

“Dieu est grand. Plutôt<br />

la mort que l’humiliation.”<br />

Long<br />

courrier<br />

Les auteurs<br />

Alexandre Najjar<br />

Avocat et écrivain<br />

libanais d’expression<br />

française. Son dernier<br />

roman, Kadicha, vient<br />

de paraître chez Plon.<br />

Farès Sassine<br />

Professeur de<br />

philosophie à<br />

l’Université libanaise,<br />

il publie dans<br />

les quotidiens<br />

libanais An-Nahar<br />

et L’Orient-Le Jour.<br />

Chérif Choubachy<br />

Ecrivain et journaliste<br />

égyptien francophone.<br />

Nommé vice-ministre<br />

de la Culture en 2002,<br />

il démissionne<br />

quatre ans plus tard.<br />

Il est notamment<br />

l’auteur de Le Sabre<br />

et la Virgule<br />

(L’Archipel, 2007).<br />

Fouad Laroui<br />

Professeur de<br />

littérature, romancier<br />

et poète marocain<br />

vivant à Amsterdam.<br />

Son roman Une année<br />

chez les Français<br />

(Julliard) a fait partie<br />

de la sélection du prix<br />

Goncourt en 2010.<br />

Constituante<br />

Pour fonder un Etat de droit à l’ère de la démocratie,<br />

une Assemblée constituante élue au suffrage<br />

universel paraît être la voie royale pour<br />

élaborer et voter la loi organique. La Constitution<br />

pourrait être préparée par des commissions<br />

et soumise ultérieurement à un référendum<br />

populaire, mais les représentants des divers partis<br />

sont seuls à pouvoir établir le consensus légitime.<br />

Dans “l’Orient compliqué”, les choses ne sont<br />

pas aussi simples. Si la souveraineté populaire,<br />

cœur battant de la démocratie, donnait le pouvoir<br />

à des ennemis de la liberté, de l’égalité et des<br />

droits de l’homme, à un courant qui obstrue toute<br />

alternance ? Il serait donc légitime de se méfier<br />

d’un peuple trop longtemps opprimé, donné en<br />

pâture aux intégrismes et dont les organisations<br />

et les élites ont été continuellement décimées.<br />

Hitler lui-même est venu au pouvoir par la voie<br />

électorale. Farès Sassine<br />

Dégage ! (Erhal !)<br />

Scandées par des millions d’Égyptiens durant<br />

les dix-huit jours de la révolution du 25 janvier,<br />

ces deux syllabes resteront un des mots-clés de<br />

l’histoire moderne de l’Egypte. Pour la première<br />

fois depuis que Ménès a unifié les royaumes du<br />

Nord et du Sud, le peuple d’Egypte osait défier<br />

ouvertement “Pharaon” et réclamer sans appel<br />

son départ du pouvoir. Jusqu’alors, les révoltes<br />

étaient généralement dirigées contre l’occupant<br />

étranger, comme les deux révoltes du Caire<br />

contre l’armée de Bonaparte et la célèbre révolution<br />

de 1919 contre les Britanniques. <strong>En</strong> outre,<br />

de multiples émeutes du pain et des mutineries<br />

contre la misère et la cherté de la vie ont jalonné<br />

le XX e siècle. Mais un soulèvement des masses<br />

populaires contre Pharaon, considéré comme<br />

le père de la nation et vénéré depuis des millénaires<br />

en tant que divinité intouchable, constitue<br />

une véritable première dans l’histoire de<br />

l’Egypte. Chérif Choubachy<br />

Economie<br />

Pendant des semaines, Al-Jazira a repris en<br />

boucle une petite scène où l’on voyait une Tunisienne,<br />

proche de l’évanouissement, murmurer<br />

que ses quatre fils étaient au chômage : c’était le<br />

drame de sa vie. Depuis le début du “printemps<br />

arabe”, dès qu’on interroge des citoyens égyptiens,<br />

yéménites ou marocains, c’est toujours la<br />

question économique qui prend le pas sur les<br />

autres. Bien sûr, on parle globalement de dignité,<br />

de démocratie, de rejet du despotisme, etc., mais<br />

quand on s’adresse à un individu donné, quand<br />

on lui demande pourquoi il est en colère, qu’estce<br />

qui le pousse à manifester, on peut être sûr<br />

qu’il évoquera la cherté de la vie, la difficulté à<br />

trouver un logement et le chômage. Ceux qui<br />

réclament aujourd’hui le pouvoir sont-ils bien<br />

conscients de cette donnée ? Ont-ils un plan pour<br />

fournir un emploi à chaque Egyptien qui entre<br />

sur le marché du travail ? Comprennent-ils la<br />

question de l’eau au Yémen ? Ont-ils une alternative<br />

au tout-tourisme en Tunisie ? Mille questions<br />

similaires attendent d’être traitées. Ce sont<br />

elles qui décideront de l’avenir du “printemps<br />

arabe”. Fouad Laroui<br />

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