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D'où venons-nous? - Marc Angenot

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Je propose une transition brutale avec un bref retour en arrière. Je voudrais<br />

parcourir avec vous quelques pages d’une brochure militante parue à Paris en<br />

1935. Elle prétend décrire les progrès en cours en U.R.S.S.:<br />

Les moyens de transport ont pu être considérablement développés.<br />

(...) Le développement de l’industrie lourde a permis d’envoyer au<br />

village des centaines de milliers de tracteurs et de machines<br />

combinées (...), d’élever considérablement le niveau technique de<br />

l’architecture. (...) Toutes ces réalisations ont permis d’améliorer la<br />

situation des masses et d’augmenter leur consommation. (...) L’une<br />

des plus grandes réalisations du plan quinquennal a été la<br />

suppression du chômage. (...) Les salaires payés aux ouvriers de la<br />

grande industrie pendant ces quatre années ont augmenté de 67%.<br />

(...) Les services médicaux, les sanatoriums, les maisons de repos, les<br />

restaurants (...) ont été l’objet d’améliorations considérables. (...)<br />

Maintenant il n’y a plus de pauvres dans les campagnes.(...) Tous<br />

accèdent rapidement à une vie aisée. La tâche essentielle de l’Union<br />

Soviétique n’est pas d’atteindre le niveau actuel des pays capitalistes,<br />

mais d’atteindre et de dépasser leur niveau technique dans les<br />

années de prospérité. (...) La deuxième période quinquennale verra<br />

une nouvelle croissance des salaires et des budgets des familles<br />

ouvrières. Le salaire réel doublera. Les prix de détail baisseront de<br />

35%. (...) La consommation augmentera de 2 fois l/2. L’Union<br />

soviétique fera un formidable bond en avant dans le domaine du<br />

développement culturel. (...) Le deuxième plan quinquennal, c’est<br />

la période de l’édification de la société socialiste sans classes, de la<br />

reconstruction technique de toute l’économie et de l’amélioration<br />

radicale des conditions de vie des masses... 2<br />

Ce n’est pas seulement l’effondrement de l’URSS – après des décennies de<br />

stagnation économique, d’exploitation esclavagiste, d’oppression policière et de<br />

ruine écologique – qui rend ahurissante cette rhapsodie de contre-vérités<br />

propagandistes, c’est la confiance candide dans les progrès de l’humanité et dans<br />

le bonheur prochain des hommes qui s’y exprime, cette confiance dans la<br />

délivrance prochaine du mal social qui font que ce texte, parmi des milliers<br />

d’autres de même farine, appartient à un autre temps et presque à un autre<br />

monde. C’est d’ailleurs des écrits de ce genre qui amènent les moralistes<br />

paradoxaux et désenchantés, abondants de nos jours, à se demander s’il n’est pas<br />

fatal que les espérances collectives ne débouchent sur le mensonge totalitaire et<br />

si la volonté de faire le bonheur des hommes ne conduit pas par une pente<br />

naturelle au crime contre l’humanité. Ce fragment de texte, si touchant<br />

d’espérance et si pervers (puisqu’il contribue à dissimuler déjà une part des<br />

atrocités du siècle), semble se prêter à ces synthèses à grandes enjambées qui<br />

6

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