Mul - unesdoc - Unesco
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sa terre. II a également attaché des valeurs par-<br />
ticulières au paysage en tant qu’objet esthétique<br />
permettant d’apprécier l’environnement par la<br />
vue, l’odorat, le goût, l’ouïe et la perception.<br />
L’Africain autochtone possédait une grande bra-<br />
voure physique ainsi qu’une intelligence qui lui<br />
ont permis de développer une capacité d’acqui-<br />
sition et de traitement de grandes quantités d’in-<br />
formations sur son environnement. II s’est adap-<br />
té à des environnements différents. II s’est servi<br />
du feu pour modifier et gérer le paysage, pour<br />
chasser et récolter de la nourriture, pour faciliter<br />
ses déplacements et se protéger des animaux<br />
dangereux, des mauvais esprits et des ennemis<br />
humains, pour augmenter la biomasse utilisable<br />
de la terre et favoriser des biomes comme la<br />
savane. II a remplacé une grande partie des<br />
forêts humides de plaine par des habitats visant<br />
à renforcer les activités agro-pastorales. II a<br />
évité le désert et les épaisses forêts et il est resté<br />
à proximité des étendues d’eau douce où il pou-<br />
vait s’approvisionner.<br />
Comment l’Africain traditionnel a-t-il réussi sa<br />
symbiose au paysage ? Avec toute la variété de<br />
flore et de faune de leur environnement, ces<br />
Africains aux riches cultures ont conçu, appris et<br />
acquis localement et traditionnellement des<br />
connaissances autochtones et des pratiques qui<br />
leur ont permis d’assurer leur subsistance et de<br />
gérer les ressources naturelles. Ce savoir n’a<br />
pas été consigné par écrit mais est passé à la<br />
postérité par transmission orale. II est spécifique<br />
à une classe sociale et un sexe (Pretty et a/.,<br />
1992 ; Turnbull, 1985 ; Colchester, 1993) et lié à<br />
la division du travail au sein de la communauté.<br />
La majeure partie de ce savoir peut maintenant<br />
être expliquée scientifiquement. La crédibilité, la<br />
faisabilité et le succès de ses applications repo-<br />
sent pour une large part sur l’engagement des<br />
partenaires concernés et des bénéficiaires. La<br />
plupart des communautés à travers le continent<br />
ont mis au point leurs propres systèmes commu-<br />
nautaires de gestion des ressources fondés sur<br />
des contrôles sacrés et pragmatiques, des<br />
contrats civiques et la création de nouvelles ins-<br />
titutions et de règles de contrôle.<br />
0 Contrôles sacrés : certains lieux comme les<br />
forêts, les grottes, les rives des fleuves, cer-<br />
taines collines, montagnes, vallées sont<br />
réservés, protégés et gardés. Ils servent pour<br />
les prières, les rituels et les cérémonies tradi-<br />
tionnelles et comme lieux de sépulture. Les<br />
arbres et leurs habitats associés que l’on<br />
E. Edroma - La notion d’intégrité pour les biens naturels et les paysages culturels<br />
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estime chargés de valeurs psychoactives<br />
pour la pratique des interdits sont traités<br />
comme des bois sacrés possédant une<br />
importance religieuse et spirituelle. Les<br />
arbres, les animaux et certains objets, ainsi<br />
que les sites utilisés lors des rituels et des<br />
manifestations de sorcellerie, sont déclarés<br />
demeures d’ancêtres surnaturels et donc pro-<br />
tégés et préservés par les anciens de toute<br />
ingérence. Les valeurs sociales et politiques,<br />
la morale, les normes culturelles, les lois cou-<br />
tumières et les traditions sont transmises aux<br />
jeunes générations dans les bois sacrés.<br />
Dans de nombreuses sociétés, chaque famil-<br />
le, clan ou communauté possède un arbre<br />
choisi par les anciens en consultation avec<br />
un voyant reconnu.<br />
Les gros arbres sous lesquels s’asseyaient<br />
les anciens pour débattre de questions poli-<br />
tiques, judiciaires et sociales sont devenus<br />
sacrés pour la communauté. Le continent est<br />
véritablement parsemé de forêts, d’arbres, de<br />
fourrés, d’arbustes, de montagnes, de col-<br />
lines, de rochers et autres sites conçus pour<br />
certaines cérémonies rituelles et spirituelles.<br />
L’Africain se considère comme faisant partie<br />
des éléments du paysage et doit être totale-<br />
ment impliqué dans les questions qui s’y rap-<br />
portent. En raison de ces croyances, beau-<br />
coup de bois sacrés et d’éléments caractéris-<br />
tiques du paysage sont restés protégés et<br />
n’ont pas souffert des attaques des charbon-<br />
niers, de l’abattage, du ramassage du bois de<br />
feu, du braconnage ou de la chasse, de la<br />
persécution des animaux par les hommes, de<br />
l’incendie, de l’érosion, du surpâturage et des<br />
empiétements agricoles. Les tabous associés<br />
à la coupe des arbres ont contribué à la pro-<br />
tection des zones sacrées et ont joué en fait<br />
le rôle de mesures de conservation. Ces<br />
zones sont ainsi restées intactes et consti-<br />
tuent des banques de renouvellement de la<br />
vie végétale et animale.<br />
l Contrôles pragmatiques : des mécanismes<br />
sont en place pour favoriser la conservation<br />
des ressources et assurer leur rendement<br />
constant. Ainsi, quand on récolte le miel, il<br />
faut en laisser un peu dans la ruche ou la<br />
colonie ; si l’on emportait tout, cela chasserait<br />
les abeilles et il n’y aurait plus rien pour faire<br />
face aux besoins futurs. Lorsque l’on extrait<br />
les racines latérales d’herbes médicinales, il<br />
faut se garder de déraciner la plante et de