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D'où venons-nous? - Marc Angenot

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social», «fin du politique», «fin de la démocratie», instauration d’une «société du<br />

vide», naissance d’un «empire de l’éphémère», «crépuscule du devoir», «déclin de<br />

l’individualisme» (avènement du «temps des tribus»), «éclipse de la société»,<br />

progrès indéfinis de «l’inhumain» (car fin du progrès humain), engloutissement de<br />

l’Occident dans une Fin de siècle obscure (titre de Max Gallo) etc. Et pour passer à<br />

des diagnostics sectoriels, mais essentiels à l’identité hexagonale, comme l’école<br />

publique, comme la république jacobine: Fin de la République, 9 L’école est finie et<br />

– relais de l’Américain Allan Bloom qui avait diagnostiqué The Closing of the<br />

American Mind – «déclin de la culture française» etc. Enfin, pour résumer et<br />

globaliser le tout en une eschatologie néolibérale, «Fin de l’histoire» (voir<br />

l’Américain Francis Fukuyama dont je reparlerai, et ses commentateurs français<br />

innombrables).<br />

Dans un essai retentissant paru en 1987, La Défaite de la pensée, Alain<br />

Finkielkraut dénonçait la fin d’une certaine idée de la culture, déclarée «élitiste»<br />

par de néo-populistes et remplacée par un ersatz dégradé. Au bout du compte (oh!<br />

mânes de Victor Hugo, mânes d’Anatole France!), d’autres annoncent la fin de la<br />

littérature française, – ainsi Danielle Sallenave, Lettres mortes, et Henri Raszcymow,<br />

La fin du grand écrivain. Je passe à regret sur ce secteur qu’il faudrait traiter en<br />

long et, encore un coup, sur la durée de cinquante ans (voir La littérature à<br />

l’estomac de Julien Gracq), où se conjecture la décomposition présumée des lettres<br />

françaises en une obscure chienlit.<br />

Les publicistes de la «fin» aboutissent pourtant – à l’exception de quelques<br />

pervers polymorphes et de nihilistes provocateurs – à des rêves de retour<br />

dénégateur aux certitudes enchantées d’une France immobile laquelle, d’un écrit<br />

à l’autre, peut être une France gaulliste, ou jacobine, ou socialiste, ou marxiste, ou<br />

chrétienne, ou lettrée, ou même modestement franchouillarde – à ce stade il<br />

importe peu.<br />

Je vais compulser rapidement avec vous cette abondante production, si<br />

répétitive de ton, y voyant un symptôme, la prise de conscience par moments<br />

perspicace d’une mutation culturelle réelle, mais y décelant aussi des formes<br />

récurrentes de fausse conscience et de confusion des niveaux et des problèmes.<br />

’ Fin de la gauche?<br />

Les idéologies de droite et de gauche se portent mal en France, selon Alain<br />

Duhamel, mais certains secteurs semblent plus que d’autres au stade du coma<br />

dépassé. L’effondrement des États communistes et la marginalisation des partis<br />

communistes sont concomitants d’une crise profonde des tactiques et des<br />

programmes social-démocrates qui semblent arrivés au bout de leur potentiel et<br />

hésiter désormais indéfiniment entre redistribution modeste et effets pervers<br />

redoutés. La social-démocratie, on le constate sans peine, n’a guère profité de la<br />

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