Télécharger le dossier de presse (PDF) - Marseille-Provence 2013

Maryline Crivello (AMU, UMR TELEMME)
Historienne, spécialiste des médias et des usages du passé
Images en mémoire, images en miroir
Des images du Monde à l’expérience de Soi
Les images de télévision, fabriquées, sélectionnées, diffusées en boucle, n’ont cessé, depuis les années soixante,
de mettre en scène une multitude de grands faits de l’actualité internationale ou d’événements mineurs de la
banalité quotidienne. Images des funérailles du Président Kennedy en 1963, premier pas de l’homme sur la
lune, chute du mur de Berlin en 1989, guerres et conflits dans le monde, cérémonies olympiques ou cataclysmes
naturels ont contribué à façonner un imaginaire collectif et à nourrir une mémoire commune.
Annie Ernaux (Les années, 2008), dans son oeuvre à l’interface de l’autobiographie et du regard sociologique,
sait nous faire ressentir que, ce qui comptait, alors que s’écroulaient inlassablement sur nos écrans les Twin
Towers, c’était de savoir dire où, comment, par qui, on avait appris l’attentat du 11 septembre. La télévision produit
ainsi sa part de grandes cérémonies et de rituels partagés, des fictions qui permettent aux individus de concevoir
le monde et d’alimenter pour partie, l’entrelacement des identités individuelles et collectives, miroirs permanents
de l’intime et de l’histoire.
Fondamentalement, le projet de l’exposition “ Images en mémoire, images en miroir, établi sur l’appropriation
artistique des archives de télévision de l’INA, démontre la complexité de la construction identitaire de tout récit
de soi. De fait, les images d’archives se transforment, pour les prisonniers, comme pour les participants libres,
en révélateurs d’expériences corporelles (depuis l’attachement maternel à la mort), de mythologies familiales
(l’identification au père, les secrets de famille, les gestes d’ascendance), de statut dans le champ social (la
fascination ou le rejet des codifications et des normes des sociétés), de dialogue avec l’histoire, les événements
traumatiques ou les usages politiques et mémoriels du passé (les souffrances de la seconde guerre mondiale,
la reconnaissance du 17 octobre 1961), de rapports à l’Universel (la question de l’identité humaine). Par une
approche mémorielle des archives de télévision, par une immersion dans les espaces territoriaux et virtuels de la
médiation télévisuelle, par la superposition hétérogène d’un flux impétueux d’événements historiques ou naturels,
ces films donnent à comprendre des émotions et des réalités vécues “de l’intérieur”. Au-delà de la frontière
carcérale, ces courts métrages nous interrogent sur nos propres enfermements, sur la quête de cohérence d’un
“récit de soi” qui puise dans les signaux de la petite lucarne, ouverte sur le Monde, un nouvel horizon d’expérience
et d’attente.
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