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Moyen-Orient<br />

Egypte<br />

La révolution kidnappée par les forces obscures<br />

La violence actuelle mène-t-elle<br />

le pays à un affrontement<br />

entre l’armée et les islamistes,<br />

comme dans l’Algérie<br />

des années 1990, ou alors<br />

à une entente entre ces deux<br />

forces, comme au Pakistan ?<br />

Al-Tahrir Le Caire<br />

<br />

ommentant les nouveaux affron-<br />

C tements autour de la place Tahrir<br />

[ayant fait en trois jours dix<br />

morts et des centaines de blessés], le Premier<br />

ministre Kamal Al-Ganzouri [nommé<br />

à la fin de novembre par le Conseil<br />

suprême des forces armées] estime qu’on<br />

n’a pas affaire à une poursuite de la révolution,<br />

mais à une contre-révolution. Je<br />

suis entièrement d’accord avec lui, mais,<br />

dans ce cas, qui sont les meneurs de cette<br />

contre-révolution ?<br />

Supposons que l’armée est la protectrice<br />

de la révolution, comme elle l’affirme,<br />

qu’elle ne tire pas à balles réelles, n’arrête<br />

pas les jeunes, ni ne les torture, ni ne les<br />

traîne par les cheveux, ni ne les écrase avec<br />

ses blindés, supposons donc que notre<br />

Conseil suprême des forces armées est tout<br />

gentil. Cela veut dire que ce n’est pas la<br />

peine de compter sur lui puisqu’il n’a visiblement<br />

pas la maîtrise de ce qui se passe<br />

réellement. [La presse publie de nombreuses<br />

photos montrant des soldats tirant<br />

avec des revolvers ou des mitraillettes.]<br />

Mais alors, si ce ne sont pas les militaires,<br />

qui sont donc les responsables des<br />

derniers événements ? Appelons-les “les<br />

forces obscures”. Des forces qui gouver-<br />

MOHAMMED ABED/AFP<br />

nent le pays en sous-main depuis la chute<br />

de l’ancien président Hosni Moubarak, en<br />

février dernier. Ce sont elles qui attaquent<br />

actuellement la révolution. Plus précisément,<br />

elles s’en prennent à ces jeunes toujours<br />

prêts à descendre dans la rue afin de<br />

défendre leur cause. Elles essaient de les<br />

éliminer en les tuant, en les blessant, en<br />

procédant à des “détentions provisoires”<br />

afin qu’ils ne soient plus en mesure de<br />

mobiliser de larges couches de la popula-<br />

Courrier international | n° 1103-1104 | du 22 décembre 2011 au 4 janvier 2012 41<br />

“Tantawi [chef du Conseil suprême des forces armées], éloigne<br />

tes chiens de moi.” Le dessin reproduit une agression qui a eu lieu lors<br />

des manifestations place Tahrir, le 19 décembre.<br />

La campagne présidentielle<br />

vue de l’étranger<br />

chaque semaine avec<br />

tion derrière eux. Une fois que ces jeunes<br />

auront été réduits à néant, ces forces obscures<br />

s’en prendront aux forces politiques<br />

nées de la révolution. Elles ont un grand<br />

savoir-faire dans l’art de miner des partis<br />

d’opposition et d’en faire des coquilles<br />

vides, incapables d’obtenir un réel soutien<br />

populaire.<br />

Mais qu’en est-il des Frères musulmans<br />

et des salafistes [forts de leurs bons scores<br />

électoraux lors des première et deuxième<br />

étapes des législatives] ? Pour ces deux-là,<br />

il n’y a que deux voies : soit l’affrontement<br />

[avec l’armée], soit l’arrangement. Dans la<br />

première hypothèse, on aura un scénario<br />

à l’algérienne, dans la seconde, un scénario<br />

à la pakistanaise, où les Frères et les<br />

salafistes pourraient étendre leur domination<br />

sur l’enseignement, les médias, les<br />

affaires sociales, etc., pour modeler la so -<br />

ciété selon leurs idées. Le cas du Pakistan<br />

montre bien où cela peut mener.<br />

Cette option ne serait toutefois pas<br />

non plus sans risques pour les islamistes.<br />

D’une part, les forces obscures pourraient<br />

se retourner contre eux une fois les mouvements<br />

révolutionnaires réduits à néant,<br />

les mettre à nouveau en prison ou les<br />

contraindre à l’exil en Arabie Saoudite.<br />

D’autre part, le peuple pourrait bien se<br />

retourner contre eux, notamment les<br />

jeunes générations et les catégories les<br />

plus ouvertes sur le monde extérieur. Les<br />

islamistes, et notamment les Frères, ont<br />

donc un choix difficile à faire.<br />

<strong>En</strong> tout état de cause, les décideurs<br />

auraient intérêt à ne pas oublier que<br />

l’Egypte a changé depuis la révolution.<br />

Les forces obscures continuent d’agir<br />

selon le mode d’action qu’elles connaissent<br />

et qui leur a permis de contrôler le<br />

pays depuis cinquante ans, mais ne se rendent<br />

pas compte qu’elles ressemblent aux<br />

dinosaures de Jurassic Park, ces dinosaures<br />

qui font un retour fracassant et<br />

sèment la terreur avant de connaître une<br />

fin inéluctable. Chers lecteurs, levez la<br />

voix avec moi ! Dites aux forces obscures<br />

que l’Egypte a changé, et qu’elles n’y ont<br />

plus leur place.<br />

Ezzedine Choukri Fishr<br />

Elysée 2012 vu d’ailleurs<br />

avec Christophe Moulin<br />

Vendredi 14 h 10, samedi 21 h 10<br />

et dimanche 17 h 10

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