GRAMMAIRE COMPARÉE LANGUES SLAVES

[§ 703] INTRODUCTION 11
plaisant, L. Tesnière a essayé le mot « phrasillon », en enrichissant
d'une unité un aimable suffixe de productivité assez restreinte.
Il ne faut pas se presser de rejeter ces inventions : si elles sont
acceptées, elles ne sont plus du tout choquantes ou risibles.
Des suffixes se forment comme caractéristiques de certains
ordres de concepts : ainsi -ite, -ose en médecine, « névrite »,
« dermatose » ; -aie, -ure en chimie, « sulfate », « sulfure ». Un
cas curieux est le développement tout récent en français du suffixe
-rama sur la base de « panorama » : « discorama », « musicorama
», etc. ; et « construrama », nom d'une exposition, dont la
forme barbare apporte justement la justification, puisque c'est
l'abréviation commerciale de « panorama de la construction ».
§ 703. La forme des suffixes. — Pourquoi « chauffage » et non
« chaufïement », mais « échauffement » et non « échauffage » ? Il
faut penser que ce n'est pas absolument sans raison, et qu'entre
plusieurs formes concurrentes de suffixes un instinct, et non le
hasard, a pu faire choisir une forme plutôt qu'une autre ; ceci à
l'origine, et après c'est chose acquise et relevant de la mémoire de
l'usage. Cet instinct, individuel ou collectif, c'est le « sentiment de
la langue », produit spontané d'une expérience et d'une longue
pratique, et qui est fait de toutes sortes de choses : recherche de
l'aisance de prononciation et de l'euphonie selon l'entourage
phonétique, recherche d'un sens clair et répondant bien à ce que
l'on veut dire, en fonction de réminiscences et d'associations d'idées
inconscientes.
Il y a, pour la création de dérivés nouveaux, des modèles
antérieurs. Le cas simple est celui de -rama, où le chef de file est
unique, « panorama » (« diorama » en est secondaire et sans influence).
Mais avec « chauffage » et « échauffement » il y a toute la
masse des dérivés en -âge et en -ment. Dans ces deux mots, on
croit percevoir une certaine différence de valeur des suffixes.
Pour s'en assurer, il faut examiner d'autres oppositions du même
genre, entre « perçage » et « percement », etc. Mais il y en a des
quantités, et les différences de suffixes répondent-elles toujours
à de mêmes différences de sens?
Ces problèmes se posent avec les langues qui ont une tradition
et dont on suit l'histoire, le français, où -âge, bien qu'ancien, peut
faire office de suffixe jeune et vivace à côté de -ment plus vieux et
plus usé. Ce ne peut guère être le cas pour une langue de civilisation
nouvelle comme le vieux slave, dont l'essentiel du vocabulaire de
la culture savante est récent et calqué sur le grec. C'est pourquoi
on trouve dans la dérivation des variantes fréquentes : vralarjï
et vratïniku «portier», prëdanïniku, prëdavïniku et prëdateljï
« traître », pravostï, pravota et pravunii « écruité ». neiirîip wliMcinn