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LA FERME DES ANIMAUX

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ceaux de sucre, ainsi qu’abondance de rubans de différentes couleurs.<br />

Trois jours plus tard, Lubie avait disparu. Et trois semaines<br />

durant on ne sut rien de ses pérégrinations. Puis les pigeons rapportèrent<br />

l’avoir vue de l’autre côté de Willingdon, dans les brancards<br />

d’une charrette anglaise peinte en rouge et noir, à l’arrêt<br />

devant une taverne. Un gros homme au teint rubicond, portant<br />

guêtres et culotte de cheval, et ayant tout l’air d’un cabaretier, lui<br />

caressait le museau et lui donnait des sucres. Sa robe était tondue<br />

de frais et elle portait une mèche enrubannée d’écarlate. Elle avait<br />

l’air bien contente, à ce que dirent les pigeons. Par la suite, et à<br />

jamais, les animaux ignorèrent tout de ses faits et gestes.<br />

En janvier, ce fut vraiment la mauvaise saison. Le froid vous<br />

glaçait les sangs, le sol était dur comme du fer, le travail aux<br />

champs hors de question. De nombreuses réunions se tenaient<br />

dans la grange, et les cochons étaient occupés à établir le plan de<br />

la saison prochaine. On en était venu à admettre que les cochons,<br />

étant manifestement les plus intelligents des animaux, décideraient<br />

à l’avenir de toutes questions touchant la politique de la<br />

ferme, sous réserve de ratification à la majorité des voix. Cette<br />

méthode aurait assez bien fait l’affaire sans les discussions entre<br />

Boule de Neige et Napoléon, mais tout sujet prêtant à contestation<br />

les opposait. L’un proposait-il un ensemencement d’orge sur<br />

une plus grande superficie : l’autre, immanquablement, plaidait<br />

pour l’avoine. Ou si l’un estimait tel champ juste ce qui convient<br />

aux choux : l’autre rétorquait betteraves. Chacun d’eux avait ses<br />

partisans, d’où la violence des débats. Lors des assemblées, Boule<br />

de Neige l’emportait souvent grâce à des discours brillants, mais<br />

entre-temps Napoléon était le plus apte à rallier le soutien des<br />

uns et des autres. C’est auprès des moutons qu’il réussissait le<br />

mieux. Récemment, ceux-ci s’étaient pris à bêler avec grand intérêt<br />

le slogan révolutionnaire : Quatrepattes, oui ! Deuxpattes,<br />

non ! à tout propos et hors de propos, et souvent ils interrompaient<br />

les débats de cette façon. On remarqua leur penchant à<br />

entonner leur refrain aux moments cruciaux des discours de<br />

Boule de Neige. Celui-ci avait étudié de près de vieux numéros<br />

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