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LA FERME DES ANIMAUX

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Ferme des Animaux) les bêtes ne cessaient de s’entrebattre, et<br />

bientôt seraient acculées à la famine. Mais du temps passa : et les<br />

animaux, à l’évidence, ne mouraient pas de faim. Alors Frederick<br />

et Pilkington durent changer de refrain : cette exploitation n’était<br />

que scandales et atrocités. Les animaux se livraient au cannibalisme,<br />

se torturaient entre eux avec des fers à cheval chauffés à<br />

blanc, et ils avaient mis en commun les femelles. Voilà où cela<br />

mène, disaient Frederick et Pilkington, de se révolter contre les<br />

lois de la nature.<br />

Malgré tout, on n’ajouta jamais vraiment foi à ces récits. Une<br />

rumeur gagnait même, vague, floue et captieuse, d’une ferme magnifique,<br />

dont les humains avaient été éjectés et où les animaux<br />

se gouvernaient eux-mêmes ; et, au fil des mois, une vague<br />

d’insubordination déferla dans les campagnes. Des taureaux jusque-là<br />

dociles étaient pris de fureur noire. Les moutons abattaient<br />

les haies pour mieux dévorer le trèfle. Les vaches ruaient,<br />

renversant les seaux. Les chevaux se dérobaient devant l’obstacle<br />

culbutant les cavaliers. Mais surtout, l’air et jusqu’aux paroles de<br />

Bêtes d’Angleterre, gagnaient partout du terrain. L’hymne révolutionnaire<br />

s’était répandu avec une rapidité stupéfiante.<br />

L’entendant, les humains ne dominaient plus leur fureur, tout en<br />

prétendant qu’ils le trouvaient ridicule sans plus. Il leur échappait,<br />

disaient-ils, que même des animaux puissent s’abaisser à<br />

d’aussi viles bêtises. Tout animal surpris à chanter Bêtes<br />

d’Angleterre se voyait sur-le-champ donner la bastonnade. Et<br />

pourtant l’hymne gagnait toujours du terrain, irrésistible : les<br />

merles le sifflaient dans les haies, les pigeons le roucoulaient dans<br />

les ormes, il se mêlait au tapage du maréchal-ferrant comme à la<br />

mélodie des cloches. Et les humains à son écoute, en leur for intérieur,<br />

tremblaient comme à l’annonce d’une prophétie funeste.<br />

Au début d’octobre, une fois le blé coupé, mis en meules et<br />

en partie battu, un vol de pigeons vint tourbillonner dans les airs,<br />

puis, dans la plus grande agitation, se posa dans la cour de la<br />

Ferme des Animaux. Jones et tous ses ouvriers, accompagnés<br />

d’une demi-douzaine d’hommes de main de Foxwood et de Pinchfield,<br />

avaient franchi la clôture aux cinq barreaux et gagnaient<br />

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